Chapitre 31 - Ker-Ys

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"Je ne trouve pas Léandre, nul part." Annonça Abélard en sortant sur la terrasse.

Sophie regarda sa tasse de café qui refroidissait sur la table. Elle avait cessé de ressentir l'aura du wiccan avant le levé du soleil. Elle n'avait pas prévenu Abélard tout de suite. Léandre cumulait déjà assez de crimes contre lui. Et, jusqu'à preuve du contraire, la lâcheté n'est pas un crime. Elle haussa les épaules alors qu'il l'examina attendant une explication :

"Ça ne sert à rien de l'attendre. Conclut Sophie en se levant. Partons maintenant."

Abélard ouvrit la bouche pour répliquer, outré par le comportement du jeune homme. Mais, le fantôme translucide de Séraphine apparut dans les allées du jardin. Même si elle ne ressentait plus le froid. Elle serrait les pans de son châle contre son corps. Elle s'approcha avec le regard sévère :

Nous devons nous dire adieu. Annonça-t-elle.

-Séraphine, tu en es certaine ?" Demanda Abélard.

Sophie dévisagea le sorcier qui tutoyait la vieille dame. Ils évitaient chacun le regard de l'autre. Elle comprit que sa grand-tante avait oublié son cousin éloigné depuis bien longtemps  et qu'un autre homme l'avait remplacé. Elle se tourna pour les laisser à deux. Séraphine hocha la tête :

La barrière de Maya m'a épuisée. Je n'ai pas la force pour vous suivre. Lucille viendra précipiter la cérémonie des âmes. Tu l'as bien prévenue ?

-Je l'ai appelée. Elle arrivera à minuit moins le quart. Avec la pleine lune, ça ne devrait pas prendre trop de temps." La rassura Abélard.

Séraphine hocha encore la tête. Elle passa sa main translucide dans ses cheveux tirés en arrière. Son regard se posa sur la jeune femme dos à elle. Elle s'approcha, posant sa main sur la rembarde en pierre où Sophie était accoudée :

Je te souhaite bon courage. Je suis désolée de ne pas pouvoir t'accompagner et t'aider plus. C'était mon but mais ma prison a trop puisé.

-Ne t'inquiète pas. Je ne t'en veux pas."

Ce n'était pas la première personne à l'abandonner. Et de toutes celles qui l'avaient fait, Séraphine était la seule qui avait un argumentaire correct. Elle aurait juste aimé un contact physique qui lui aurait rassurée. Abélard posa la main sur son épaule, son gros sac de randonnée sur son dos :

"Nous pouvons y aller."

Sophie se leva. Elle saisit l'anse de sa valise et son sac de voyage et suivit l'assistant. Il conduisait une vieille Ford qui ne démarrait qu'à condition que son propriétaire fut assis à la place du conducteur. C'était un système antivol imparable. Abélard n'avait pas à utiliser le frein à main, le volant ou la boîte de vitesse. La voiture volait plus qu'elle ne roulait évitant les obstacles et traçant la route à travers les chemins de campagne. 

Ils atteignirent la baie de Somme avant même que Sophie n'eut le temps de rassembler ses pensées. Ce n'était pas plus mal parce qu'elle ne pensait qu'à la trahison de Léandre et l'abandon de Séraphine. Même si Abélard se tenait à ses côtés, elle s'était rarement sentie aussi isolée. Elle songea à appeler Lise ou Matt pour leur parler une dernière fois. Mais son amie s'inquiéterait et Matt l'enverrait balader, à juste raison.

Sophie sortit de la voiture et se campa devant la mer. La voiture s'était garée juste devant un vieux ponton à l'abandon. Le regard de la jeune femme passa sur la mer grise qui rejoignit le ciel nuageux. Une brise glaciale s'engouffra dans sa veste qu'elle ferma. Sophie se cala contre la vieille carrosserie en humant profondément l'air saturé de sel. Elle jeta un coup d'œil aux dunes espérant voir Léandre les dégringoler, Meredith derrière lui. Mais, rien ne vint briser la ligne de sable.

Souvenirs de la Côte d'OpaleWhere stories live. Discover now