Chapitre 44 - Retour à la maison

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"Parle-moi ! Dis quelque chose ! Tu as été hospitalisée pendant un an. Je n'ai eu que des mails évasifs et maintenant, ma fille est assise toute la journée sur la terrasse avec un plaid !

-Maman ! Répliqua Gabriel. Laisse-la tranquille. Sophie n'est pas prostrée dans le silence. Elle discute avec nous !

-Elle ne parle pas de ce qu'il s'est passé !

-Mais, elle parle de la série que nous avons commencé, elle aide Ezekiel avec ses cours et elle joue avec Alisha. C'est normal qu'elle ne veuille pas évoquer ce qu'il s'est passé.

-Et le psy ? Il dit quoi le psy ?

-C'est entre elle et lui."

Caroline observe ses aînés. Chacun assis à un bout de la table en bois, Sophie boit son café du matin alors que Gabriel en est déjà à sa deuxième cigarette. En tant qu'interne en médecine, il passe régulièrement voir sa grande sœur. À chaque fois son diagnostic est le même : elle va bien. Mais, même aveugle Caroline verrait l'amertume que traînait son unique fille. Elle secoua la tête sans rajouter un mot. Une fois leur mère partie, Gabriel écrasa son mégot en observant sa sœur dans les yeux :

"Tu ne leur as toujours pas dit ? Pour papa. Précisa-t-il.

-Je... comment je ferais ? Répliqua Sophie.

-On s'en fout au fond. Répondit son benjamin. Il n'a jamais été présent que pour engrosser maman, à croire que c'était une mission."

Sophie hoqueta. Elle plongea son regard dans l'horizon refusant de regarder son frère. Gabriel avait toujours été de loin le plus intelligent des quatre. Mais, son esprit de perspicacité continuait de surprendre sa grande sœur. Heureusement, il n'avait pas tenté d'en savoir plus quand elle lui avait simplement annoncé que leur marin de père était passé par dessus bord durant une tempête et que son corps avait été repêché plus tard.

Comme pour la sauver de ce moment de délicat, le portable de Sophie se mit à vibrer. Le visage de Léandre, barbe rasée et boucles blondes tombantes sur son front halé, apparut. Gabriel sortit une nouvelle cigarette qu'il se contenta de coincer entre ses lèvres. Il observa le visage d'Apollon sur l'écran :

"Je ne vois pas l'intérêt de prendre partout ton téléphone si tu ne lui réponds jamais."

Sophie haussa les épaules luttant pour ne pas observer la photo affichée. Elle ne parvenait toujours pas à ouvrir la bouche face à Léandre. En fait, elle avait quitté Ys sans le laisser s'exprimer, sans un regard ni un mot pour lui. Au-delà de ses pouvoirs qu'il lui avait pris, il l'avait aussi privée de leur lien. Lui seul pouvait lire dans son esprit comme si elle était un livre ouvert en permanence. Ce manque d'intimité la poussait dans un gouffre de solitude. Elle savait que s'il insistait autant depuis tout ce temps, c'était parce qu'il avait lu les sentiments qu'elle avait enfouis en elle. Malgré la distance, ils étaient bien trop puissants pour les ignorer :

"Si tu ne veux pas répondre à ton ex...

-C'est pas mon ex." Le coupa froidement Sophie.

Gabriel arqua un sourcil sans répliquer. Sa sœur était une énigme. Ils n'avaient que deux ans de différence mais à cause de cet institut, qui l'avait éloignée, ils n'avaient jamais été assez proches pour se parler clairement. Il se redressa en soupirant :

"Toujours est-il que Lise et Louis veulent de tes nouvelles. Ils sont très en colère. Et puis, tu dois te rendre à l'institut pour signer le bail. Louis t'y attend."

Sophie rejeta la tête en arrière. L'institut allait renaître. Mme Clarion allait devenir la nouvelle directrice bien que l'école restait au nom des Duveil puisqu'il appartenait à Séraphine. C'était son héritage. Bien sûr, Sophie pouvait aussi le céder. Elle avait encore tout l'été pour donner sa répondre mais sa décision avait été prise dans l'heure. Maintenant qu'elle savait que cet endroit avait été un refuge pour autant de jeunes filles, elle ne voulait pas le leur enlevé.

Souvenirs de la Côte d'OpaleWhere stories live. Discover now