Chapitre 24 - Une porte se ferme...

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Sophie prit une profonde inspiration. Elle observa les passants qui se bousculaient sur le trottoir. Elle trouva soudainement ces rues qu'elle avait adorées explorer trop petites, trop sales, trop encombrées. À l'institut, elle pouvait marcher sans gêner personne. 

Un chauffeur klaxonna attendant qu'elle quittât sa place de parking sur laquelle elle venait tout juste de se garer. Elle reprit conscience. Son regard passa sur l'immeuble haussmannien. Une imposante banderole rouge indiquait le nom de l'agence de communication qui se cachait derrière la pierre rendue grise par la pollution. Le chauffeur klaxonna une seconde fois. Sophie se lissa les sourcils dans le rétroviseur. Elle saisit son sac à main et sortit, accordant un beau doigt d'honneur au conducteur. Ses habitudes de parisienne étaient vite revenues. Elle pénétra dans le grand bâtiment :

"Sophie Duveil ! L'accueillit Jules, l'hôte d'accueil. Tu es absente depuis tellement longtemps que je ne peux pas tenir ton courrier d'une main !"

Il parlait avec un ton traînant, ennuyé, tout en désignant une pile d'enveloppes. Les mimiques détestables de Jules étaient un excellent pare-feu contre les visiteurs indésirables. Sophie saisit son courrier et les fourra dans son sac sans sommation. Elle s'accouda au comptoir en observant les gens qui prenaient leur pause dans le hall d'accueil. Il y avait d'autres pièces pour ça, mais ici, c'était chaud, feutré et le plus bel endroit du bâtiment :

"Jean-François est là ? Demanda-t-elle distraitement.

-Le big boss ? S'étonna Jules. Il est en réunion avec les actionnaires comme tous les jeudis après-midi. De toute façon, qu'est-ce que tu lui veux ?

-Poser ma démission."

Jules s'étrangla. Il fit les gros yeux à la jeune femme en face de lui et croisa les bras en tendant le menton :

"Je me souviens d'une petite étudiante en Beaux-Arts qui a fait le pied-de-grue pour obtenir un petit stage ridicule dans cette même boîte. C'était il y a trois ans.

-J'ai évolué. Mentit Sophie. Je viens de passer quelques semaines en dehors de la capitale et j'ai besoin d'air. Je voudrais quitter Paris. Enfin, c'est pas à toi que je dois dire tout ça."

Jules ouvrit encore plus sa bouche serpentine. Les ragots allaient fuser après son départ. Mais, puisque Sophie ne sera plus là pour les entendre, elle s'en fichait bien :

-T'as qu'à attendre JF dans ton openspace. Je vais lui dire que tu veux un entretien urgent."

Sophie se dirigea vers l'ascenseur. Elle ressentit un certain inconfort entre les quatre murs en ferraille. Avant que les portes ne se ferment, elle remarqua quelqu'un. Un homme assez petit, aux cheveux poivre et sel qui portait un sac en bandoulière. Il semblait visiter le hall d'entrée comme un touriste perdu. Mais, quand son regard se posa sur la jeune fille, il devint soudainement intense. Sophie avait le sentiment de l'avoir déjà vu.

À peine avait-elle fait un pas à son étage qu'elle retrouva ses vieux réflexes. Elle salua ses collègues qui prirent nouvelles de ses vacances. Elle n'avait avoué la vraie raison de son congé qu'à un petit groupe d'élus et s'en félicita. Personne ne se souciait vraiment d'elle. Aucune amitié n'avait été créée au sein de ce bac de crabes. 

Une pile de dossier l'attendait sur son bureau. Les autres graphistes auraient pu les lui prendre pour la décharger à son retour. Mais, c'était la guerre entre eux. Même s'ils n'étaient pas payés à la commission mais aux taux horaires, certains étaient plus demandés que d'autres. Leurs collègues jaloux les laissaient crouler sous le travail à l'image de Sophie. Elle observa sans intérêt les commandes. C'était surtout des logos pour des nouvelles compagnies. Voir le travail accumulé lui donna la nausée. Elle repoussa du bout des doigts les dossiers. Les tablettes graphiques, les stylets, les logiciels de montage, tout ce matériel la révulsait. Elle avait enfin trouvé sa place au milieu des herbe séchées, des tablettes en bois, des pierres semi-précieuses :

Souvenirs de la Côte d'OpaleWhere stories live. Discover now