Chapitre 32 - Dahut

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Comme chacun le sait, Ker-Ys est une ville abandonnée, détruite suite à la trahison de l'amant de Dahut, fille du grand prêtre de la congrégation d'Ys. Qui aurait pu tout ce doutait que sous ces airs angéliques se cachait le grand prêtre de la congrégation obscure ?

Mais, la ville ne fut pas submergée sous les flots comme on le raconte. Gradlon parvint à la préserver à défaut de ses habitants. A la fin du massacre, il fit reculer les vagues emportant les cadavres qui hantent depuis les abimes. Cet effort lui coûta la vie. Aujourd'hui, Ys n'est plus qu'une cité fantôme qui sert de refuge ou de prison.

Lorsque Abélard et Sophie arrivèrent. Il n'y avait personne. Ys était sous l'égide de la Congrégation de Breizh qui considérait le lieu comme hanté. Perchée sur la muraille, Sophie observa la vue. Ker-Ys avait été une étendue verdoyante avant le cataclysme. Depuis, le sol était une espèce de gadoue marronnâtes qui collait aux bottes. L'île était parsemée de longues maisons basses en poutres épaisses. C'était des fermes datant du début du premier siècle après Jésus-Christ. Sophie songea à ce site archéologique non loin de chez elle qui tentait de reproduire les habitations des gaulois. Ils n'étaient pas très loin de la réalité et Ys les aurait rendu fou.

Pour accéder à la plaine, il fallait longer une échelle en fer qui grinçait et dont la hauteur avoisinait celle de deux immeubles, au moins. Abélard prit toutes les valises. Ses dons de somatistes décuplèrent sa force ce qui lui permit même de ne descendre que d'une main. Sophie ne savait pas comment il parvenait à garder son calme. Poser son pied sur chaque nouveau barreau lui coûtait toutes ses forces. Ses paumes étaient moites mais elle n'osa pas lâcher, ne serait-ce qu'une seule seconde, pour l'essuyer. Elle regardait droit devant elle sachant qu'il lui restait de longues minutes avant de toucher le sol. Le souffle contenu, elle atterrit en respirant profondément :

"Première épreuve réussite. Plaisanta Abélard en déposant leurs bagages.

-Je... Souffla-t-elle. Il n'y avait aucun autre moyen ?

-Si. Avoua le sorcier. Il existe une porte, minuscule mais utilisable pour un sorcier.

-Alors pourquoi m'avoir fait passer par ici ?" S'exclama-t-elle.

Elle était encore rouge et transpirante de son effort et s'assit sur un tronc d'arbre pour reprendre son souffle. Abélard lui tendit une bouteille d'eau. La tenir entre ses mains suffit la calmer mais elle la but quand même d'une traite :

"Ce trajet est une épreuve. On ne peut l'utiliser que si l'on a des intentions pures. Maintenant, je vais t'indiquer ta chaumière. Tu pourras t'y installer avec tes chats."

En entendant ces mots, Tourbillon se mit à chahuter dans sa cage. Sophie observa le terrain. La muraille les protégeait de la mer empêchant les animaux de s'enfuir. Elle ouvrit leurs portes. Si Tourbillon se jeta en dehors, Jiji resta un moment au fond de sa caisse. Sophie dut s'accroupir pour le pousser à sortir. Il mit de longues minutes à accepter de suivre le noiraud. Même s'ils avaient une île entière pour eux, ils n'osèrent pas trop s'éloigner de Sophie ressentant les énergies magiques qui parcouraient la terre. 

Abélard les guida jusqu'au centre de l'île où une colline trônait. Une grande bâtisse en bois se distinguait des autres par sa longueur et sa prestance même si elle était faite dans le même modèle :

"Le château du roi Gradlon. Présenta Abélard. Ce n'est pas Versailles. Autre époque, autres mœurs.

-Nous allons loger là-bas ?

-Certainement pas ! Rit le sorcier. Personne ne peut entrer dans le château. Gradlon l'a scellé à sa mort. Mais, approche-t-en."

Sophie lui obéit. Elle ne fit pas attention aux chats qui tentaient de la retenir. Laissant ses valises derrière elle, elle évolua lentement. La colline ne se finissait jamais. Elle comprit que c'était une autre épreuve. Il fallait mériter d'accéder au château du roi Gradlon. À force d'effort, Sophie atteignit le château sous le regard médusé d'Abélard. Elle fut surprise par le courant d'air glacé qui la traversa dès qu'elle fut en haut. Sentant la menace, elle marcha encore plus lentement, craignant ce qu'elle pouvait trouver.

Souvenirs de la Côte d'OpaleWhere stories live. Discover now