Chapitre 17 - Conversation archaïque

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"J'ai pris tes chats. Annonça Lise en sortant deux caisses de la banquette arrière. Je crois bien qu'il y en a un qui s'est lâché. Mais, je te le laisse en juger. Je t'ai aussi pris des vêtements plus légers parce que mon petit doigt me dit que tu vas rester plus longtemps et le dossier de Louis est sur le siège avant... SOPHIE !"

La jeune femme sursauta. Son regard était planté sur le ciel. Le temps était passé à une vitesse ahurissante. Elle ne ressentait même pas la faim et la fatigue alors qu'elle avait passé sa journée dans une cave à lutter contre un sort. Lise la regarda en coin :

"Qu'est-ce que tu as ? Tu as l'air... déboussolée ?

-Je... je n'ai pas vu le temps passé."

Lise haussa les épaules. Elle fit ce mouvement de la tête comme lorsqu'elle ne comprenait rien et qu'elle en était excédée. Sophie répondit par une grimace. Elle saisit les caisses contenant ses chats. Tourbillon, un chat gringalet noir qu'elle avait adopté à six mois, s'était terré contre la grille. Ses grands yeux bleus se découpaient dans l'obscurité. Les dons des lucides ne s'appliquaient pas aux animaux. Cependant, Sophie devina la peur dans ses yeux. Elle se pencha ensuite sur Jiji, un gros matou gris et blanc, à l'air blasé, recroquevillé sur lui-même. C'était lui qui s'était lâché. L'odeur de l'urine émanait de son pelage. Sophie devra le laver ce qu'ils détestaient tous les deux.

Lise se fit un thé à la bergamote. Sophie s'installa à la table. Comme souvent quand elle était en présence de sa meilleure amie, elle avait l'impression d'être l'invitée chez elle. Lise prenait facilement ses aises. Elle se permit même de fouiller les placards à la recherche de biscuits secs. Depuis qu'elle avait vécu deux ans à Londres, elle ne ratait plus l'heure du thé :

"Tu as l'air... guillerette. Nota Sophie.

-Et toi, tu es éteinte." Remarqua son amie en s'asseyant en face d'elle.

Lise posa sa main sur l'épaule de la wiccane. Une brève inspection de cette dernière lui permit de voir que son amie était une simple humaine. Dans un sens, elle était rassurée parce qu'elle n'était pas certaine que Lise attendit que sa vie fut bousculée. Et puis, cela ne l'empêchait pas de comprendre Sophie en un regard :

"Alors, c'est tes anciens camarades de classe qui t'ont abandonnée ?

-Ce n'est pas vraiment ce qu'il s'est passé. Léandre a eu... des problèmes administratifs et Maya l'a suivi." Les défendit Sophie.

Lise haussa les sourcil en croisant les bras. Elle évalua Sophie. Même si elle était horriblement fatiguée, il y avait quelque chose de nouveau chez son amie. Elle l'avait toujours connue écorchée, taraudée, incapable de s'entendre avec plus de trois personnes en même temps. La Sophie devant elle avait cohabité pendant une petite semaine avec deux inconnus. Ils s'étaient si bien entendus qu'elle regrettait leur départ. Lise ne put s'empêcher d'être fier d'elle tout en gardant une réserve :

"Encore une fois, tu te laisses marcher dessus. Moi, je suis très en colère. Tu es isolée au milieu de rien et ils sont partis sans te prévenir. Et en plus, ajouta-t-elle en observant Meredith qui se prélassait au soleil, ils te laissent leur molosse alors que tu es une personne à chats."

Comme pour confirmer ses propos, Jiji sauta sur les genoux de Sophie alors que Tourbillon vint se rouler en boule sous sa siège. Cette dernière caressa distraitement son matou en observant le fond de sa tasse :

"Ils n'avaient pas le choix...

-Sophie !" S'exclama Lise.

Au même moment, le portable de cette dernière vibra sur la table de la cuisine et le visage Léandre apparut. La jeune femme sauta littéralement dessus évitant à Lise de voir le nom inscrit. C'était une précaution stupide puisque Léandre était un parfait inconnu. Elle s'enfuit par la porte arrière dans le jardin :

Souvenirs de la Côte d'OpaleWhere stories live. Discover now