23. Apocalypse

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Comme l'esprit me l'avait rappelé, ce fut l'apôtre Jean qui rédigea « l'Apocalypse » dans notre Bible... Je ne pus m'empêcher d'en relire certains passages qui m'avaient déjà intrigué :

« Apocalypse 13 :

... Je vis monter de la terre une autre bête, qui avait deux cornes, semblables à celles d'un agneau, et qui parlait comme un dragon. Elle exerçait toute l'autorité de la première bête en sa présence, elle faisait que la Terre et ses habitants adorent la première bête, dont la blessure mortelle avait guéri. Elle opérait de grands prodiges, même jusqu'à faire descendre du feu du ciel sur la Terre, à la vue des hommes.

Et elle séduisait les habitants de la Terre par les prodiges qu'il lui avait été donné d'opérer en présence de la bête, disant aux habitants de la Terre de faire une image à la bête qui avait la blessure de l'épée et qui vivait. Et il lui fut donné d'animer l'image de la bête, afin que l'image de la bête parlât, et qu'elle fit que tous ceux qui n'adoraient pas l'image de la bête fussent tués. Et elle fit que tous, petits et grands, riches et pauvres, libres et esclaves, reçussent une marque sur leur main droite et sur leur front. Et que personne ne put acheter ni vendre sans avoir la marque, le nom de la bête ou le nombre de son nom. C'est ici la sagesse... Que celui qui a de l'intelligence calcule le nombre de la bête. Car c'est un nombre d'hommes, et son nombre est 666... »

La première bête devait être ce dragon rouge, appelé « Satan », décrit par l'apôtre Jean dans ses textes. Elle avait sept têtes et dix cornes. Elle fut blessée à mort par l'armée des anges de Yahvé... Notre Fédération devait, dès lors, être dirigée par la seconde de ces créatures ; cette bête à deux cornes surgie des entrailles de la Terre, de ces grottes qui l'ont protégée des retombées nucléaires !

Ce que l'esprit m'avait révélé quelques instants plus tôt était donc vrai... Sans ces implants, placés sur notre front et sur notre main droite, personne ne pouvait plus acheter ni vendre au sein de notre société. Le chiffre 666 correspondait bien clairement aux marques de la Bête, ou plus précisément à ces trois groupes de six membres du « Conseil Suprême », ceux que nous appelions les « Intouchables ». Et ces derniers avaient effectivement deux cornes : ces deux lecteurs de bille virtuelle qu'ils arboraient sur leurs implants frontaux. Alors que le reste des membres de notre société n'en avait qu'un seul !

Ce mystérieux groupe d'individus avait miraculeusement survécu à l'Apocalypse, caché dans un abri souterrain, probablement situé dans les fondations du temple du roi Salomon qui venait d'être rebâti juste avant la « Guerre des Quatre » !

C'était donc d'eux qu'il s'agissait lorsque la Bible mentionnait « l'Antéchrist » : l'instigateur de l'Armagédon. C'était eux qui étaient à l'origine de la destruction de la civilisation qui nous précéda...

Et ces quatre cavaliers, décrits dans les textes comme annonciateurs de l'arrivée de la Bête, devaient être les quatre factions qui s'annihilèrent mutuellement lors des conflits nucléaires du début du 21e siècle. Elles étaient précisément décrites dans le journal de bord de notre astronaute solitaire : le Capitalisme, le Communisme, l'Islam et le Christianisme !

Apocalypse 21 :

... Je vis un nouveau ciel et une nouvelle terre : car la première terre avait disparu, et la mer n'était plus. Et je vis descendre du ciel, d'auprès de Dieu, la ville sainte, la nouvelle Jérusalem, préparée comme une épouse qui s'était parée pour son époux. Et j'entendis du trône une forte voix qui disait : voici le tabernacle de Dieu avec les hommes ! Il habitera avec eux, et ils seront son peuple, et Dieu lui-même sera avec eux. »

La suite de ce verset confirmait également que seuls ceux que Dieu avait choisis pourraient rester avec lui. Tous ceux qui l'avaient abandonné pour idolâtrer « la Bête » seraient noyés dans « l'Étang de Feu ». Son nouveau royaume : sa « Nouvelle Jérusalem », y était décrite comme une ville de cristal, n'ayant besoin ni du soleil ni de la lune pour l'éclairer. Et elle était entourée d'une haute muraille parfaitement carrée comportant douze portes...

Cette nouvelle Terre était, bien évidemment Éden, bien que le texte mentionne l'absence de mer. Peut-être Jean n'avait-il tout simplement pas eu l'occasion de la voir lors de sa vision. Celle-ci se trouvait, en effet, complètement occultée par le bord de la falaise lorsqu'on s'en éloignait d'à peine quelques mètres...

Mais la forme parfaitement carrée de la ville, de même que ses dimensions correspondaient exactement à celles des quatre coupoles arrimées entre-elles. Elles n'avaient effectivement besoin ni du soleil ni de la lune pour être éclairées, grâce aux projecteurs qui circulaient le long de leurs anneaux. Et Yahvé venait de m'ordonner de les entourer d'un mur... flanqué de douze portes !

Tant de questions troublaient à nouveau mes pensées, assaillies par toutes ces énigmes. Cette pesanteur omniprésente rendait mes gestes si lourds et astreignants. Elle fatiguait mon corps et mon esprit...

Je décidai de me reposer quelques instants ici, près de la tombe de notre Maître. Car à partir de demain, le travail n'allait pas manquer ! Il nous faudrait construire un monde nouveau, sur cette planète inconnue, guidés par cet esprit étrange et mystérieux qui nous avait menés jusqu'ici.

Ce ne fut que quelques heures plus tard, lorsque la nuit commençait déjà à tomber, que les chants et les musiques de mes compagnons me réveillèrent. J'escaladai en vitesse l'arbre qui abritait ma case afin d'aller y retrouver mes précieuses notes, pour ensuite me laisser glisser le long de l'arceau de la coupole qui, tel un toboggan géant, me permit d'aller rejoindre la fête qui battait son plein !

Un énorme feu avait été allumé au pied de notre cité. Mes amis dansaient, riaient et chantaient autour de celui-ci, m'offrant un spectacle encore plus éblouissant que ceux qui avaient parsemé notre long voyage. Je déposai mes notes et les quelques affaires que j'avais pu rassembler près de Marie.

Marie Madeleine s'élevait fréquemment au-dessus du groupe de danseurs, grâce à ses ailes dont elle se servait avec autant de dextérité et d'élégance... Nos ébats continuèrent jusqu'à la tombée de la nuit. L'obscurité s'installa autour de nous, à mesure que l'intensité de notre feu diminuait.

Nous nous éloignâmes en silence du petit groupe d'irréductibles qui continuaient à danser afin de trouver un endroit discret où nous pourrions passer la nuit ensemble. Ma compagne me prit par la main pour m'emmener au bord de la falaise.

Quelques buissons épais abritaient, juste sous nos pieds, une petite plateforme herbeuse située une dizaine de mètres en contrebas. C'était l'emplacement idéal ! Marie Madeleine était la seule à y avoir accès, grâce à ses magnifiques ailes. Elle me prit par la taille et nous projeta dans le vide en se laissant planer vers le promontoire rocheux.

Nous n'avions encore jamais fait l'amour en étant soumis à la pesanteur. Nos gestes maladroits faillirent, à maintes reprises, nous faire basculer dans le vide. Je ne pris néanmoins jamais tant de plaisir à m'unir à cette femme que j'aimais plus que tout, en ces instants magiques, éclairés par notre énorme lune, bercés par le son des vagues de l'océan venant s'écraser sur la falaise.

Celle-ci nous offrait enfin l'intimité dont nous avions tant besoin. Nous nous endormîmes entrelacés, ses ailes nous servant de protection contre le vent et la fraicheur de la nuit...

Homo Sum 2 : l'éveil de l'humanité (Episode 2 : Révélation)Where stories live. Discover now