Souvenirs de la Côte d'Opale

Chapitre 38 - Trop tard

Un mince film bleuie aux reflets violets se dessinait en dôme au-dessus d'Ys. C'était la barrière de Gradlon. Sophie l'observait régulièrement très fière de pouvoir la discerner. Ses capacités de Lucide étaient tels qu'elle voyait l'aura de Léandre avant même son corps. Cependant, leurs têtes étaient des boîtes ouvertes. Elle vivait ses émotions et entendait ses pensées tout comme il pouvait le faire avec elle. Cela l'épuisait. Elle pensait pour deux, était excitée pour deux, énervée pour deux et lui aussi. Elle tourna la tête vers ce dernier.

Léandre courait régulièrement autour de l'île. Même si le domaine n'était pas grand, en faire le tour lui donnait au moins une heure et demi de répit. Il entamait souvent jusqu'à trois tours durant lesquels il se vidait l'esprit libérant aussi Sophie de ses pensées.

Pendant ce temps, elle se reposait sur la colline de Dahut. La barrière de Gradlon était plus forte en cet endroit ce qui intensifiait l'effet de repos. Elle laissa les rayons froids du soleil bercer son visage alors qu'elle tentait de fermer ses pensées :

Sophie.

Elle sursauta et regarda autour d'elle tout en sachant que cette conversation était télépathique. La voix était maternelle, douce. Sophie l'avait déjà entendue sans être certaine de sa détentrice. Une image apparut comme un éclair dans sa tête. Pernelle Flamel observait une énorme boule de cristal, les sourcils froncés. Au-dessus de son épaule, Nicolas Flamel était penché tentant de percevoir quelque chose.

Qu'est-ce qu'il se passe ? Répondit Sophie

C'est à nous de vous le demander. Nous n'avons plus de nouvelles de Lord Bell et Abélard depuis qu'ils sont partis.

C'était il y a un mois... Réalisa Sophie. Ils ne sont pas revenus.

Elle ressentit l'effroi de la sorcière. Savoir qu'un personne illustre que Pernelle Flamel avait peur intensifia le sentiment de Sophie. Les poils se hérissèrent sur ses avant-bras. Mais, il y avait autre chose. Quelque chose d'autre qu'elle lui cachait :

Parlez-moi. Supplia la jeune femme.

Le dernier signalement que nous avons eu de Bell indiquait que Mlle Clarion a disparu.

Sophie s'arrêta de respirer. Elle n'avait pas à se demander pourquoi sa professeure n'était plus chez elle. Depuis qu'elle avait été élève à l'institut, elle n'était pas sortie de la congrégation de la Côte d'Opale. Seule une grande menace pouvait la faire quitter son foyer.

On ne peut pas changer la barrière d'Ys. Rappela Pernelle. Personne n'a jamais compris de quelle magie s'est servie Gradlon. Cela vous donne un avantage : restez cachés tous les deux.

Sophie n'en pouvait plus. Le stress qu'elle ressentait au quotidien ne faisait que s'accroître. Plus la situation s'empirait, plus les gens tombaient autour d'elle. Et tout ce qui était en son pouvoir, c'était de se cacher. Elle soupira en se massant les tempes. Un séisme s'en prit brutalement à l'île. Elle voulut se lever mais, elle retomba à cause du choc.

Que se passe-t-il ?! S'écria Pernelle.

Je crois qu'il est trop tard. Annonça sombrement Sophie.

La barrière au-dessus de sa tête s'effritait formant des petits flocons qui se dispersaient dans l'air. L'œuvre de Gradlon connaissait ces dernières heures. L'épaisse muraille qui contournait l'île se fissura.

Il faut que vous partiez ! Hurla la télépathe.

Pernelle, je crois bien qu'il vaut mieux qu'il n'ait pas connaissance de votre présence.