22. Yahvé

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Je me dirigeai alors, notre précieuse Bible à la main, vers le sas d'accès de la coupole qui abritait ma petite demeure dans les arbres. J'y avais laissé toutes mes notes. Mes déplacements à l'intérieur du conduit étroit, situé dans son arceau circulaire devinrent de plus en plus pénibles à mesure que l'inclinaison de celui-ci passait de l'horizontale à la verticale.

Les cordages, laissés par son pilote me permirent d'accéder à l'intérieur de cette énorme bulle qui fut notre demeure durant tant d'années. La végétation et les constructions, de tissus, avaient repris leur forme normale sous l'effet de leur propre poids. Il ne me serait plus si aisé d'atteindre mon abri, perché là-haut !

Je décidai de me reposer quelques instants auprès de la tombe de notre Maître grâce auquel nous étions arrivés jusqu'ici... Je me mis à genoux en face de l'imposant hologramme qui le représentait. Il semblait me regarder. Sa toge blanche me rappelait étrangement la description de ce mystérieux septième homme, aux habits de lin.

Mes pensées voguèrent vers les instants que nous passâmes ensemble. Il resterait, à jamais, notre « Maître » dans mes souvenirs. J'aurais pourtant aimé lui adresser la parole en lui donnant un nom, en faire mon ami. Lui qui avait pris encore bien plus d'importance dans ma vie que mon propre père ! C'était grâce à lui que nous étions ici. Et je me rendais compte que nous aurions toujours eu grand besoin de ses conseils, ainsi que de sa sagesse. J'espérais secrètement qu'il vienne me parler en m'indiquant la voie à suivre.

Ce fut alors que l'étrange lumière réapparut en face de moi ! Une voix, semblable à celle qui m'avait murmuré le nom d'Ezéchiel, m'adressa la parole... Elle semblait émaner de la Nouvelle Chance que je pouvais apercevoir à travers la surface transparente de notre coupole.

En l'observant plus attentivement sous cet angle inhabituel, je me rendis compte qu'elle avait vraiment la forme d'un buste humain posé à la verticale sur son miroir protecteur. Elle s'adressa soudain à moi... Je m'accroupis, face à terre, en signe de respect et de crainte.

— Jean, relève-toi, je viens te parler !

Ces quelques mots entrèrent en moi, comme les paroles du Maître le firent dans le passé et comme celles de Yahvé durent probablement pénétrer l'esprit d'Ezéchiel, lors de cette fantastique apparition...

— Il y a exactement trois millénaires, j'ai ouvert aux yeux d'Ezéchiel la porte du temps. Je lui ai montré le spectacle de notre arrivée sur Éden, qu'il interpréta comme la vision de mon char de gloire. Il s'agissait bien de votre vaisseau salvateur, qui allait nous emmener vers mon nouveau royaume. Je lui ai fait décrire cette vision dans ses écrits pour qu'un jour tu puisses les lire et convaincre ta race : celle du peuple élu, de l'amour éternel que je vous porte... Je t'ai choisi, pour transmettre mon message, tout comme je le fis avec Ezéchiel, en lui ordonnant d'aller prévenir les israélites, infidèles rebellés contre ma foi, qu'une mort horrible et inévitable les attendait. J'ai montré le chemin de la Terre promise à votre Maître, qui vous guida jusqu'ici. Cette petite lune sera notre nouveau monde, et vos coupoles deviendront mon temple. Vous les entourerez d'un mur comportant douze portes. Vous y écrirez les noms des douze tribus des fils d'Israël... Tant qu'il y aura une étincelle d'amour pour moi dans le cœur d'un seul d'entre vous, je continuerai à exister. Sinon nous disparaîtrons tous, en même temps que cette flamme d'espoir qui s'éteindra à tout jamais. Les hommes de la Terre ont perdu leur foi. La Fédération les a aveuglés... Seuls quelques élus, comme toi, ont encore su gardé dans leur cœur la lumière et l'espérance d'un monde meilleur. Votre société s'est complètement fermée à mon amour. Elle a refusé la main que je lui avais tendue... Je vous ai choisi : « le peuple des élus », pour continuer à faire briller ma flamme, bien loin des infidèles de la Terre qui nous ont abandonnés. J'ai décidé de ne plus les considérer comme mes enfants... Un cataclysme gigantesque va à nouveau les anéantir en punition de leurs péchés. Jean, si tu as encore le moindre doute en ma parole, souviens-toi de l'Apocalypse, que tu as décrite dans le « Livre Saint ». Et du chiffre que tu donnas à la bête : « 666 »... Ce n'est pas un nombre d'hommes, c'est celui de leur emblème, celui de leur secte, dirigée par trois fois six démons. Ils sont la bête, que le grand dragon, le serpent ancien, a fait monter de la mer en lui donnant sa puissance, son trône et sa grande autorité... Il fut jeté dans l'abîme, mais il en ressortira tous les mille ans. Et cet instant vient d'arriver ! Si vous m'entendez et luttez contre lui ; toi et ton peuple serez avec moi l'Alpha et l'Oméga, le premier et le dernier, le commencement et la fin...

Après qu'il m'eut adressé la parole, l'esprit disparut, en même temps que la lumière, d'où sa voix semblait émaner... Comme cela s'était déjà plusieurs fois produit dans mon existence mouvementée, je me retrouvais confronté à des sentiments mitigés.

Avions-nous été manipulés par une intelligence supérieure qui nous utilisa pour faire de nous ses esclaves ? Cet esprit divin était-il vraiment notre guide, notre sauveur et notre Dieu ? Il devait en tout cas être à l'origine de notre évasion.

Ce fut sans doute grâce à lui que nous pûmes passer à travers les anneaux de Saturne et que les vaisseaux de la 5e Flottille s'y écrasèrent... Tout comme il l'avait fait pour son peuple élu en lui ouvrant les eaux de la mer Rouge pour ensuite les refermer sur l'armée du pharaon, il y avait de cela exactement 4 000 ans !

Il avait également réussi à faire de notre Maître l'un de ses disciples. Je nourrissais une telle admiration pour ce dernier que j'étais convaincu de la justesse de ses décisions. Je ne comprenais pourtant pas ce besoin de vengeance. Pourquoi détruire la race humaine tout entière ? Pourquoi ne pas laisser la Fédération occuper le système solaire et tout recommencer à zéro, ici, sur ce nouveau monde, avec son peuple élu ?

Tant de questions hantaient mon esprit, et je n'eus ni le temps ni le courage de les poser ! Un nouveau livre venait de s'ouvrir. J'avais choisi d'assumer la lourde tâche de commencer à le rédiger... tout comme cet apôtre « Jean », dont j'avais étrangement choisi le nom, et qui fut également entraîné dans une formidable destinée !

Homo Sum 2 : l'éveil de l'humanité (Episode 2 : Révélation)Where stories live. Discover now