Chapitre 29: Foncer tête baissée

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L'animal émet un beuglement, puis souffle bruyamment. Un rugissement retentit, et le Lion lui saute à l'épaule. Je n'arrive pas très bien à distinguer les deux Métamorphes, mais le Bison ne cesse de tourner pour tenter de désarçonner le félin. C'est joli, harmonieux. C'est apaisant, tout comme le bruit de fond produit par la cascade. L'odeur des deux animaux totems se mélange, tandis que les feuilles volent dans tous les sens. On se croirait au coin du feu lorsqu'une bûche crépite en émettant de petites flammèches qui retombent au sol en s'éteignant.

Puis soudain, le Bison plaque le Lion contre un rocher. Ce dernier émet un couinement et s'effondre à terre. Zack... Je veux tendre la main vers lui, mais rien ne se passe. Après tout, je suis bien ainsi, dans cette forêt, près de cette cascade. Oui, ici, tout est beau, tout est apaisant. En un battement de cils, une silhouette se retrouve accroupie devant moi.

- Elisabeth ?

Tiens, cette silhouette parle et connaît mon prénom. C'est une jolie silhouette, et son odeur de sauge est agréable. Elle pose une main sur mon épaule afin de me secouer. Une sensation court dans tout mon corps à chacun de ses mouvements, mais je ne pourrais la définir, le paysage est bien trop fascinant. Le vent souffle dans les branches des grands arbres, faisant tomber une feuille orangée. Elle descend lentement, glissant de droite à gauche, puis de gauche à droite, avant de finir par se poser sur lit de feuillage complètement retourné.

Soudain, le Lion se relève et se jette sur la silhouette. Un cri inonde la forêt, tandis que les rugissements l'accompagnent. A ce moment, je ne suis plus sûre de ce que je vois. Un Tigre du Bengal saute sur le Lion et l'envoie hors de mon champ de vision dans une cacophonie de grognements. Une autre silhouette s'approche de celle au sol en disant je ne sais quoi. Et une ombre brune tourne autour de nos têtes en glapissant. Il y a du bruit, beaucoup trop de bruit, je n'entends plus la cascade. Je grince des dents et porte mes mains à mes oreilles. Mes mains... J'ai retrouvé ma forme humaine sans m'en rendre compte. Peu importe, je me réfugie contre moi-même, les paupières fermement closes. Je veux que ça cesse. Je veux que ça s'arrête.

Puis soudain, tout s'interrompt. On me prend par les épaules pour me redresser. J'ouvre les paupières et laisse mollement retomber mes mains. Une silhouette se tient devant moi, elle a de beaux yeux verts étrangement clairs. Et ses cheveux agités par le vent, ils sont blonds. Cette silhouette... elle m'est familière. Mais peu importe, le calme est revenu, l'eau continue de chuter, et l'odeur d'humus persiste. Tout va bien, je vais bien. Oui, c'est parfait. Les lèvres de la silhouette se meuvent. Pourquoi ? Je ne comprends pas. Il n'y a que la cascade et la terre. On me secoue à nouveau par les épaules. Une sensation remonte à la surface, tordant douloureusement ma chair, alors une grimace m'échappe puis quelque chose coule sur ma joue. J'y porte ma main, et quitte un instant les beaux yeux verts de la silhouette pour porter mon regard sur ma paume. Elle est mouillée. Qu'est-ce que c'est ? Il n'y a que la cascade et l'humus. Mais ça, de quoi peut-il s'agir ? Et cette silhouette, qu'est-ce qu'elle essaie de dire ? Je ne l'entends pas, mais je sens mes joues se tremper tandis que ma vision se brouille. Je gémis lorsque quelque chose se pose dans mon cou. Pourquoi je gémis ? Je ne sais pas, c'est plus fort que moi.

C'est alors que mon ouïe s'élargit, le bruit de l'eau se fait étouffer par des voix. Ces voix prononcent des mots qui n'ont aucun sens, et c'est bien la chose la plus désagréable que je n'ai jamais entendu. Je préférais la cascade, elle au moins était apaisante. A cette cacophonie s'ajoutent toutes ses mains, partout sur mon corps. Mon coeur s'oppresse et ma gorge se noue. Où sont passées ces douces sensations ? Où sont l'eau et la terre ? Mon corps se met en trembler et un bruit étouffé s'échappe de ma gorge. Je sens mes yeux pleurer, mais je ne fais rien pour sécher mes joues. Tout ce bruit a raison de moi... Je presse mes paumes contre mes oreilles et pousse un affreux hurlement.

Sans PrétentionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant