43. La petite lune

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L'Amiral s'effondra sur son siège, pensive et attristée. Son Second, ne sachant plus que dire en la voyant ainsi, s'éclipsa en silence. Il lui restait encore pas mal de choses à faire avant de pouvoir aller profiter, à son tour, d'un repos bien mérité...

Loin de se douter de ce qu'il venait de se passer dans d'autres recoins du vaisseau, le Chef navigateur était enfin prêt à éjecter ses sondes. Elles furent montées sur quatre lanceurs, semblables à de multiples ogives nucléaires emportées par un seul et unique missile. Ces derniers étaient d'une taille sensiblement similaire à celle des chasseurs FXS.

Ils avaient été équipés de réacteurs d'appoint censés leur permettre d'atteindre une très grande vitesse supposée leur permettre d'envoyer des informations, à propos de leur lune respective, dans un délai très court. Quatre des six tubes de lancement furent apprêtés à cet effet.

Le Second supervisait la manoeuvre, comme l'exigeait la procédure. Il avait décidé de ne pas le faire à partir de la tour de contrôle, aucun autre trafic n'étant, bien évidemment, à signaler dans les environs. Il préféra donc rester dans le hangar, à côté du Chef navigateur, afin de profiter des explications du spécialiste en la matière.

Lorsque les lanceurs furent amenés, il réalisa leur taille impressionnante et la puissance de leurs réacteurs. La décélération que le vaisseau subissait, de façon constante, obligeait les techniciens à travailler dans la pesanteur. Ce qui rendait l'installation des quatre gigantesques missiles encore plus pénible et délicate qu'à l'accoutumée. La moindre erreur de manipulation aurait pu déclencher l'emballement d'un de leurs réacteurs... ou pire une explosion qui risquait d'ouvrir une brèche dans la coque de la frégate !

Tout se passa, bien heureusement, sans encombre grâce au professionnalisme de l'équipe de lancement. Les quatre projectiles furent éjectés en une courte salve, à partir de leur tube respectif. La puissance délivrée par les catapultes fit vibrer le vaisseau tout entier, avertissant ainsi l'équipage que leurs sondes se dirigeaient vers les lunes du système planétaire d'Alpha. Une clameur de joie résonna longuement à l'intérieur des coursives...

L'enveloppe protectrice des lanceurs fut très vite éjectée afin de permettre aux multiples sondes qu'ils contenaient d'ouvrir leurs yeux perçants. Le Chef navigateur dirigeait à présent la manœuvre, installé dans la salle de contrôle. Il se trouvait en face d'une batterie d'écrans tactiles tridimensionnels affichant les images et données émises par la bonne trentaine de sondes qui venaient d'être libérées dans l'espace.

Elles étaient toutes opérationnelles ! Un léger sourire s'affichait sur son visage en sueur. Il s'exclama soudain, en se tournant vers le Second ainsi que l'assemblée de techniciens toujours présents :

— Regardez, c'est fantastique. Elles ont déjà acquis certaines lunes de la deuxième géante gazeuse en visuel ! Leur système optique est incroyable, bien plus performant que nos télescopes de bord. Nous aurions dû les lancer plus tôt. L'Amiral avait raison, comme d'habitude...

— Combien d'entre elles ont déjà repéré leur lune ? demanda le Second.

— Une bonne dizaine, il s'agit des plus grosses d'entre elles, répondit le Chef navigateur tout en jouant, tel un virtuose, de ses doigts sur les écrans tactiles.

Il commença à classer les lunes par ordre de grandeur et à lancer les fonctions d'analyse de ses sondes afin de relever leurs différentes caractéristiques. Une à une d'autres lunes vinrent s'ajouter à la liste, au fur et à mesure qu'elles apparaissaient de derrière leur planète respective. Ce fut alors que, comme s'il avait été pris d'une soudaine démence, le Chef navigateur bondit hors de son siège pour venir étreindre le Second d'une accolade qui faillit l'étouffer. Ce dernier le repoussa gentiment tout en lui demandant :

— Ça va ? Pas trop surmené, je peux vous faire remplacer s'il le faut...

— Me remplacer, maintenant ? Surtout pas, répondit-il en reprenant place derrière sa console.

Il fit agrandir les données d'une des petites sondes sur l'ensemble des écrans. L'assemblée fut soudain prise de la même hystérie dont il venait de faire preuve. À l'écran, un petit point bleu se détachait très distinctement sur fond de la première géante gazeuse.

Au fur et à mesure que le Chef navigateur l'agrandissait, en orientant précautionneusement l'œil de sa sonde, ce dernier se précisa... pour enfin devenir pratiquement semblable à leur planète d'origine ! Des larmes de joies et d'admiration perlèrent dans les yeux du Second, qui s'adressa à nouveau au navigateur :

— Ça doit être notre lune ! Il n'y en a certainement pas deux comme celle-ci dans ce système. On dirait notre planète, en miniature. Regardez ces nuages blancs, ces océans et ces îles...

— En effet, confirma le navigateur en remettant les images des autres petits astres à l'écran. Regardez, elles sont toutes similaires aux lunes que nous connaissons. Seule celle-ci semble tout à fait différente ; couverte d'eau et de petits continents, semblables à ceux de notre troisième planète...

— Pouvons-nous rediriger les autres lanceurs vers elle ? demanda le Second.

— Certainement Commandant... mais l'Amiral ?

— J'assume l'entière responsabilité de cette décision, répliqua le Second. Laissons l'Amiral se reposer, elle en a bien besoin !

Le Chef navigateur s'empressa alors de rediriger les trois autres lanceurs vers la lune en question tout en s'adressant au Second sans même le regarder :

— Je vous rappelle que nos sondes ne pourront pas se mettre en orbite autour d'elle. Leur vitesse est bien trop élevée et elles ne disposent d'aucun dispositif de freinage. Elles ne feront qu'un passage rapproché...

— Ne vaudrait-il pas mieux les faire s'y écraser ? demanda la Second. Nous pourrions ainsi bénéficier de plus de renseignements concernant la composition de l'atmosphère ainsi que de la surface de cette lune ?

— Nous n'y avions pas pensé, mais vous avez raison ! Autant les sacrifier, qu'elles nous livrent le plus d'informations possible. Je vais les reprogrammer afin qu'elles se dispersent sur les différentes petites îles et continents. Nous pourrons même les guider manuellement, durant la phase finale de leur approche. Peut-être y apercevrons-nous l'emplacement des Indésirables...

— Ne rêvons pas, rétorqua le Second. Mais vous annoncerez à l'Amiral, lorsqu'elle sera réveillée, que nous avons trouvé sa botte de foin. Il ne nous reste plus qu'à y dénicher cette foutue aiguille !

Homo Sum 2 : l'éveil de l'humanité (Episode 2 : Révélation)Where stories live. Discover now