23. Confrontation

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Levy

Mon dos est posé sur quelque chose de drôlement mou, quelque chose de très délicat. Un cocon chaud enveloppe mon corps et je me sens comme chez moi, de retour au bon vieux temps. Serait-ce papa qui m'a retrouvé et m'a blotti dans ses bras ? Pitié, dites-moi oui. Je garde mes yeux fermés, m'imaginant dans ces bras réconfortants. Son odeur, que je n'avais plus sentie depuis tellement longtemps, vient emplir mes narines. C'est son parfum, celui qu'il met tous les jours. Un sourire plus qu'heureux s'étire sur mon visage, je le sens. Je suis si bien ici, avec sa chaleur corporelle, avec son odeur. Je sens sa barbe de trois jours au contact de ma joue, me piquait légèrement. L'odeur de ma petite chambre me parvient également, la présence de mon doudou toujours posé à ma gauche. Mes mains tâtonnent à côté de mon oreiller afin de trouver cette petite souris que j'ai depuis ma naissance.

Malheureusement, je ne trouve rien. L'espace est froid, vide. L'odeur n'est plus la même maintenant, les bras protecteurs de mon père s'éloignent peu à peu de moi, ils s'évaporent, ils me fuient. La réalité me revient brutalement au visage et je n'arrive pas à garder ces quelques larmes qui, même avec mes yeux fermés, dévalent encore une fois sur mes joues. Je sens un pouce venir essuyer ces gouttes d'eau qui coulent, bien trop souvent à mon goût, sur mes joues. J'ouvre alors, à contrecœur, mes yeux, ce qui a pour effet de m'arracher de ma réalité fictive. J'aimerais tellement y rester. Je veux y retourner, je veux le revoir, le sentir encore une fois. Oui, mon père me manque. Je veux ressentir sa peau caresser avec douceur mes joues quand plus rien ne va.

Mes yeux rencontrent des pupilles d'un bleu océan qui me font perdre pied. C'est mon blondinet préféré. J'aurais aimé le voir, lui, Victor... Bien qu'Eric se tienne près de moi, le manque de mon père ne disparaît pas, il ne disparaîtra jamais. Certes, je n'ai plus dix ans et je vais en avoir vingt et un, mais il reste toujours mon père. Si je ne pouvais le revoir, ne serait-ce qu'une fois, je le ferai. Et pour ma mère ? Je le referai aussi, du moins, je suppose. Même si son abandon, à moi et mon père, nous a affectés, elle reste quand même ma mère, non ?

Elle t'en a fait baver, elle t'en a voulu.

Comment tu vas toi, me demande doucement le blond présent à côté de moi, tout en me caressant ma joue.

Je lui souris faiblement, encore perdu dans ce rêve qui me semblait si réel. Je veux le revoir. Mais pour le moment, je suis coincée ici...

Ça va, merci, lui réponds-je simplement.

Tu n'en avais pas l'air ma belle, dit-il tout me replaçant une mèche derrière l'oreille.

Ça va mieux maintenant, merci blondinet.

Je lui adresse un sourire chaleureux et commence à essayer de m'asseoir dans le lit. Ce n'est pas sans compter sur Eric, aussi appelé le protecteur, qui m'intercepte brusquement dans ma course avec sa main qu'il pose sur mon épaule. Je ne comprends pas son geste et le questionne du regard. Pourquoi m'empêche-t-il de me mettre assise dans mon lit, alors que je me sens bien ?

Levy, je t'ai retrouvé au sol. Tu as fait un malaise, donc tu restes ici, allongée, et pas un mot de plus, m'informe-t-il avec un regard à la fois inquiet et protecteur.

Un malaise ? Pourquoi ? En même temps que mon esprit se pose ces questions, les images me reviennent. Ce frigo dans lequel il n'y a jamais eu de lait, mon cerveau qui comprend, cet évier qui a supporté que mes entrailles se vident dedans. Ma froideur avec cette femme, mes jambes flageolantes et puis le trou noir, je me rappelle. Je me rappelle tout. Mon regard se porte, de nouveau, sur Eric et cette fois-ci, il remplit d'un dégoût immense. Je suis certaine qu'il est au courant de ce qu'il y a dans ce frigo, de ce qui se passe ici. Mais ce n'est pas à lui qui doit me rendre des comptes, c'est l'autre, l'attardé mental, Grincheux, celui qui me presse le cou à chaque fois qu'il est énervé.

LEVYWhere stories live. Discover now