13. Départ Précipité

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AARON

Je cours.

Les écouteurs enfoncés dans mes oreilles, je traverse les rues désertes de Seattle à une vitesse que je ne croyais pas possible – le Coach pourrait être fier de moi. Le vent s'abat violemment contre mon visage, y laissant des traces de son passage sous forme d'irritations qui me brûlent au point où je ne peux presque plus rien sentir. Et à travers tout ça, je tente désespérément de respirer. Souffler, prendre une bouffée d'air, inhaler de l'oxygène : c'est tout ce que je demande. Pourtant, je manque terriblement d'air. Rien ne va plus et je m'étouffe. Peu importe à quel point j'en ai envie ou combien j'en ai besoin, je n'arrive pas à prendre une inspiration. Quelque chose s'est bloqué en moi, ça s'est brisé du jour au lendemain sans que je ne puisse plus rien y faire. Je suis piégé dans ma propre peine sans aucune chance de m'en sortir.

Je fonce.

Les perles de sueur qui glissent lentement le long de mon front me chatouillent ; elles provoquent des frissons en moi qui me ramènent immédiatement à la réalité. Toutes mes peurs sont là, elles reviennent me hanter dans ce moment de faiblesse. J'essaie de les semer, mais je serai bientôt à bout de force. Je suis terrifié par la sensation qui se construit en moi. Tout s'accumule à l'intérieur de mon corps et j'ignore comment je peux réussir à tout contrôler quand je n'ai le pouvoir sur rien. Elle n'est pas là ; elle est partie. Elle me l'avait promis, mais elle n'est plus là. Comme tous les autres, elle m'a laissé tomber. Je n'arrive pas à croire ça. Je ne parviens pas à affronter ça. Jamais je ne pourrais me résoudre à cette situation ; c'est beaucoup trop dur. Pourquoi s'est-elle enfuie sans rien me dire ? Pourquoi n'est-elle pas venue me voir ? Si elle était juste venue me voir avant de disparaître de cette façon...

Je m'échappe.

La douleur assommante dans mes jambes me rappelle qu'il ne faut pas lâcher prise. Pas encore. Je peux encore tenir bon ; je peux encore y résister. Parce qu'une fois que la peur m'aura consumé, il n'y aura plus aucun retour en arrière possible. Alors je m'évade, je fais de mon possible pour fuir cette réalité beaucoup trop cruelle. Elle est là, tout juste derrière moi. À seulement quelques mètres de moi, je la sens en train d'essayer de m'avoir ; je ne dois pas la laisser s'approcher. Plus elle avance, plus je suffoque. J'ai l'impression de tomber dans une chute sans fin. J'ai mal, mais il faut que je continue. Je ne peux pas m'arrêter maintenant. Pas tout de suite. Pas quand je mets autant d'efforts à aller mieux. Il ne suffit que d'une seconde. Une seule seconde et tout autour de moi s'effondre. Je ne peux pas laisser une chose pareille se produire.

À bout de force, j'abandonne. Je cède. Les mains appuyées sur mes genoux, je tente autant que je le peux de contenir ma colère. Je suffoque, je m'étrangle presque, complètement vidé d'air. Je tombe par terre, je capitule. Reculant davantage, je parviens à m'adosser contre le mur derrière moi, me permettant de reprendre au mieux ma respiration. Du dos de ma main, j'essuie toute cette transpiration sur mon visage en inspirant autant d'oxygène qu'il m'est possible. Pour apaiser ma suffocation, j'observe le ciel où le soleil a totalement disparu. Je n'y trouve rien d'apaisant, mais passé de nombreuses minutes à le fixer avec autant de détermination, je finis par arriver à un point où je suis enfin calmé, sans pour autant être libéré de mon désespoir. Les mains froides posées sur mon visage, je ferme les yeux en soupirant. C'est tellement pathétique. Je n'ai aucune idée de comment je peux même me retrouver dans un état pareil simplement parce que je ne suis pas assez fort pour me confronter à la solitude.

Pourquoi j'en reviens toujours à ça ?

Ça fait seulement quatre jours, mais je me vide toujours un peu plus au fur et à mesure que les minutes s'écoulent. Aucun mot. Aucun message. Aucun signe.

Sensitive Love II : SubmersionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant