46. Le Temps des Adieux

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AARON

En arrivant devant l'immense bâtisse, je suis étonné de voir une foule aussi grande se diriger vers la même direction. Il y a une vingtaine de véhicules garés aux alentours sans que je ne comprenne pourquoi autant de personnes se trouvent ici. Sortant de ma voiture, j'attends que Jayden me rejoigne tout en continuant mon analyse de la scène. Parmi toutes les personnes présentes ici, Cameron n'en connaissait probablement pas la moitié. Aucun n'était proche avec lui, aucun d'eux ne leur a un jour adressé la parole. Je ne sais pas s'il aimerait vraiment qu'autant de monde vienne. Le connaissant, il aurait aimé garder tout ça privé et que seule sa mère et quelques amis soient là pour se rappeler de lui. Cameron n'a jamais aspiré à la gloire, tout ce qu'il a toujours voulu, c'est de garder sa famille saine et sauve. Et il l'a fait. Il a accompli ça. J'espère qu'il l'a pu réaliser à temps. J'espère qu'il sait à quel point il a changé la vie de tous.

J'inspire profondément.

— Ça va ?

Toujours le regard droit devant moi, je sens la main de mon ami se poser sur mon épaule.

— Non, avoué-je. Toi ?

— Je peux dire la même chose.

Comme moi, il a besoin de temps avant de faire quoi que ce soit. Une fois que nous sommes tous les deux suffisamment en forme, nous nous accordons ensemble à entrer à l'intérieur de cet endroit pour lequel a tout payé. Ça n'a pas été facile de convaincre Victoria, mais elle a réussi. Pour assembler une cérémonie aussi rapidement et avec autant de monde, il était évidemment que Victoria n'aura pas pu se débrouiller seule. Ma mère a voulu la soulager de ça. Tout le monde a voulu aider, en réalité. Des parents de Jayden à ceux d'Aria : chacun a voulu lui apporter son soutien. Parce que nous avons vécu vendredi a dépassé tout ce que nous aurions pu imaginer pour notre dernier jour. Personne n'aurait pu prévoir qu'une telle tragédie se produirait et pourtant, nous voici : nous nous rendons droit vers l'enterrement de Cameron.

J'ai du mal à intégrer ce qui s'est passé vendredi. Je peine à tout encaisser. Je ne parviens pas à réaliser la réalité de la chose. C'est Cameron. Cameron Miller, ce mec que je connais depuis des années. Ce mec qui m'a accompagné ces dernières années, qui a été là pour Matthew, que j'ai aussi soutenu dans ses moments difficiles. Cameron était un ami, quelqu'un que j'estimais hautement. Je ne peux pas imaginer une vie où il n'y est pas. Quelqu'un comme Cameron ne s'éteint pas. Il n'est pas tué dans une fusillade. Un mec comme lui finit par faire de grandes choses. Il a accompli ce que la moitié des gens n'aurait même jamais envisagé. Je refuse de croire que ça s'arrête ainsi pour lui, pas quand il avait encore tellement à apporter. Cameron est le genre de personnes à rendre l'impossible possible. Il est le genre à tendre la main à ceux qui en ont besoin.

Pourquoi personne n'a pu lui tendre une main quand lui en avait besoin ?

À l'intérieur, je suis immédiatement percuté par le monde qui y est assis. Tout le monde est en train de discuter de son côté et ça m'irrite. J'ai l'impression qu'ils sont seulement là par principe. Qu'ils ne comprennent pas la gravité de ce qui s'est passé. Mon regard se fige à l'immense photo de Cameron accroché à l'avant de la salle. Il n'était pas du genre à se laisser prendre, alors elle date de quelques années. Immédiatement, je me sens coupable. Est-ce vraiment la dernière photo que nous avons de lui ? J'ai l'impression que nous n'avons aucun souvenir de lui, que nous sommes contraints à compter sur notre simple mémoire pour ne pas l'oublier. Je ne fais pas suffisamment confiance à ma propre personne pour ça. La mémoire est défaillante, elle a des moments de faiblesse. Peu à peu, on oublie. On perd des détails. On arrête de penser.

Est-ce ainsi que ça sera avec Cameron ?

Je baisse la tête pour cesser d'y penser tandis que quelqu'un vient nous placer vers l'avant des bancs. Nous nous retrouvons à la troisième rangée ; une seule rangée seulement nous sépare de Victoria qui est en train de discuter avec une autre femme. Auprès d'elle, je retrouve Leyla et Alison. Leyla a l'air dévastée. Alison, elle, cache mieux ses sentiments bien que je puisse ressentir sa douleur. Je peux encore la voir devant Cameron. J'avais besoin de m'assurer qu'elle allait bien quand j'ai entendu cet autre coup de feu. Sous la panique de tous les autres élèves présents dans la classe, je me suis tout de même laissé aller et l'est retrouvé. Je ne savais pas qu'un cœur pouvait se briser deux fois avec si peu d'instant d'intervalle, mais ça a été le cas. Une première fois en découvrant Cameron ; une seconde fois en témoignant de sa peine. Jamais je n'aurais cru un jour la voir aussi bas. Aussi abattue. Aussi désespérée.

Sensitive Love II : SubmersionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant