Chapitre 62 : L'éveil

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Une vive douleur m'irradie l'épaule et me tire brutalement de mon sommeil, m'arrachant un gémissement plaintif. Des voix s'agitent autour de moi mais je ne parviens pas à les percevoir clairement, me plongeant dans un brouhaha assommant tandis que mes paupières refusent de s'ouvrir. Pendant un instant la peur me saisit et se faufile désagréablement sous ma peau.

- Eli.

À ce doux murmure, mon angoisse est balayée par mes certitudes : je suis chez moi, aux côtés de ceux que j'aime sincèrement. Je finis alors par ouvrir les yeux et croise le regard tout aussi inquiet que paniqué de mon frère, avant qu'un sourire illumine son visage. Néanmoins je n'ai pas le temps d'en voir plus qu'il fond sur moi pour me prendre dans ses bras. À ce chaleureux contact, mon coeur se réchauffe et la douleur s'apaise. C'est alors que je l'entends reniflé, avant de voir les larmes couler sur ses joues lorsqu'il se redresse en prenant ma main dans la sienne, comme s'il craignait que je lui échappe.

- Tu vas bien... soupira-t-il de soulagement. Tu nous as fait si peur, Eli ! Quand je t'ai vu t'évanouir j'ai cru que je t'avais perdue à jamais tant tu perdais de sang.

- Que s'est-il passé ? lui demandai-je d'une voix encore teintée d'un profond sommeil.

- Tu as vaincu Zack, je suis si fier de toi. Lorsque leur Alpha est tombé, tous les membres du Clan Rubis ont cessé les combats et se sont inclinés. Enfin... sauf Père et Marraine qui se sont enfuis à toute vitesse. Je... Je n'ai pas pu tuer Marraine, même si—

- Tu as bien fait, le rassurai-je en portant une main à sa joue trempée de larmes. Je ne voulais pas que tu aies sa mort sur ta conscience, et... même si Marraine nous a fait vivre des choses qu'elle n'aurait pas dû, même si elle a... tué maman. Elle nous a tout de même pris soin de nous, et... maman n'aurait pas voulu que Marraine meure.

Maël sourit tristement, posant son autre main sur la mienne et appuyant sa joue contre ma peau.

- Comment peux-tu être si indulgente face à tout... ça ?

Pour toute réponse, je lui offre un sourire. Moi-même je ne le sais pas... Face à mon mutisme, Maël me prend une nouvelle fois dans ses bras avant de m'annoncer avec joie :

- Tu ferais bien d'aller rassurer les troupes ou alors Gaëlle risque de venir fracasser la porte pour te voir. La seule chose qui l'en empêche pour le moment est la recommandation de Phill de te laisser te reposer.

J'hoche la tête, et mon petit frère dépose un baiser sur mon front avant de me laisser dans cette chambre qui semble vraiment m'avoir été attribuée. Jamais je ne me suis sentie autant à ma place, autant aimée, et autant chérie.

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Les muscles encore raidis par mes blessures, notamment ma douloureuse plaie au bas-ventre et mes profondes entailles entre ma nuque et mon épaule, je descends l'escalier en bois. Une succulente odeur de chocolat flotte dans le chalet, mais aucun membre ne le peuple. Un silence reposant y règne donc, seulement interrompu par les exclamations et les rires diffusant à travers la porte d'entrée. Je m'avance vers cette dernière pour l'ouvrir et me diriger vers les tables de pique-nique recueillant une grande partie des membres du Clan. À ma venue, les yeux se tournent vers moi et tous hochent la tête en un signe respectueux. Lorsque soudain, Gaëlle accourt vers moi, déterminée.

- Elisabeth ! Ça fait plaisir de te voir en vie, déclara-t-elle en tapant gentiment sur mon épaule guérie.

Sans plus attendre, elle saisit mon poignet et m'entraine vers la table à laquelle se trouve toute la petite bande habituelle. Je m'assieds à côté d'Evan, sous les regards jovials de mes amis. La jeune femme s'empresse de s'installer à mes côtés et de m'offrir une part de gâteau au chocolat.

- Franchement, gamine, tu nous as vraiment fait honneur en nous débarrassant d'une charogne pareille.

- Ce que veut dire notre cher Gaëlle, traduisit Gabin, c'est qu'on est vraiment admiratif du courage et de la détermination que tu as fait preuve pour protéger le Clan.

Toute la tablée acquiesce et j'ai même le droit à un sourire impressionné de la part de Roxanne, dont la tête repose amoureusement sur l'épaule de mon frère.

- Je n'ai pas de mérite à recevoir, répondis-je.

Anouk, assise en face de moi, secoue vigoureusement la tête avant de griffonner des mots sur son carnet et de me l'exposer tout aussi énergiquement devant les yeux. Ses lettres sont anguleuses sous le coup de l'émotion, mais je parviens à lire : « Arrête de penser ça ! Ce que tu as fait a permis de sauver plein de gens innocents. La mort de Zack a mis fin aux combats et a épargné toutes ses futures victimes mais aussi ses actuelles. Tu as fait ce que tu devais faire pour l'empêcher de recommencer. Tu as sauvé des innocents ». Mais j'ai tout de même tué quelqu'un... Face à ces mots je soupire. Y avait-il un autre moyen ?

- Elisabeth !! hurla une voix fluette à pleins poumons.

Interrompue dans mes pensées, je me retourne vers cette voix et découvre Eloise, courant à toute vitesse vers moi. Aussitôt arrivée, elle se jette sur moi pour enserrer ma taille. Bien que revoir la fillette saine et sauve me réchauffe le coeur, une vive douleur me tord le bas-ventre et m'arrache une grimace. Je pose une main sur son épaule et elle desserre son étreinte pour relever la tête et plonger son regard vert et envahi de larmes dans le mien. Son petit visage angélique est entaillé par une petite griffure sur sa joue à laquelle j'y porte mon pouce, m'assurant que ce ne soit que superficielle. À mon contact, la fillette explose en larmes et dissimule sa tête contre mon ventre. Tentant de la rassurer, je commence à caresser affectueusement ses mèches brunes.

C'est alors que sa mère arrive, essoufflée, avec Max à son bras. Une fois à notre hauteur, elle m'adresse un regard et un sourire empli d'amour maternel qui me réchauffe le coeur. Contrairement aux personnes de cette table, Juliette ne compte aucune blessure, tout comme Max. D'ailleurs, beaucoup de membres du Clan ne sont pas blessés ou alors très légèrement.

Soudain, la fillette remue contre mon ventre et je pose mes yeux sur elle. La lèvre tremblotante, elle m'adresse quelques mots entre deux sanglots :

- Tu nous as tous sauvés, Elisabeth. T'es notre super héroïne.

Puis elle m'enserre une nouvelle fois la taille, mais ce coup-ci, la douleur ne m'atteint pas, seuls ses mots me touchent. Moi, une héroïne ? Perdue, j'observe les membres du Clan Saphir présents à cette table. Tous hochent la tête en souriant chaleureusement, une lueur de fierté pétillant dans leurs prunelles lorsque mon regard croise le leur. Moi, une héroïne ? C'est alors que Gaëlle me tend son poing fermé, le coin de ses lèvres s'étirant. Moi ? Vraiment ? Avec un léger sourire intimidé, je pose mon poing contre le sien. Une héroïne ?

Sans PrétentionWhere stories live. Discover now