Chapitre 47: Encerclée par la mort

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Lorsque j'ouvre péniblement les yeux, le vacarme ambiant assourdit toujours autant mes oreilles sensibles. Et c'est sans aucune surprise que je constate me trouver entre les solides barreaux de la cage qui m'a été attitrée. Un glapissement familier me pousse à prendre plus sérieuse mon environnement en compte, et c'est alors que je remarque une pauvre gamelle d'eau ainsi qu'un morceau de viande cru contenant encore des poils. Guidée par ma faim, je me relève avec grande difficulté, poussant un râle plaintif qui se perd dans l'agitation alentour, et m'avance vers ce... repas, la respiration rendue lourde par mes blessures aux côtes. Le combat semblait tenir éloignée la douleur, mais maintenant que la solitude est revenue, la tendance s'est inversée et la douleur galope dans mes veines.

Avec une lenteur non voulue, j'approche mon museau de la chair dégoulinant de sang. En temps normale, j'aurais très bien pu manger ce bout de viande crue mais... quelque chose me dérange dans celui-ci ? L'ambiance du lieu ? Le fait d'être en cage ? Entendre les gémissements assommants des Métamorphes à longueur de journée ? Être seule ? Ou peut-être ces senteurs familières de la veille et le poil brun rendu collant par le sang ruisselant ? Je recule dans le fond de ma cage, refusant d'y goûter. Je m'autorise simplement à le regarder du coin de l'oeil, salivant sans m'en rendre compte jusqu'à ce qu'une goutte de bave me tombe sur la patte. Mon ventre me hurle de profiter de ce morceau de viande fraiche, mais mon esprit me crie tout l'inverse. Ils veulent que l'on devienne des monstres, et ils savent comment y parvenir. Les effets de la famine ont beau peser sur mon état de veille et ma cicatrisation, je lutte contre mon envie de me jeter sur cette viande qui à l'air si... Non ! Je détourne brusquement le regard, et le porte sur le Faucon Pèlerin qui m'observe avec curiosité depuis son perchoir. Ce dernier m'adresse un nouveau glapissement, au même moment où plusieurs hommes dont je ne parviens à distinguer le visage trainent un cadavre de Bison déchiqueté, à l'aide de nombreuses cordes. Les morceaux de peau pendent de chaque côté de son ventre, sa tête est couverte de nombreuses blessures très profondes, un étrange mucus s'écoule de ses naseaux, ses yeux sont vitreux, ou du moins celui qui n'est pas complètement arraché, et son poil est agrégé par le sang en de petites touffes. Un sillon écarlate le précède et une affreuse odeur de mort vient agresser mes narines, tandis qu'un sinistre craquement retentit avant que la patte antérieure du bison ne se fasse tirée par la corde de manière complètement déconnectée du reste de son corps. Son membre semble à présent seulement tenir grâce à la robustesse de la peau du bovidé. Mon coeur s'emballe, les Métamorphes poussent des gémissements plaintifs, les griffes rayent le métal, les grognements s'élèvent, les oiseaux battent des ailes, les gens rigolent, la foule scande des noms, et les roulettes des cages grincent vers un funeste destin. Une ambiance sombre, glaciale, et funèbre s'abat dans le couloir. Les Métamorphes dans les cages alentour cessent leurs mouvements incessants pour aller se blottir contre les barreaux du fond en gémissant. L'entrepôt n'est éclairé que par quelques lumières industrielles par-ci par-là, mais c'est suffisant pour voir les yeux luisant de haine me fixer. Des trappeurs poussent une cage en silence, seul le grincement des roues couvre les petits gémissements des Métamorphes apeurés. Le Lion contenu dans sa prison ne fait aucun bruit, il n'en a pas besoin. Ses yeux de prédateur assoiffé de carnage me fixent avec intensité, mettant en valeur ses nombreuses cicatrices qui barrent son visage. Sa crinière non plus n'a plus très fière allure, parsemée de nombreux trous, elle semble complètement négligée. Ses griffes, en revanche, m'ont l'air aussi tranchantes qu'une lame affutée en vue des rayures qu'il laisse sur le sol de sa cage. La peau sur les os et les côtes apparentes, il peut paraître faible mais qui croise son regard malsain comprend immédiatement que ce n'est pas le cas, encore plus avec cette impressionnante cicatrice barrant complètement son visage.

Les roulettes de la cage continuent leur grincement, emmenant l'être cauchemardesque qu'elles promènent avec elles, sans pour autant emporter mon effroi. La respiration rendue lourde par la terreur, je m'allonge contre le fond de ma geôle, voulant fuir cet endroit. Les bruits incessants me tire chaque seconde du sommeil dans lequel je m'efforce de plonger, me rappelant à chaque instant qu'il peut être dangereux de baisser sa garde en ce lieu. Mais je me force à faire abstraction, à oublier.

Sans PrétentionWhere stories live. Discover now