II- Rencontre inattendue (réécrit)

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(GIF : Danaël)

La matinée était passée et j'avais miraculeusement survécu. Sans comprendre vraiment pourquoi, la professeur, Madame Merceur, surnommée "la furie", était plus détendue quand j'étais revenue avec mon billet de retard et j'étais allé m'installer au fond de la classe, en faisant le plus possible profile bas, à côté de ma meilleure amie Amanda. On avait ensuite discuté de mon entrée calamiteuse et elle m'avait assuré que ce n'était pas si terrible que ça et qu'au moins les garçons de la classe m'avaient remarqué. J'avais roulé des yeux en entendant une chose aussi stupide. C'était du Amanda tout craché. Depuis l'entrée au lycée, c'était comme si son cerveau ne filtrait plus que les informations concernant les garçons. D'ailleurs, selon ses dires je risquais d'être la première fille à sortir avec un l'un d'entre eux puisqu'ils avaient tous l'air de m'avoir mis le grappin dessus. Mais pour moi elle avait dit ça uniquement dans le but de me remonter le moral, c'était son truc.

Alors je m'étais contenté de rire à sa remarque avant de me concentrer sur ce que racontait notre professeur de littérature. Cette année nous allions étudier deux œuvres : Les Faux-monnayeurs d'André Gide et La princesse de Montpensier de Madame de Lafayette. Apparemment nous avions tout intérêt à les lire plusieurs fois avant la fin de l'année ce qui arracha un soupir exaspéré à ma meilleure amie.

Lorsque enfin la sonnerie de midi avait retenti, nous ne nous étions pas faites prier pour sortir. Une fois la porte franchie j'avais respiré un grand bol d'air frais pour chasser l'air lourd qui stagnait dans mes poumons depuis 8h du matin. Puis Amanda m'avait demandé où on se retrouvait pour le déjeuner et on avait convenu de s'attendre à son casier qui était près de la machine à café du hall, juste à côté du mien. Si j'avais bien compris, elle devait aller donner des papiers à l'administration et elle m'avait assuré qu'elle n'avait pas besoin que je l'accompagne. En réalité, je soupçonnais une toute autre raison, mais je me retins de le lui dire, souhaitant la laisser croire qu'elle était aussi discrète qu'elle le pensait.

En attendant je me rendis dans la cour, m'assis sur un banc dont la peinture verte s'écaillait de plus en plus et ouvris Les Faux-monnayeurs de ce cher André Gide. Déjà, plusieurs citations éveillèrent mon intention et je les notai dans un cahier pour ne pas les oublier. « Ne pas savoir qui est son père, c'est ça qui guérit de la peur de lui ressembler. » ; « C'est dans l'extraordinaire que je me sens le plus naturel. » Ce Bernard n'était pas des plus modestes me semblait-il. « Dans un instant, se dit-il, j'irai vers mon destin. »

Je fus brusquement sortie de ma lecture concentrée en entendant des cris excités d'un groupe d'ami venant dans ma direction. Ils passèrent devant moi en riant à gorge déployée et je les suivis du regard en repensant aux paroles de Bernard : « Et si je n'avais pas lu ces lettres, j'aurais dû continuer à vivre dans l'ignorance, le mensonge et la soumission. » Est-ce que connaître la vérité était toujours bon, ou certains secrets valent mieux restés enfouis à jamais ? Tiens, tiens, ça pourrait être un sujet de philo sympa pour le baccalauréat...

Soudain, je repensai à Amanda et jetai un coup d'œil à ma montre. Mince, j'espérais qu'elle n'était pas en train de m'attendre. Je rangeai en vitesse mon livre et mon cahier de citations avant de me diriger d'un pas rapide aux casiers. Une fois arrivée devant les nôtres, je fus soulagée de ne pas voir Amanda et son air désapprobateur en train de m'attendre impatiemment. Elle devait sans doute être encore occupée, j'étais chanceuse.

Je remarquai qu'avec nos deux nouveau bouquins mon sac était plus lourd que d'habitude alors je les sortis et les rangeai dans mon casier pour l'alléger. Mais alors que je m'apprêtais à refermer celui-ci, je sentis une présence à coté de moi. Le temps comme en suspend, je n'entendis plus que les battements rapides de mon cœur et ma respiration se bloqua inconsciemment. Le reste n'était plus qu'un arrière fond, plus rien ne m'atteignait et ne semblait exister à part moi et cet individu dont je n'avais pas encore aperçu le visage. Mais déjà, j'avais l'impression de le connaître. Comme une vieille connaissance perdue de vue depuis longtemps et que je venais de retrouver.

La Marcheuse de rêves - TOME 1Donde viven las historias. Descúbrelo ahora