36. Notre Cri de Guerre

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AARON

La main appuyée contre la porte de mon casier, je laisse la musique motivante s'échapper de mes écouteurs comme je le fais avant chaque match. Me concentrant attentivement sur les paroles de la chanson, je parviens à réunir toute mes forces afin d'empêcher mon esprit de divaguer. Mon torse se lève et s'abaisse violemment à chaque respiration, un rappel constant du rythme anormalement saccadée que prend mon cœur. Malgré mes innombrables tentatives, rien ne semble pouvoir le calmer. Il est en pleine excitation. Dans mon dos, les diverses conversations de mes coéquipiers s'entremêlent et s'entrechoquent, ne formant plus qu'un infatigable vacarme. On est tous pressés, ce soir. Fermant les yeux, j'essaie de trouver un point sur lequel me tenir, quelque chose qui me maintienne à la réalité. Je mise tout sur la musique et sur la bulle qu'elle forme autour de moi. Parce que si je me risque à laisser mes pensées se perdre, je sais que je ne vais pas pouvoir me contenir bien longtemps.

Tout va éclater.

J'inspire profondément ; ma gorge se noue. Les images réapparaissent. Elles se mélangent, se confondent et se dissolvent pour me brouiller l'esprit. Mon poing se serre contre la surface métallique tandis qu'un grognement s'échappe du fond de ma gorge. J'essaie. J'essaie vraiment de ne pas y penser. Plus de deux semaines se sont écoulées pourtant, j'en reviens toujours à la même chose. Les images ne cessent de défiler dans mon esprit. Impuissant, il n'y a rien que je puisse faire pour les repousser. Peu importe ce que je fais, elles reviennent toujours. Elles me hantent et me tourmentent. Magasin. Pistolet. Pupilles. Elles sont là et ne me quittent plus. Quand je dos, lorsque je suis sur le terrain, en plein milieu d'un cours : elles me suivent peu importe où je me trouve.

Je ne veux pas repenser à ce magasin, ni à cette arme mortelle qu'elle tenait maladroitement dans ses mains, pas à ces gens remplis de terreur. Encore moins à ses pupilles dilatées et dénuées d'une quelconque émotion. Ces pupilles qui appellent à la drogue, qui ne demande que ça, qu'à être rassasiées. Rien de ce que je puisse dire ou faire ne changera quoi que ce soit. Elles ne répondent plus de rien. Soumises à ce qui les fait exister, je me sens inutile face à elles. Impuissant. Alors, sans le vouloir, je me retrouve deux ans en arrière. Son visage réapparait à la place d'Alison et la culpabilité remonte à la surface. Ma propre faiblesse me revient en pleine face. Si je l'avais su, j'aurais tout fait pour l'arrêter. J'aurais mis toute ma force pour l'aider et éviter le drame. Mais tout ça, ce ne sont que des « si ». Dans la réalité que je connais, rien ne peut être changé.

Je me suis dit que je passerai à autre chose, que je cesserai de penser à elle et que je reprendrai calmement le cours de ma vie mais je n'y arrive putain de pas.

Dans un élan de frustration, je retire mes écouteurs et les balance dans mon sac. La musique ne fonctionne pas. Rien ne fonctionne. Peu importe ce que je fais, son visage me reviendra toujours en tête et je déteste ça.

— Mauvaise journée ?

Je lève la tête vers Jayden qui m'observe comme il le fait depuis ces derniers jours. Sans même qu'il n'ait à me dire quoi que ce soit, je peux lire ce qu'il est en train de penser.

Et je n'aime pas ce que vois.

— Tout roule.

Il doit probablement percevoir la colère dans ma voix puisqu'il effectue un pas vers moi.

— Ça fait deux semaines que ça dure, Aaron. Tu pourrais au moins la laisser te parler. Aria et moi, on l'a fait. Je sais pourquoi tu réagis comme ça, mais je t'assure que ça te fera du bien de la laisser s'expliquer.

Je récupère mon casque en l'ignorant.

— Arrête d'éviter les choses qui t'effraient, Aaron. Affronte-les.

Sensitive Love II : SubmersionWhere stories live. Discover now