Chapitre 58 : Entre euphorie et conflit

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En voyant la fameuse cascade, Eloise s'empresse de se transformer en Puma pour sauter dans l'eau et tenter d'attraper un poisson. Rapidement, son jeune frère la rejoint, bien qu'avec beaucoup plus de réserve. Ce qui nous laisse à deux sur la berge. L'euphorie de notre course à travers la forêt ne redescend pas malgré mes halètements, alors je décide de reprendre forme humaine dans l'espoir de me calmer. Essoufflée et toujours extatique, je plaque les quelques mèches qui se sont échappées de ma queue de cheval sur mon crâne. Aussi touché par l'effort physique, bien que plus entrainé, le Tigre du Bengal m'observe d'un oeil vif. Non pas comme un prédateur le ferait avec une proie, mais avec quelque chose que je n'ai encore jamais vu dans son regard.

Malgré moi, mes mains se mettent à trembler sous ce sentiment de plénitude qui m'habite et un rire vient même à m'échapper. Evan reprend alors forme humaine à son tour, sa poitrine montant et descendant au gré de sa lourde respiration, tandis que son regard me fixe toujours. Alors qu'il y a quelques semaines mon instinct m'aurait poussé à prendre mes jambes à mon cou, je reste aux côtés de l'Alpha, me sachant sincèrement à ma place. Evan n'est pas égoïste comme Zack, jamais il ne blesserait volontairement quelqu'un de son Clan. C'est d'ailleurs grâce à lui que j'ai réussi à me sentir chez moi dans ce Clan.

Je ne connais pas encore les effets de l'euphorie, mais les senteurs de cacao et de terre humide emplissant pleinement mes poumons semblent les amplifier. Ma respiration se saccade et je plonge mon regard dans celui de l'Alpha, avant que mes membres ne se relâchent pour s'engourdir.

- C'était... complètement grisant, déclarai-je à bout de souffle.

Un léger sourire étire alors le coin des lèvres d'Evan, et il s'approche de moi, saturant mon nez de son odeur. C'est alors qu'il glisse sa main sur une de mes mèches qu'il replace derrière mon oreille. Pour une raison que j'ignore, l'Alpha a tendance à avoir ce geste tendre envers moi, ce qui semble l'apaiser. Je laisse alors mon front reposer contre sa poitrine se soulevant et s'abaissant lourdement sous le contre-coup de l'effort, ce qui m'apaise à mon tour. Du moins, s'il n'y avait pas cette odeur de cacao et de terre humide si entêtante.

- Tu vas me rendre fou, Elisabeth, murmura Evan.

Face à sa remarque qui n'a aucun sens puisque je ne vois pas comment je pourrais rendre quelqu'un fou à part si je me mets à hurler à la mort, je frotte ma tête contre son torse, quitte à ne sentir plus que le cacao et la terre humide.

- Nous t'apprendrons, je t'apprendrais, murmura-t-il une nouvelle fois.

- Ça me va, tu es plutôt bon mentor. Même si Gabin aussi est un très bon professeur.

À cet instant, je sens des dents mordre mon cou, entrainant une salve de souvenirs qui me pétrifient sur place. J'ai fait des progrès, mais il y des choses qui prennent plus de temps que d'autres.

Réalisant son geste, Evan se recule aussitôt et plonge son regard sincèrement navré dans le mien.

- Excuse-moi, Elisabeth. C'était vraiment déplacé, je n'aurais absolument pas dû. Je crois que je subis toujours la pression de notre course.

- C'est moi... répondis-je en reprenant mon aplomb.

- Grand frère, regarde !! s'écria Eloise avec joie.

Pendant quelques minutes les enfants m'étaient complètement sortis de la tête, et à Evan aussi visiblement, vu son temps de réaction rallongé. Néanmoins, nous finissons par nous tourner vers sa petite soeur pour la voir, complètement trempée, brandir héroïquement un poisson. Evan lui offre un grand sourire et la félicite :

- Bravo, Eloise ! Il est très beau.

La petite rigole, toute fière d'elle, et c'est l'instant d'inattention qu'il faut au poisson pour s'échapper de la prise d'Eloise et retourner à l'eau. Son grand frère rigole alors devant la mine dépitée de sa soeur, mais celle-ci reprend vite du poil de la bête et repars en chasse avec Max. Leur manège a le mérite d'apaiser le surplus d'euphorie persistant, libérant mon corps de son agréable oppression.

- De quoi voulais-tu me parler, Elisabeth ?

Je me tourne vers l'Alpha, plongeant mon regard inquiet dans le sien avant de révèler mes craintes :

- J'ai peur de ne pas être capable de me battre lorsqu'il le faudra réellement.

- Ne t'en fais pas, je suis sûr que tu trouveras les ressources nécessaires. Et puis tu l'as déjà fait volontairement, pour Eloise et Max, mais aussi pour Anouk.

- Et si je me laissais surprendre durant le combat ? Si je perdais mes moyens ?

Evan me sourit tendrement avant de poser sa main sur mon bras, attirant mon regard au sien.

- Tu te poses bien trop de questions. J'ai vu de quoi tu es capable, ce que tu es prête à faire lorsque les tiens sont en danger, donc je ne me fais pas de soucis. Tu sauras te défendre, et même si tu paniques ce n'est pas grave. Rappelle-toi ce que je t'ai dit : tu t'éloignes un instant de ton adversaire sans le quitter des yeux, et tu reprends ton souffle.

Je pousse un lourd soupir d'appréhension en même temps que mon regard tombe et que mes épaules s'affaissent.

- Et si je dois le tuer ? ajoutai-je en un murmure.

- Tuer n'est jamais une obligation. Néanmoins si cette solution est préférable, tu peux toujours le faire rapidement.

- Je ne veux pas être une meurtrière.

- Je sais... dit-il en me prenant dans ses bras. Mais tu veux protéger les tiens.

- J'ai peur. Si quelque chose arrive, si je dois tuer, je... je ne suis pas sûre d'y arriver. Comment tu fais, toi, pour arriver à gérer toutes ces choses ?

- Je sais que je peux compter sur notre Clan à tout moment, et il en va de même pour toi.

À quelques mètres, j'entends les enfants chahuter dans l'eau en rigolant, et lorsque je tourne ma tête contre torse de l'Alpha, je les vois sauter des rochers. Une apaisante odeur de mousse et de poisson flotte dans l'air, accompagnée d'effluves de cacao et de terre humide. En fond, les oiseaux sifflent et de petits mammifères grattent l'écorce des troncs.

Je resserre mon emprise autour de l'Alpha, et celui-ci vient embrasser le haut de ma tête, ses bras entourant déjà mes épaules.

Et si ça arrivait...

Sans PrétentionWhere stories live. Discover now