14. Folie Californienne

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ALISON

J'aime cette sensation de ne pas avoir à me soucier du moindre détail ; elle est là pour me rappeler qu'on peut parfois profiter de l'instant présent sans s'en sentir coupable. Aujourd'hui, je me sens libre. Plus libre que je ne l'ai jamais été. Ce sentiment-là, je veux le garder. Je veux continuer de me lever avec cette pensée que tout ne va pas s'écrouler du jour au lendemain. Je me demande si c'est un idéal atteignable ou si je suis simplement ma propre illusion. Quoi qu'il en soit, je décide de me tenir accrochée à cette émotion qui me consume tout en continuant d'avancer droit devant moi. Sous la lumière de la lune et la noirceur de la nuit, je lève la tête en espérant trouver une bouffée d'air dans l'étouffement que me donne l'alcool. Boire me permet de continuer la route, mais elle me brouille aussi le chemin. Je sais que j'ai besoin de l'alcool pour juste poursuivre, mais concernant tout le reste, je m'en sens impuissante.

Et si je n'aime pas l'incapacité, aujourd'hui, ça m'importe peu.

Un pied après l'autre, je me balade dans un quartier que je connais à peine, errant dans une direction que je souhaite être la bonne. Dans une ville aussi grande que Los Angeles, il est facile de se perdre et je crois que c'est ce qui m'est arrivé. Je jette un coup d'œil autour de moi, mais rien. Je ne reconnais absolument rien. Loin d'en être préoccupée, je continue ce jeu de poutre sur le trottoir en essayant de ne pas tomber. Tester mon équilibre est un moyen pour moi de passer le temps. Je ne sais pas exactement pourquoi je veux le passer, mais j'aime ce petit défi que je me suis lancé. Je m'en trouve plutôt forte, surtout que dans le silence total qui m'entoure, c'est l'unique façon pour moi de ne pas me laisser engloutir. Parce que je hais ce manque de bruit qui ne comble pas le cri dans ma tête. J'ai l'impression qu'elle va m'exploser les tympans tant elle est forte ; elle est en train de me détruire de l'intérieur.

Pour atténuer cette peine, je décide donc d'augmenter le défi, repérant dès lors un muret au loin que je rejoins sans plus attendre. M'aidant du banc tout juste à côté, je grimpe sur la surface avec un peu de difficulté, mais sans pour autant m'échouer au sol. Avec un sourire sur les lèvres, je reprends dès lors mon jeu, les mains tendues tandis que je pointe mon regard vers mes baskets. M'y habituant peu à peu, je lève la tête devant moi, mais ce simple geste me fait manquer un pas qui me fait perdre mon équilibre.

Kiwotsukete!

Dans ma chute, je suis retenue par quelqu'un. Je reste quelques minutes les yeux fermés, encore bouleversée, mais je peux sentir ses mains qui m'ont rattrapée. Reprenant peu à peu mes esprits, j'ouvre les paupières pour retrouver deux pupilles noires qui m'observent avec attention. Inquiet, il ravale néanmoins rapidement sa panique pour me relâcher doucement afin que mes pieds retrouvent le sol.

— Ça va ? s'assure Takeshi.

Je fronce les sourcils en me passant une main dans mes cheveux.

— Oui, je vais bien. Mais qu'est-ce que tu fais ici ?

J'ai quitté l'hôtel sans prévenir qui que ce soit ; je sais que sa présence n'est pas due à une coïncidence.

— Je t'ai suivie, m'avoue-t-il.

J'avais oublié à quel point il pouvait être honnête.

— Pourquoi ?

— On ne peut plus te faire confiance toute seule.

J'ouvre la bouche en grand sous le choc.

— Qu... De quoi tu parles ? Bien sûr que si !

Son regard s'assombrit.

— Tu as failli tomber.

— C'était un accident, me justifie-t-elle.

— Je te suis depuis près d'une heure et tu ne l'as même pas remarqué.

Sensitive Love II : SubmersionDonde viven las historias. Descúbrelo ahora