25. Point de Non-Retour

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ALISON

Deux ans auparavant,

Assise sur la banquette arrière de la voiture de Kale – l'associé de Damien –, j'enfonce mes ongles dans la paume de ma main, tentant désespérément de me contrôler depuis que ce dernier a décidé de s'allumer un joint. L'odeur de la drogue vient chatouiller mes narines avec vice, comme pour me torturer. Sans pouvoir y faire quoi que ce soit, mes jambes se mettent à trembler dans des spasmes indomptables. Je me mords et malmène ma lèvre dans l'espoir de me calmer, mais rien n'y fait ; j'ai la réelle sensation d'être sur le point d'exploser. Ces agitations présentes dans chaque partie de mon corps semblent infatigables, animées par mon manque évident. Le dernier cachet que j'ai pris remonte à seulement dix-huit heures pourtant, le vide que je ressens a l'air de me peser depuis des années. Je ne parviens pas à me contrôler face à ce besoin qui m'est enlevé ; je n'arrive plus à rien.

Depuis ma rencontre avec Damien, je vis dans une illusion totale. Depuis cette soirée où j'ai pris de l'ecstasy pour la première fois, je n'arrive plus à m'en passer. Les effets qu'il me procure m'ont permis d'oublier pendant plus longtemps qu'une fraction de seconde. Pendant des heures, j'étais enfin bien. En ne songeant plus à toutes les choses qui pèsent sur moi, je me suis enfin sentie libérée. C'était comme si je revenais au temps où tout allait encore bien. La joie que ça m'a procuré était si forte, si bonne, si puissante que je doute de m'être sentie un jour aussi bien que sous l'effet de la drogue. Tout était féerique, parfait. Et le temps de quelques heures, je me revoyais vivre. Je retrouvais de l'espoir. Je retrouvais une vie. Je trouvais à nouveau une raison d'exister.

Cependant, tout ça a éventuellement pris fin.

Les moments de descentes deviennent un peu plus insupportables au fil des jours. À chaque fois, c'est comme si je me sentais à nouveau mourir. Je sens mon cœur se déchirer et mes poumons cessent soudainement de fonctionner. Comme asphyxiée, je cherche de l'oxygène autour de moi, mais il ne vient jamais. Et c'est à ce moment-là que la douleur décide de refaire son apparition. Sans prévenir, elle se jette sur moi et me met à terre dans l'espoir que je devienne incapable de relever. À chaque fois, je crois que ce sera la dernière ; à chaque fois, je parviens à survivre. Peu importe à quel point la douleur peut être forte, je n'arrive pas à m'y laisser aller. Je n'arrive pas à baisser les bras. Une partie de moi continue à se battre et je la déteste. Parce que ce qu'elle fait venir est bien pire que la douleur. Bien plus terrible. Bien plus cruel. La culpabilité.

C'est donc dans ces moments de pure faiblesse que je me laisse encore une fois avoir en reprenant une autre dose. Et comme un cercle vicieux, cette torture ne s'arrête plus. Chaque quantité devient meilleure, chaque dose devient plus tentante. Chaque fois que j'essaie d'arrêter, la réalité me revient en pleine face et il n'y a plus rien que je puisse faire. Mon état n'a jamais été aussi désastreux, même pas après l'accident. Les cernes qui infectent mon visage, mes insomnies, mon manque de nutrition, ma perte de moi : tout ça, c'est inquiétant. Ma santé se dégrade un peu plus chaque jour et je devrais m'en soucier. Néanmoins, je n'en ai jamais assez. Si la drogue était au départ une sorte d'échappatoire, elle est maintenant devenue une nécessité. Quelque chose de vital dont je ne suis plus en mesure de me passer.

Je ne peux plus m'en passer.

Baissant mon regard vers la cagoule noire posée sur mes genoux, je sens encore une sensation nauséeuse dans ma bouche. Rien qu'en pensant à ce que nous nous apprêtons à faire, je sens l'envie de vomir. Si j'étais assez forte, j'aurais refusé sans hésitation cette proposition faite par Damien. Le truc, c'est que je ne le suis pas. Faible, c'est bien ce que je suis. Je ne suis rien d'autre qu'une âme perdue qui ne semble plus avoir de chemin sur lequel se reposer. La limite du raisonnable, je l'ai déjà dépassée il y a des mois de cela. Toutefois, ce que nous nous prêtons à faire dépasse largement l'inhumanité. Même si j'en ai envie, tout stopper maintenant est impossible ; il y a bien longtemps que mes membres n'écoutent plus ma raison. Sombrant dans la totale dépendance, je ne suis pas sûre qu'il reste encore un moyen de me sauver. J'ai perdu toute chance de rédemption le jour où j'ai accepté l'accord qui nous a amené ici.

Sensitive Love II : SubmersionWhere stories live. Discover now