XIII- Apparition fatale (réécrit)

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Le week-end qui suivit fut le pire week-end de ma vie. Apprendre que j'avais été adopté n'était pas ce qu'on pouvait appeler une bonne nouvelle. Au lieu de passer mes deux journées de repos à me détendre et à passer du temps avec ma famille, je la passai en restant cloîtrée entre les quatre murs de ma chambre qui me semblait à présent étrangère. Comme si elle appartenait à une fille que je ne connaissais pas. Ma vie entière me paraissait dissociée de moi. J'avais l'impression de ne plus savoir qui j'étais, que la personne qui avait vécu tout ça n'était pas moi mais une inconnue, une usurpatrice.

À présent, lorsque je regardais mes parents à table, rire et parler entre eux, ma sœur manger aussi goulûment qu'Amanda dans ses meilleurs jours, je ne pouvais empêcher mon estomac de se nouer et les larmes de me monter aux yeux. Et la seule chose que je parvenais à penser était : pourquoi ? Pourquoi avoir gardé ça secret ? Pourquoi garder ça secret en réalité, car ils n'avaient aucune idée de ce que je savais. Ils continuaient de jouer la comédie comme si de rien était. Ils l'avaient fait pendant presque dix-huit ans et ce n'était que maintenant que je me rendais compte du plus énorme mensonge de ma vie. Je n'étais pas leur fille. En tout cas, pas de la même manière que l'était Lucie. Pour elle, pas de doute : j'avais vu ma mère enceinte et attendu la naissance avec plus d'impatience qu'elle. Mais maintenant tout ça était remis en question.

Je n'arrêtais pas de penser à tous ces moments passés avec eux, à la façon dont ils me regardaient avec amour et fierté lorsque je réussissais quelque chose et même si j'échouais. Ils repassaient en boucle dans ma tête, encore et encore. J'essayais de comprendre, de trouver un indice quelconque qui aurait pu me mettre la puce à l'oreille. Et puis j'avais fini par trouver.

Petite alors que je feuilletais les albums photos de la famille, j'avais demandé à mes parents pourquoi il n'y en avaient aucunes de moi à la maternité. C'était vrai au fond, pourquoi les plus anciennes photos de moi bébé étaient toutes prises à la maison ou dans les bras de ma grand-mère Agathe ? Ils m'avaient répondu qu'ils avaient simplement oublié l'appareil photo mais qu'ils s'étaient bien rattrapé après ça. Simplement oublié. J'avais été déçu en apprenant ça, mais j'avais vite retrouvé le sourire en voyant le nombre d'albums remplis avec ma frimousse. Aujourd'hui j'étais dévastée. Cela n'avait été que le premier mensonge d'une longue lignée.

J'aurais dû voir les indices, comprendre tout ça par moi-même. Mais qui aurait cru ? Tout avait été si bien pensé, si bien organisé pour que je ne découvre rien. Chaque fois que j'y pensais j'avais la nausée et devais me retenir pour ne pas courir jusqu'aux toilettes. Helder m'avait dit de prendre ça du bon côté, que la vérité finissait toujours par soulager. Comme si cette révélation était censée me rendre la vie plus belle et plus facile ! Comme si tout allait rentrer dans l'ordre à présent. Mais je comprenais bien que ce naïf espoir venait de prendre fin. La vérité pure venait de m'exploser à la figure et cette vérité était en train de me ronger de l'intérieur.

Emmitouflée dans ma couverture, je fixais un point dans le vide en laissant toutes ces pensées me submerger. Je savais que je devais réagir, faire n'importe quoi plutôt que de rester enfermée ici, à me morfondre. Mais je n'en avais pas envie. Je n'avais pas envie de voir leurs visages. Devoir faire semblant et prétendre que tout allait bien alors que c'était faux, rien n'allait. Tout partait en fumée.

Mon téléphone vibra sur ma table de nuit et je mis deux bonnes minutes avant de me décider à le saisir. J'avais plusieurs messages d'Amanda et je venais d'en recevoir un de Danaël.

« Salut, comment tu te sens ?»

Répondre à cette question avec honnêteté aurait demandé des heures à y consacrer alors j'optai pour la facilité.

La Marcheuse de rêves - TOME 1Where stories live. Discover now