Chapitre 25 ... et une autre s'ouvre

11 2 4
                                    

Sophie observa la ruelle obscure avec appréhension. L'enveloppe indiquait bien cette adresse mais, elle donnait sur le dos de maisons, sans aucune issu. Un lampadaire clignotait éclairant un peu l'impasse. Elle hésita à faire un pas. Assise sur le rebord d'une fontaine abandonnée, elle observa ses pieds ciselés dans des escarpins noirs et tira sur les pans de sa robe. Elle n'était pas habituée à mettre ces deux vêtements ensemble mais, le carton d'invitation précisé bien qu'elle devait venir habillée

Ne valait-il pas mieux faire demi-tour ? Il y avait d'autres moyens de protéger Léandre. Il avait parlé d'un endroit où se cacher. Elle pouvait bien revenir vers lui dans la nuit et ils partiraient ensemble. Même si cette vision romantique l'attirait, la congrégation de Paris devait être assez puissante pour les retrouver. Et puis, elle avait le pressentiment qu'elle devait se rendre à cette soirée. Alors qu'elle en fut persuadée, le lampadaire s'éteignit soudainement la plongeant dans le noir. Elle paniqua mais un parterre argenté scintilla sous ses pieds. Elle se leva prenant le chemin qui se dessinait devant elle. Il s'arrêta en face d'un mur grisâtre, sans rien d'autre que la poussière et la saleté pour le distinguer des autres.

Ce petit jeu, cette interminable attente l'agacèrent. Est-ce que l'on se moquait d'elle ou bien était-ce un test ? Soudainement, un socle de pierre se détacha formant un perron aux colonnades torsadées et des quatre marches pour y accéder. Une lampe en fer forgé se courba avec grâce illuminant la ruelle de sa lumière violette. En s'approchant, Sophie découvrit dans la sphère une boule de feu prête à exploser. Impressionnée, elle recula. Abélard sortit au même moment manquant de lui enfoncer la porte dans le nez. Il portait une redingote noire aux boutons de cuivre :

"Vous êtes à l'heure. Remarqua-t-il en souriant.

-Mais pas vraiment apprêtée." Compléta une voix nasillarde derrière lui.

Un homme se détacha, grand, fluet. Des yeux bleus perçants surmontaient un petit nez retroussé et ses cheveux blonds vénitiens étaient coupés courts. Sa redingote grise avec des coutures noires marquées mélangeait avec sobriété nouveauté et tradition. Il portait aussi une chemise ivoire. Sa longue main aux doigts effilés se tendit vers Sophie :

"YSL. Se présenta-t-il.

-YSL... comme Yves Saint-Laurent ?"

Il hocha la tête provocant l'hilarité de la jeune femme. Yves ne put s'empêcher d'esquisser un sourire amer en la jaugeant de bas en haut :

"Je suis désolée. Se défendit-elle une fois qu'elle eût fini de rire. Même si je ne suis pas une grande amatrice de mode, je sais bien que Yves Saint-Laurent ne vous ressemble pas !"

Abélard baissa les yeux, gêné, alors que Yves fit un pas sur le côté pour la laisser entrer. N'entendant aucune réponse, Sophie perdit son sourire. Le couturier la saisit par la taille et la main en la forçant à le suivre :

"Vous êtes assez courte sur pattes mais pulpeuse... un physique méditerranéen. Je vais devoir vous rhabiller.

-Je suis si mal habillée que ça ? Se plaignit Sophie.

-Non, vous êtes très bien pour le monde humain quoique avec dix ans de retard sur la mode et aucun style affirmé mais, pas celui wiccan. Abélard, vous voulez bien les prévenir de notre retard ?

-Bien sûr, Yves." Répondit l'assistant avec une courbette.

Sophie prit alors conscience du lieu où elle était. C'était une pièce en bois du sol au plafond. Ce plafond était très bas ressemblant plus à une salle de taverne qu'à un hall de maison. La même lumière violette que sur le perron éclairait la pièce. Abélard prit une sortie dérobée sur leur droite alors que Yves la conduisit vers une porte à double battant.

Souvenirs de la Côte d'OpaleWhere stories live. Discover now