Chapitre 22 - Battre le fer

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Le corps inerte de Léandre s'abattit sur Sophie. Il était inconscient. Un souffle brisé sortait de ses lèvres. Soulagée de le voir en vie, Sophie s'extirpa en rampant. Elle le tourna sur le dos. Son visage calme était baigné de sueur. Elle passa la main dans ses boucles brunes. Il ne réagit pas. Un peu plus loin, Meredith battit des paupières. La magie revenait petit à petit. Mais, il ne semblait pas près de se réveiller. Sophie tenta un sort de lévitation pour le transporter dans sa chambre. Seulement, elle avait usé trop de magie et sa masse était beaucoup plus importante que les petits objets sur lesquels elle avait tenté de lancer ce sort. Elle dérapa sur le torse du jeune homme ce qui lui affligea un second coup et provoqua de la nausée. Résignée, elle attendit quelques minutes que ses forces revinrent avant de se lever toute seule. Elle alla chercher un coussin, une couverture et de quoi se restaurer. Puis, elle s'installa à côté de Léandre qu'elle avait calé le plus confortablement possible. Elle ferma à peine ses paupières que la voix du jeune homme la héla dans sa tête :

Je t'appelle depuis notre retour ! S'agaça-t-il.

Je ne t'entendais pas.

Sans blague. Enfin, mon âme et magie ne rejoignent pas mon corps. Il y a comme une barrière qui m'en empêche.

Il ne fallut pas tergiverser pour que Sophie comprît. C'était le sort dans la cave qui le bloquait. Elle lui expliqua ce qu'elle avait découvert :

Je ne peux pas y aller seul. Repose-toi et conduis-moi là-bas.

Elle lui obéit avec une facilité déconcertante. La fatigue s'imprégna dans son corps. Le jour se levait quand Sophie eut enfin la force d'ouvrir les paupières. La lumière dorée créa des petites taches noires devant ses yeux. Elle s'était endormie sur le torse de Léandre. Son regard croisa celui de Meredith. Elle rougit en comprenant que le maître avait pris possession de son familier. Il aboya. Elle se redressa en se massant les tempes :

"Laisse-moi au moins boire un café." Maugréa-t-elle.

Meredith se leva. La chienne suivit la jeune femme qui alla dans la cuisine. Sophie s'assit à peine à la table que l'animal posa son museau sur sa cuisse. Elle le gratta entre les oreilles en l'observant distraitement :

"Tu m'apprendras à le faire aussi ?"

Meredith-Léandre aboya. Sophie fit la grimace :

"Je ne comprends pas le chien." Plaisanta-t-elle.

La mâchoire du molosse se referma doucement autour de son poignet pour la tirer. Elle se détacha en le repoussant doucement voulant éloigner le moment où elle devra descendre dans la cave. Elle s'agenouilla et le saisit par les babines :

"J'ai très peur, Léandre. Je pensais que c'était un sort de protection mais je me rends compte que ce n'est pas du tout ça. J'ignore qui l'a mis en place. Ce qui est certain, c'est que c'est ici pour nous faire du mal."

La chienne approcha son museau du visage de la jeune femme et la caressa. Sophie enroula ses bras autour de son encolure pour la prendre dans ses bras. Puis, elle se redressa, prépara un sac avec une lampe torche, sa bourse de pierres semi-précieuses et entreprit de descendre. Elle regretta de n'avoir pas prévu de sort mais la présence de l'âme de Léandre la rassura. Cependant, en bas des marches, elle réalisa que c'était bien Meredith qui l'avait guidée dans le dédale de pierre. Elle se tourna vers la chienne-homme :

"Je ne sais pas où c'est..." 

L'animal baissa le museau en le secouant. Cette réaction était celle de Léandre. Il y eut un moment de silence. Sophie hésita à avancer désirant choisir son chemin avec soin. L'aura du wiccan se dissipa laissant place aux instincts canins de son familier. Meredith arqua ses pattes. Elle bondit à travers les pièces obligeant la jeune femme à trottiner pour suivre son rythme.

Léandre reprit ses droits sur le corps de son familier quand celle-ci s'arrêta brutalement. Il avança sans précaution dans la salle circulaire où le cierge se consumait éternellement. Sophie eut à peine le temps de se jeter sur lui qu'il manqua d'être projeté contre le mur. Elle utilisa involontairement l'humidité de la pièce pour former un coussin d'atterrissage. Léandre secoua son poil luisant d'eau sans se soucier de l'asperger. Elle épongea son tee-shirt en lui lançant un regard noir :

"Tu aurais pu faire attention."

Meredith redressa le museau en lui tournant le dos. La jeune femme se redressa en roulant des yeux. Il était aussi rude sous cette forme, parfois même plus encore. 

Son attention dériva sur le sort. La flamme de la chandelle n'avait même pas tremblé. La cire glissa le long de la bougie pour se reformer en bas rendant le cierge immortelle. Sophie fit glisser ses pierres entre ses doigts. Meredith-Léandre referma sa gueule sur sa main les faisant tomber à terre :

"Mais fais attention ! S'agaça Sophie. Si tu veux dire quelque chose, fais-le simplement ! Et commence peut-être par un merci !"

La chienne eut un mouvement de recul, surprise par la réaction de la jeune femme. Sophie avait été jusqu'à présent toujours douce et gentille, surtout quand elle s'adressa à l'animal. Elle-même était étonnée par son ton. Elle se massa les tempes en fronçant les sourcils :

"Je ne comprends pas... Balbutia-t-elle. J'ai mal à la tête."

Léandre glissa son museau contre elle et la caressa. Elle regarda l'animal noir en plissant les yeux :

"Je ne comprend pas..." Soupira-t-elle.

La douleur s'immisçait en elle. Elle ressentit comme une intrusion qui lui donnait envie de dormir et vomir à la fois. Ses dents claquèrent sans qu'elle ne maîtrisa le mouvement de sa mâchoire. D'un coup, Sophie s'écroula à terre. Elle était encore consciente. Elle s'arrachait littéralement les cheveux en sanglotant. La douleur était si puissante qu'elle ne parvenait plus à réfléchir correctement. À ses côtés, Meredith-Léandre tentait de la distraire par tous les moyens mais elle était bien trop occupée à supporter la douleur. Elle ne vit pas les gouttelettes d'eau s'élever autour d'eux.

Léandre prit peur un instant avant de comprendre que la petite part de lucidité en Sophie tentait d'ériger une barrière pour les protéger. Sa maîtrise de ses sentiments et son calme, malgré la souffrance qui éclatait en elle, le sidéraient. Il observa cependant le sort. Un éclair de génie passa alors en lui. Il mordilla la main de la jeune femme pour avoir son attention. Sophie lui jeta à peine un œil qu'il sauta à travers la salle fonçant droit vers le mur de vent qui commençait à se former :

"Non ! Léandre !" Hurla-t-elle en tentant de le rattraper.

Une liane d'eau fendit le mur immatériel. Elle ne parvint pas à rattraper Léandre qui s'était échoué avec un bruit mat contre le mur mais, elle aspergea le cierge. La lumière décrut les plongeant dans le noir. Le mur de vent disparut. Sophie ressentit l'étau autour de sa tête se délier. Léandre fut instantanément rappelé à son corps qu'il avait quitté depuis trop longtemps. Mais, le coup l'avait assommé.

Souvenirs de la Côte d'OpaleWhere stories live. Discover now