20. La Gueule du Loup

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ALISON

Deux ans auparavant,

Ça fait deux ans. Presque deux ans, et tout est encore pareil. Rien n'a changé. Il est toujours là, ce sentiment. Cette sensation au creux de mon cœur qui ne me quitte toujours pas. Tout reste une torture autour de moi ; je suis toujours aussi brisée de l'intérieur. Ma vie n'existe plus ; il n'y a plus que cette douleur en moi. Tout a disparu, plus rien n'est là. Chaque matin, je continue à me réveiller avec ce poids dans ma poitrine qui me donne envie de m'arracher la peau simplement pour qu'elle cesse. Chaque jour qui passe, j'inspire l'air qui m'entoure et je me déteste de ne pas pouvoir me laisser m'étouffer. Tout ce que je souhaite, c'est que ça s'arrête. Ce que je désire plus que tout au monde est impossible. Personne ne pourra me les rendre. J'essaie de voir la situation en face, j'essaie de me confronter à la réalité afin de mieux l'affronter, mais rien n'est assez bien. Tout n'est qu'un échec. Comment puis-je espérer survivre à tout ça sans eux ? Comment puis-je retrouver mon chemin ?

Je devrais me noyer dans les larmes, crier à en perdre les poumons et prier pour ma fin, mais j'ai déjà épuisé tout ça ces deux dernières années. J'ai tout vidé en moi ; il n'y a plus rien de vivant qui y reste. Le jour où mes parents sont morts, l'humanité qui m'abritait s'est éteinte avec eux. Je ne suis plus qu'un corps, désormais. Une simple déception. Il n'y a plus rien d'autre à ça. Mon père avait l'habitude de me dire que tout arrive pour une raison. Que tout faisait partie d'un plan qui nous dépasse tous et dont nous ne comprendrons jamais réellement les règles. Que tout ce qui se passe autour de nous, toutes les personnes que nous croisons, toutes les situations dans laquelle nous nous mettons jouent un rôle dans notre vie. Que ces choses-là, bonnes ou mauvaises, servaient à nous apprendre des leçons et que, sans elle, il nous est impossible d'avancer. Il avait espoir que tout finissait par s'arranger, que, tôt ou tard, tout s'améliorerait tant qu'on y croirait toujours. Seulement, je ne vois rien de ça pour moi. Je ne vois pas d'avenir, aucun futur. Aucune possibilité ne se présente à moi ; seulement des échecs.

Comment puis-je espérer affronter une vie où je n'ai plus rien ? Je n'ai plus personne pour me retenir. Aucune personne pour me ramener à la surface lorsque je toucherai le fond. Il n'y a plus aucune chance pour me sauver.

Encore une fois, j'ai passé la nuit dehors. Inconsciemment, j'imagine que errer aussi tard la nuit et avec autant de danger qui me surveille, c'est une façon pour moi de me punir. Une façon de me punir de continuer à respirer. Ce soir, je n'ai pas compté le temps ; j'ai suivi mon instinct en continuant à m'aventurer dans les profondeurs de Los Angeles. Ma famille d'accueil serait inquiète par ces sorties tardives, alors je fais en sorte de le faire une fois que tout le monde est endormi. Si ça ne tenait qu'à moi, je serais déjà loin de cette ville, dans un endroit où je n'ai pas autant de douleur. Toutefois, je dois survivre à cette vie un peu plus longtemps, peu importe combien ça devient insupportable. Je dois me forcer parce que c'est tout ce qu'il me reste. Face à cette impasse à laquelle je suis confrontée, je peux seulement espérer ne pas tomber dans le vide. C'est pour ça que je continue de parcourir la ville à la recherche d'une fin.

Cette fois-ci, je suis attirée par une maison qui se trouve dans un quartier résidentiel dans lequel je n'avais jamais mis les pieds jusqu'à aujourd'hui. Mes yeux se perdent sur les lumières colorées qui s'en échappent à la manière d'un arc-en-ciel. Les éclats de rire qui en sortent redoublent en intensité au fur et à mesure que j'avance tandis que la musique devient elle aussi de plus en plus distincte à mes oreilles. Comme aimantée à cet endroit, je continue de m'approcher. Dans le jardin, quelques personnes sont en train de discuter, chacun un gobelet de ce que j'imagine être de l'alcool en main. D'apparence, ils ont l'air d'être des étudiants ; du haut de mes seize ans, je n'ai certainement pas ma place ici. Néanmoins, ça ne m'empêche pas de continuer d'avancer. Au contraire. Dissimulée par la nuit, aucun d'eux ne semble me remarquer tandis que je m'approche dangereusement de l'entrée de la maison. Ce soir, j'ai besoin d'être entourée. J'ai besoin de cette soirée.

Sensitive Love II : SubmersionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant