Chapitre 5

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Je sèche mes trois derniers cours pour rejoindre ma mère à la gare de tramway à l'heure. Lorsque j'arrive, deux minutes avant l'heure dite, je suis seule devant le bâtiment. J'attends tranquillement, le sac à mes pieds. Bientôt, je vois ma mère arriver. Elle me fait la bise, et pose ses bagages à côté du mien. Nous attendons là sans parler d'avantage, stressées toutes les deux par ce qui va nous arriver.

Cinq minutes après l'heure du rendez-vous, je commence à regarder autour de moi.

— Pourquoi sont-ils en retard ?

— Sûrement pour nous tester.

J'approuve les paroles de ma mère à contre cœur. Bien sûr. Ils ne vont pas nous faire entrer dans la résistance sans preuves de notre engagement, penser le contraire aurait été idiot.

Dix minutes plus tard, un homme se dirige vers nous. Il était à la terrasse d'un café depuis un moment, je l'avais remarqué. Il s'arrête à deux mètres de nous et s'adresse à nous ainsi :

— Mesdames, un van blanc va arriver d'ici deux minutes. Vous monterez avec vos affaires à l'arrière.

Et il repart sans rien dire de plus. Je lance un regard à ma mère. Elle est comme moi : angoissée mais impatiente. Alors que je retourne la tête, je vois un van blanc arriver sur notre gauche. Je dis à ma mère de se lever, et nous prenons nos sacs sur le dos. Le véhicule s'arrête, et un homme en descend. Il nous fait monter à l'arrière du véhicule, dans la partie sans fenêtres. Une fois que nous sommes toutes les deux entrées, la porte se referme, et le véhicule démarre.

Au début, j'essaye de suivre aux mouvements de la voiture les virages qu'elle prend, et ainsi de savoir où elle se dirige, mais au fur et à mesure que le temps passe, je me rends compte qu'on a dû tourner en rond pour nous perdre, car cela ne sert à rien de tourner dix fois de suite vers la droite...

C'est dans le noir de cette camionnette, alors que ma mère ne dit rien et réfléchit de son côté, que je me rends compte de ce qui vient véritablement de m'arriver. Je me suis bannie de la société sur un coup de tête. Je ne connais rien de la résistance, je l'ai juste fantasmée dans mon esprit, et grâce à ça je viens de me jeter toute crue dans la gueule du loup. Ma mère est le seul soutien que je vais avoir là-bas. S'ils ne nous séparent pas... On s'est toutes les deux engagées dans quelque chose de plus grand que nous,et je ne sais pas comment on va s'en sortir. La résistance est un monde totalement autre que celui que j'ai connu depuis ma naissance. Mais en même temps, ce monde dans lequel je suis née ne me correspond pas, je m'en suis très vite rendu compte. Je ne suis pas faite pour l'Union. J'espère seulement que la rébellion me conviendra mieux, que je serai enfin heureuse, et que je trouverai un sens à ma vie.

Maman s'est endormie, et je commence à avoir faim. Il doit être vingt heures passées, même si je n'ai pas trop conscience de l'heure qu'il est vu le temps que je me suis perdue dans mes pensées. Pourtant je sais qu'il n'y a rien au-delà de deux heures de route autour de la ville. Les autres villes qui ont des systèmes politiques différents du notre se trouvent à cinq heures de vol, et à plus de douze heures de route. Alors ils ont dû bien tourner dans la ville pour ne s'arrêter que maintenant.

J'entends le conducteur descendre et parler à quelqu'un. Puis les deux personnes se dirigent vers l'arrière du van.

— Mettez-vous dos à la porte.

— Attendez deux secondes, il faut que je réveille ma mère, elle s'est endormie.

— Ok, grouille-toi.

L'homme a l'air pressé, et je n'ai pas envie de me faire taper dessus dès mon premier jour. Alors je sors ma mère de son sommeil en vitesse et lui donne les directives. Nous nous mettons debout dos à la porte, et je donne le feu vert aux hommes qui sont à l'extérieur du véhicule.

Les portes s'ouvrent. Une personne s'approche de nous et nous bande les yeux tour à tour. Puis, je sens qu'on me prend le bras et qu'on me tire hors du van. Sur ma droite, un homme s'adresse à nous :

— Nos hommes s'occupent de vos affaires, on va vous conduire au général.

Nous marchons en silence un peu moins de cinq minutes. Puis, on nous enlève le bandeau qui nous cachait la vue et je regarde autour de moi. Nous sommes dans un bureau aux murs blancs, et la seule sortie est derrière l'homme en costard qui nous fait face. Il est assis devant un ordinateur, et nous fait signe de nous asseoir.

Je prends place à côté de ma mère, et attends que l'homme prenne la parole :

— Mesdames, bienvenues chez nous. Avant que vous me posiez des questions, je vais vous présenter notre fonctionnement.

L'Union FéminineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant