Chapitre 30: Les regards

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Je porte mon regard sur l'horrible scène qui se déroule sous mes yeux. A quelques mètres se battent un Lion et un Bison avec hargne et détermination. Je ne sais pas ce qui les pousse à se battre ainsi, mais vu le combat ils ne sont pas prêts de s'arrêter. Le Lion, grimpé sur le dos du Bison, a les crocs et les griffes profondément plantés dans la chair de sa cible, tandis que le Bison se rue et tourne dans tous les sens pour désarçonner son passager qui aggrave sa prise à chaque mouvement. Du sang les macule tous les deux, dégoulinant du dos du Bison qui écume à chaque respiration, et de la crinière, ainsi que du flanc, du Lion.

Je détourne les yeux du combat tout aussi sanglant que sauvage, pour tenter de me relever. Toutefois, je grince des dents et gémis lorsque je prends appui sur mes mains. Une affreuse douleur court sournoisement sur chaque centimètre de ma peau. Pourquoi est-ce que j'ai si mal partout ? Mais une fois sur pied, c'est pire. Des crampes enserrent chacun de mes membres, ma peau me picote, et mon être me brûle. J'amorce un pas en avant, et me serais effondrée si une main ne m'avait pas rattrapée par le coude. Cependant, ce simple contact amplifie la douleur de mon bras, jusqu'à me faire pathétiquement gémir.

- On va près du lac, il faut nettoyer tes blessures.

Je me fais conduire au bord de l'eau avec grande précaution, puis on m'y assoit lentement. Malheureusement, je ne peux m'empêcher de grimacer sous toutes ces sensations lancinantes. Mais lorsque je réalise qui vient de m'aider, la douleur s'envole un instant, remplacée par la stupéfaction. A côté de moi, l'Alpha Saphir remonte ses manches et s'accroupit pour plonger un tissu dans l'eau. Lorsqu'il se retourne vers moi, je ne parviens pas à arrêter de le dévisager. Pourquoi ?

- Tu es blessée dans le cou et tu saignes. Est-ce que je peux nettoyer ta blessure ?

Il s'approche un peu en me montrant le tissu complètement mouillé. Maman m'a toujours dit de ne pas me montrer irrespectueuse avec un Alpha, mais... le dévisager est plus fort que moi. Je n'ai jamais vu quelqu'un comme ça. Il est... prévenant, oui c'est ça. Maman nous racontait souvent l'histoire d'un cerf qui s'occupait de tous les animaux de la forêt, il les protégeait de tous les dangers, leur amenait à manger chaque jour, et les aimait incontestablement. Maman avait une fois qualifié ce cerf de « prévenant ». Est-ce que l'Alpha Saphir est ce cerf ? De toute évidence non, il n'est pas un cerf. Mais... j'ai espoir. Je ne sais pas pourquoi, une partie enfouie de mon âme a espoir et veut que cette personne en face de moi soit ce cerf.

- Elisabeth ?

Vu comme il m'interroge du regard, un petit sourire aux lèvres, je laisse immédiatement mes pensées de côté et cesse de le dévisager. Alors c'est les yeux rivés sur l'eau qui s'écoule de la cascade que j'hoche la tête. Durant notre échange visuel, je n'entendais plus les deux Métamorphes qui se donnent des coups toujours plus violents, mais maintenant je n'entends plus que ça.

Quelque chose se pose sur ma nuque et je sursaute plus de surprise que de douleur.

-Désolé. Dis-moi si ça te fait mal.

Je ne sais quoi répondre et le dévisage à nouveau. L'Alpha trempe encore le tissu, devenu complètement écarlate, dans le lac, et la couleur se dissipe dans l'eau. Puis il le repose sur mon cou en fronçant les sourcils.

- La blessure est un peu profonde, mais ta cicatrisation rapide l'a empêchée de devenir trop grave. Est-ce que tu peux tenir le tissu ? Je vais voir la blessure sur ton ventre si tu me le permets.

Je bégaye un bruit mais porte ma main à mon cou pour faire pression sur la blessure.

- Tu arriverais à te mettre sur le dos ? me demanda-t-il gentiment. Ça sera plus facile pour moi ainsi.

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