11. Europa

76 9 42
                                    


Je profitai des quelques semaines qui nous restaient avant d'atteindre notre but pour continuer de lire notre Bible, ainsi que le journal de bord de l'astronaute solitaire... Tout comme c'était le cas pour nous, ce dernier arrivait également au terme de son voyage. Je prenais malin plaisir à m'identifier à lui, tout en partageant ses aventures... étape par étape.

663e jour de mission

Jour de mise en orbite autour d'Europa... Les systèmes de navigation, entièrement automatisés, du vaisseau m'ont permis d'établir une trajectoire basse, passant régulièrement au-dessus de l'endroit choisi pour mon «atterrissage». L'instant est venu pour moi d'activer les fonctions vitales du module d'exploration : le «Vladimir Komarov», que j'ai rebaptisé «Komrad» pour plus de facilité. C'est à son bord que j'effectuerai ma descente, dans trois jours...

Laissez-moi brièvement vous expliquer l'histoire de ce cosmonaute que nous avons décidé d'honorer en donnant son nom au module qui me permettra bientôt d'aller chatouiller la surface glacée d'Europa :

Vladimir Komarov était le collègue, ainsi que le meilleur ami, du très célèbre Youri Gagarine. Son baptême de l'espace eut lieu le 12 octobre 1964. Il y assurait le commandement de la toute première capsule comprenant un équipage de plusieurs cosmonautes : le Voskhod 1.

Cette mission était très risquée, car, faute de temps dans l'inexorable course médiatique qu'était, et que sera décidément toujours, la conquête spatiale leur habitacle était trop exigu pour abriter confortablement ses trois occupants. Il ne permettait pas à son équipage d'avoir de véritables combinaisons spatiales et n'était même pas équipé de sièges éjectables!

Vladimir et ses deux équipiers menèrent, malgré tout, à bien leur mission. Ce qui leur valut les honneurs suprêmes lors de leur retour, hautement médiatisés, dans une Russie au climat politique chaotique où un coup d'État venait de se produire...

En effet, ils décollèrent sous les acclamations de Nikita Khrouchtchev... et furent surpris d'avoir à embrasser le tout nouveau président du Parti communiste : Léonid Brejnev (sur la bouche bien entendu, comme le voulait la coutume) lors de leur retour hautement médiatisé. Leur voyage dans l'espace ayant à peine duré deux jours!

Son prochain vol n'aurait lieu que trois années plus tard. Il devait célébrer le 50e anniversaire de la révolution communiste. Léonid Brejnev avait bien l'intention d'en faire une sensationnelle prouesse médiatique.

Il ne s'agissait pas non plus d'un vol banal. Leur tout nouveau vaisseau : le Soyouz 1 serait lancé un jour avant une deuxième fusée, occupée par trois autres cosmonautes. Celle-ci viendrait s'accoupler à la sienne afin d'y effectuer le tout premier échange d'équipage, d'une capsule à l'autre, dans l'espace.

Mais, tout comme pour son vol précédent, les exigences médiatiques qui imposaient de lancer cette mission à une date bien précise empêchèrent de finaliser la préparation de sa machine.

Gagarine et Komarov signalèrent ce dangereux état de fait à leurs supérieurs... Mais ce fut en vain. Vladimir accepta néanmoins cette mission suicidaire, sachant très bien que s'il refusait, ce serait son ami Youri qui aurait à l'effectuer. Il s'envola donc, seul, à bord de Soyouz 1, le 23 avril 1967. Et comme Gagarine et lui-même l'avaient prédit : les problèmes ne tardèrent pas à se présenter...

Son système de guidage automatique s'avéra défectueux, et ses panneaux solaires ne se déployèrent que partiellement. Ces déficiences provoquèrent l'annulation de la seconde mission, sauvant ainsi la vie des trois cosmonautes qui auraient dû venir le rejoindre dans l'espace.

Homo Sum 2 : l'éveil de l'humanité (Episode 2 : Révélation)Where stories live. Discover now