Chapitre 36 - Condamné

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L'air manqua soudainement à Sophie. Elle se réveilla en sursaut faisant sauter Jiji qui dormait paisiblement sur sa poitrine. Le gros chat partit se réfugier sur la mezzanine au-dessus de la paillasse où Tourbillon s'amusait avec un fil de laine.

La jeune femme observa la maisonnette autour d'elle. C'était la chaumière d'Ys qu'elle avait fait sienne. Seulement, une partie de sa mémoire lui manquait. Dans ses souvenirs, elle était en train d'apprendre à maîtriser la magie de l'eau avec Abélard. Pourquoi se retrouvait-elle en pyjama sur sa paillasse ? Elle tâta son corps. Chacun de ses muscles étaient douloureux. Et pourtant, elle sentait un renouveau dans ses articulations et son sens. Cette ambivalence finit par l'inquiétait. Quelque chose s'était produit dont elle ignorait tout :

"Calme-toi." Indiqua doucement Léandre.

Son regard passa sur le jeune homme. Que faisait-il ici ? Il était tranquillement assis en face du foyer. Il tournait une épaisse louche en bois dans un chaudron en fonte. Avec des gestes précis, il saisit un bol en bois dans lequel il versa un peu de la préparation et le tendit à Sophie. Elle contempla le liquide vert clair au fumée très doux. Elle reconnut les effluves des épines de sapin :

"Bois. Ça va te revigorer.

-Qu'est-ce qu'il s'est passé ?" Demanda-t-elle en se redressant pour s'asseoir contre le mur de la chaumière.

Léandre hésita à se confier. Sophie était encore instable. Mais, l'ignorance la rendait agitée. Et puis, elle avait le droit de savoir. Il raconta tout. De son arrivée à sa surcharge de magie en passant sur sa double personnalité, l'appel de Viviane, la fontaine de Barenton, le tombeau de Merlin, Hubert Villers. Tant de choses s'était déroulée en si peu de temps et elle n'en avait aucun souvenir. Même son corps n'avait aucune réminiscence. 

Son cerveau en ébullition lui indiqua de prendre une gorgée de la soupe. Elle trempa les lèvres dedans. Son coeur se calma immédiatement. C'était comme s'enrouler dans un plaid bien chaud. Elle s'affaissa un peu, retrouver des idées claires :

"Ce n'est pas Mme Clairon." Annonça-t-elle.

Léandre, qui retournait les braises, baissa la tête en soupirant. L'ombre des flammes longeait sur ses muscles comme si elles dansaient. Il grimaça en fermant ses yeux. Sa tête devint lourde dans sa main. Il attendit la suite mais, Sophie ne savait pas s'il était prêt à enduré la vérité. Il murmura alors :

"Tu penses que c'est Maya, c'est ça ?"

La jeune femme hocha la tête avant de se rendre compte qu'il ne la voyait pas. Elle s'assit au bord de la paillasse, posa le bol à terre et répondit :

"Oui, c'est elle... ou plutôt lui. Il a tué Séraphine et l'a enfermée à travers sa barrière. Je ne vois aucune raison pour laquelle Maya l'aurait fait d'elle-même."

Léandre lâcha l'aiguillon. Le tintement du fer sur le sol résonna longtemps dans sa tête qu'il enfouit entre ses bras. Ses épaules se secouèrent de ses sanglots. Sophie se leva. Elle s'installa à ses côtés passant ses bras autour de lui. Il se lova contre elle, agrippant le tissu de son pyjama comme si sa vie en dépendait. Elle caressa sa peau chauffée par le foyer :

"Tu as dit que lorsqu'on prenait possession d'un corps, l'esprit déjà intégré était refoulé au second plan. Si l'on parvient à faire sortir Hubert Villers...

-Seulement pour les Lucides, à partir du moment où il s'est enfoui en Maya, il a brisé son esprit. Elle n'était qu'une élémentaire du vent. Elle n'existe plus qu'en tant que corps et magie."

Ne sachant quoi dire, Sophie resserra son étreinte. Après avoir pleuré, Léandre se redressa. Il sortit sur le pas de la maison profitant de l'air humide pour respirer profondément. En voyant sa silhouette se détacher par l'encadrement de la porte, Sophie eut soudainement peur qu'il l'abandonnât. Il l'avait déjà fait une fois. Elle s'approcha refusant de le laisser :

Souvenirs de la Côte d'OpaleDonde viven las historias. Descúbrelo ahora