40 - Déclaration

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En fin de journée, Chiyo et Wakasa quittèrent le club ensemble et ils prirent la route qui remontait le long de la rivière. Au-dessus d'eux, les premières étoiles s'allumaient dans le ciel, mais Chiyo ne les voyait pas. Elle serrait nerveusement la lanière de son sac de sport.

Mais qu'est-ce qui m'a pris d'accepter ? Se demanda-t-elle en boucle.

À côté d'elle, Wakasa semblait aussi détendu qu'à son habitude et cela ne faisait qu'ajouter à sa nervosité.

Chiyo savait très bien pourquoi elle l'avait suivi si facilement. Ils avaient passé un bon moment cet après-midi, riant et plaisantant comme de vieux amis. Senju, avec sa fraîcheur de petite fille, avait abattu les obstacles qui les séparaient sans même qu'ils s'en aperçoivent et Chiyo avait découvert un Wakasa, drôle, charmant, gentil... Exactement le garçon qu'elle imaginait autrefois.

De quoi il veut me parler ? Sûrement de notre baiser. Mais pour dire quoi ?

Chiyo se souvint qu'elle avait été particulièrement froide avec lui lorsqu'il était venu la voir au lycée et elle se demandait s'il était là pour le lui reprocher.

Une chose était sûre néanmoins, jamais elle n'arriverait à faire preuve du même détachement que ce jour-là. L'après-midi qu'ils avaient partagé était encore trop frais dans son esprit.

De son côté, Wakasa n'était pas aussi détendu que Chiyo l'imaginait. Loin de là même. Pour être tout à fait honnête, il ne s'était pas senti aussi stressé depuis longtemps.

Finissons-en, se dit-il pour essayer de se calmer. Je lui dis ce que je ressens, elle me rigole à la figure et elle m'envoie paître. Ensuite je vais voir Shin. On ira piquer quelques bières dans le frigo de son grand-père et on picolera en se racontant nos histoires de cœur.

Jamais il n'aurait cru qu'un jour il comprendrait aussi bien ce que Shinichiro pouvait ressentir lorsqu'il se déclarait à une fille.

Et il a fait ça une quinzaine de fois déjà ? Ce type est fou... ou héroïque, je sais pas trop.

Shinichiro en était à son quinzième rejet au dernier décompte. En dépit des années écoulées, il choisissait toujours aussi mal les filles pour lesquelles il craquait.

Wakasa jeta un regard en coin au visage de Chiyo.

Moi, j'en ai trouvé une géniale, se dit-il, mais comme un con j'ai tout gâché avant même de commencer.

Ils s'aventurèrent sur le pont qui traversait la rivière, un peu plus loin et, arrivés au milieu, ils s'immobilisèrent comme d'un commun accord. Le vent froid qui dévalait le lit du cours d'eau annonçait l'hiver. Les premiers frimas ne tarderaient plus.

Chiyo croisa les bras sur la rambarde, autant pour éviter son regard que pour se donner une contenance. Une bourrasque la fit frissonner et elle ramena sa veste contre elle.

Dans son dos, Wakasa inspira pour se donner courage.

– Chi... Commença-t-il. Je t'aime et je voulais savoir si tu accepterais de sortir avec moi.

Il avait tout dit d'une traite, comme quand on retire un pansement à toute vitesse pour ne pas avoir mal. Dans sa poitrine son cœur battait comme un fou et il avait l'impression de le sentir résonner dans tout son corps, comme s'il était une sorte de cloche géante.

Face à la rivière, Chiyo était stupéfaite. Elle était heureuse d'avoir eu l'idée de lui tourner le dos, sinon il n'aurait pas manqué de voir l'expression de son visage. Elle respira et se calma.

Tout ça, ça ne pouvait être qu'une blague. C'était de Wakasa Imaushi dont on parlait, l'homme qui accumulait les coups d'un soir.

– Tu n'as plus personne sous la main en ce moment, alors tu te tournes vers moi ? Lui dit-elle.

Wakasa ne s'était pas attendu à ça. Il pensait qu'elle serait furieuse ou bien qu'elle se moquerait de lui. Mais il n'avait pas imaginé qu'elle serait blessée.

La faute à qui ? Se sermonna-t-il.

– Je suis sérieux Chi...

– Je ne te crois pas.

Le silence s'étendit entre eux, juste entrecoupé par le bruit du vent et des voitures qui passaient par moment derrière eux.

– Pourtant, c'est la vérité, reprit Wakasa un instant plus tard.

Il parlait si doucement que Chiyo dut tendre l'oreille pour l'entendre.

– Je t'aime et je déteste le connard que j'ai été, dit-il. Je voudrais qu'il ne soit jamais rien arrivé entre nous pour pouvoir te séduire comme j'en crève d'envie, mais je sais que j'ai perdu ce droit le jour où je t'ai fait du mal. Alors je veux juste que tu saches que je t'aime... et que je regrette.

Chiyo ramena ses bras autour d'elle. Elle aurait voulu étouffer les battements de son cœur, mais elle n'y arrivait pas. Chacun des mots de Wakasa touchaient leur cible plus qu'il l'imaginait et Chiyo sentit un frisson qui ne devait rien au froid lui dévaler la colonne. Sa poitrine se soulevait avec rapidité tandis qu'elle essayait de faire taire ses sentiments et Wakasa reprit.

– C'est pour ça que j'aimerais qu'on sorte ensemble, toi et moi, dit-il.

D'accord.

Les mots avaient jailli de ses lèvres comme s'ils avaient leur vie propre et ce fut cette fois un silence stupéfait qui tomba entre eux. Chiyo ouvrit des yeux abasourdis et elle ramena la main sur sa bouche sans parvenir à croire à ce qu'elle venait de dire.

Je viens... d'accepter ?

Derrière elle, le visage de Wakasa n'était pas moins surpris.

– Tu... es d'accord ? Dit-il.

Lui non plus ne parvenait pas à y croire.

Chiyo rassembla son courage et elle se retourna pour lui faire face. Elle voulait lui dire qu'elle s'était trompée, que les mots étaient sortis tout seuls. Mais quand son regard croisa le sien, la lueur qu'elle vit briller dans ses yeux la laissa sans voix. Il était heureux. Vraiment heureux.

Elle se laissa retomber contre la rambarde, dans son dos, et baissa le visage en soupirant. Un faible rire s'échappa de ses lèvres.

J'en ai envie moi aussi, se dit-elle. Moi aussi j'ai envie d'être avec toi, de passer encore de bons moments comme aujourd'hui, de rire, de te parler, de sentir ta présence...

Elle aurait voulu le lui dire, le lui crier même. Mais la peur la retenait. Peur d'être à nouveau utilisée, trompée, trahie.

Est-ce que je n'ai toujours pas retenu la leçon ? Se demanda-t-elle.

Elle comprit alors que Wakasa Imaushi était comme une drogue pour elle. Peu importe le nombre de fois où elle essayerait de l'oublier, il lui suffirait d'apparaître pour qu'elle retombe instantanément amoureuse de lui.

Wakasa fit un pas en avant et il prit sa main dans la sienne, la faisant sursauter.

– Tu ne le regretteras pas Chi ! S'exclama-t-il. Je te le promets ! Je ne ferai plus le con ! Hors de question que je gâche la chance que tu me donnes !

Elle le regarda, étonnée. Finalement elle sourit et serra ses doigts entre les siens.

Puis elle lui retira sa main.

– Il faut que je rentre maintenant, dit-elle, ma mère doit se demander où je suis.

– Oui, bien sûr.

– À demain, dit-elle en reprenant le chemin de la rive.

– À demain, dit-elle en reprenant le chemin de la rive

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Bad boy [Wakasa x OC]Where stories live. Discover now