Sensitive Love II : Submersion

22. La Soirée de l'Année

ALISON

Allongée en plein milieu de mon lit, j'observe minutieusement la pilule bleue que j'ai glissé entre mon pouce et mon index. Tentant de me concentrer sur le smiley innocent qui le recouvre, j'évite de me laisser entraîner par la musique tout droit sortie des années soixante-dix qui résonne depuis le rez-de-chaussée. Si le petit dessin souriant sur le cachet fait passer cette substance illicite pour quelque chose de totalement inoffensif, j'ai néanmoins parfaitement conscience que c'est tout le contraire. En voyant cette chose si minuscule entre les mains, je n'ai pas l'impression de détenir l'unique chose capable d'entièrement me détruire. Ce n'est qu'un tout petit smiley bleu, après tout. Qu'est-ce qu'il pourrait y avoir de dangereux à ça ? C'est aussi si petit que je peine à croire que ça puisse détenir un si grand pouvoir. Pour moi, c'est seulement un petit bonbon, rien de plus. Il ne m'effraie pas ; il ne m'a pas l'air toxique.

Du moins, c'est ce que la moi d'il y a deux ans aurait dit ; c'est ce qu'elle aurait pensé. Elle n'aurait pas hésité une seule seconde avant de prendre cette drogue, d'autant plus si c'est pour protéger son secret le plus sombre. Elle en aurait même demandé. Encore et encore. Jusqu'à ne plus pouvoir. Parce qu'à cette époque, j'étais seule face au monde. Plus rien ne me retenait. Plus personne. Il n'y avait absolument personne à la surface pour me tendre la main. Je souffrais. Exactement comme je souffre aujourd'hui. Ce n'est qu'un ridicule petit cachet, une simple pilule qui n'aurait rien de bien conséquent sur moi si je n'en prenais qu'un. C'est ce que je me dis, oui, mais je sais aussi que ce n'est pas la vérité. C'est ce que je souhaite – probablement ce dont j'ai besoin –, mais je sais que ce n'est pas ce que je dois faire. Parce qu'une fois que j'aurais commencé, je ne pourrais pas m'arrêter. C'est inévitable. Je veux absolument l'avaler, mais mon instinct me l'interdit parce qu'il sait combien ça pourrait dégénérer.

Il me bloque.

— Tu vas me faire ce cinéma encore longtemps ou je peux déjà me tirer une balle en pleine tête ?

Je me redresse d'un coup sur mon lit et croise le visage lassé de Damien – je n'avais même pas remarqué qu'il était entré.

— Qu'est-ce que tu fais là ?

Il se détache de la porte et vient examiner ma chambre chez les Collins. Je devrais me demander comment il est parvenu à entrer ici, mais avec la fête organisée par Aria, ça n'a pas dû être si dur que ça de se faufiler parmi les lycéens. Tout de suite, je replace la pilule dans son sachet et l'éloigne le plus loin possible de moi, même si le blond a déjà pu me voir avec. Il sait. Depuis, il sait ce qu'il fait et me donner ce dilemme n'est qu'une excuse. Il sait que je n'ai plus aucune maîtrise de moi-même et que ce n'est plus qu'une question de temps. Mais je veux lui prouver le contraire. Je veux lui prouver que je suis plus forte que ça et que je ne vais pas tomber dans son piège encore une fois. Je n'ai toujours pas jeté ce paquet, mais c'est aussi parce qu'il m'a mis dans une situation où je ne peux pas penser rationnellement. Sous le regard satisfait de Damien, je finis par jeter le foutu sachet à l'autre bout de la pièce, en espérant lui faire comprendre que je ne suis plus aussi naïve et manipulable qu'il y a deux ans.

— Tu sais que cette marchandise n'est pas gratuite, hein ?

— Damien, je plaisante pas, là.

Il s'arrête au centre de ma chambre.

— Moi non plus.

Sans plus me prêter plus attention, il entame une fouille dans mes affaires. Passant en revue mon sac et mes deux tables de chevets sous mon regard ahuri, il s'attaque à présent aux autres meubles de ma chambre, dont ceux où j'y ai rangé mes vêtements – il y a un dressing en plus, mais je n'ai pas osé m'imposer. En ouvrant le premier tiroir, un sourire pervers s'affiche sur ses lèvres tandis qu'il en sort un de mes soutiens-gorge en dentelle. Cette fois-ci, je quitte mon lit pour lui prendre des mains et refermer le tiroir en m'accoudant à ce dernier tout en croisant les bras.