Chapitre 15

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Je ne parle pas à Elden du mec que j'ai rencontré. On finit de distribuer les plateaux, puis il m'entraîne derrière la cuisine pour manger dans le local spécial cuisinier. Ici il n'y a qu'une vingtaine de chaises, et c'est beaucoup plus calme. On papote tranquillement, et je lui raconte tout ce qui m'est arrivé depuis qu'on s'est séparés ce matin, excepté bien sûr l'épisode avec le bel inconnu.

— Tu sais quoi, moi je suis content d'être tombé sur toi ce matin. Grace à toi ma journée est beaucoup plus drôle !

Je grogne un peu. Il rigole à chaque anecdote que je lui raconte sur moi ou sur ma matinée, et passe son temps à se moquer de moi. Je joue un peu avec ma mousse au chocolat, cadeau du chef cuistot pour avoir aidé à distribuer les plateaux de nourriture un peu plus tôt, et qui, je dois dire, est excellente !

— Au fait Elden, au lieu de te foutre de moi, tu pourrais pas me raconter un peu comment t'es arrivé ici ?

Le jeune homme assis en face de moi redevient sérieux.

— J'avais quinze ans. L'école c'était fini pour moi depuis un peu plus de trois mois, et j'en pouvais déjà plus de ma nouvelle vie à la maison, où je devais passer mon temps à coudre des vêtements pour la société de l'Union, avec en fond sonore une radio que j'avais interdiction d'éteindre sur le comportement des hommes à l'égard des femmes, sur la conduite à avoir lors d'une rencontre avec une femme... Enfin bref, tout était centré sur la femme, et je pense qu'au bout de trois mois de vie comme ça je connaissais mieux les femmes qu'elles ne se connaissaient elles-mêmes.

— Je ne pense pas. La moitié de nos cours portait sur notre corps et notre mental, comment agir quand, où, pourquoi, comment...

— Mouais... Bref j'en pouvais plus. J'ai commencé à aller à des restaurants qui acceptaient les hommes seuls. Et puis je parlais de défier l'Union si elle continuait de me forcer à vivre comme ça. Forcément j'ai été repéré par des dirigeantes de l'Union qui ont toujours des espions partout. J'ai reçu un rappel à l'ordre deux semaines après mes premières paroles contraires à l'idée de l'Union. Ce même jour, un mec m'a abordé discrètement dans la rue alors que je rentrais chez moi le soir, et il m'a parlé de rejoindre la résistance. J'ai tout de suite accepté, je lui ai parlé de mon rappel à l'ordre, et je lui ai dit tout ce que j'avais sur le cœur. Et il m'a dit que si j'étais vraiment prêt, il pouvait m'amener à la résistance maintenant. Mais cela impliquait que je quitte ma vie tout de suite. J'avoue que sur le moment j'ai un peu hésité, mais mon choix était déjà fait. J'ai accepté la proposition de l'homme en deux minutes, et il m'a conduit à un garage où était entreposée une camionnette blanche. Après tu dois connaître la suite, tu as vécu la même chose.

— Oui. Et donc ça fait combien de temps que tu es là ?

— Bientôt huit ans. Et j'ai participé à une vingtaine de raids au sein de la ville depuis mon arrivée. Dont cinq cette dernière année.

— Tu penses que moi aussi je vais participer à des attaques ?

— Oui, sûrement, mais pas avant un bon moment puisque tu es nouvelle, et ce seront des attaques sécurisées. Le général ne voudrait pas perdre des div quatre. Vous êtes trop importants pour la résistance pour mourir bêtement.

— Qu'est-ce que tu entends par sécurisées ?

— Des attaques où on est sûr que personne ne risque d'être surpris. Comme lors de concert auxquels vont les dirigeantes de l'Union.

— Et elles consistent en quoi ces attaques ?

— Ça dépend... Des fois c'est mettre le feu à un bâtiment, d'autres fois c'est libérer des résistants qui ont été démasqués et attrapés, d'autres fois, c'est juste marquer des inscriptions sur des murs pendant la nuit... Enfin voilà, c'est vraiment en fonction des idées du chef, et de l'actualité de la résistance et de l'Union.

L'Union FéminineWhere stories live. Discover now