La Marcheuse de rêves - TOME 1

XXII- Échappatoire (réécrit)

Helder n'aimait pas du tout ce plan. Faire confiance à une fille qu'ils venaient seulement de rencontrer, Lunae ou pas, était une mauvaise idée. Celles-ci ne se mêlaient jamais des affaires des Marcheurs de rêves, ou de toute autre espèce d'ailleurs, alors pourquoi cette Azilyn souhaitait-elle tout à coup leur venir en aide ? Il avait bien l'intention de le découvrir et de ne pas baisser sa garde en attendant. Cependant, il devait bien avouer qu'après avoir lu la prophétie qu'elle détenait sur Elena, il ne savait plus vraiment quoi penser. Une angoisse nouvelle s'était insinuée en lui lorsque Azilyn leur avait expliqué qu'au contact de Mendrac, les pouvoirs d'Elena pourraient être corrompus. Il ne comprenait pas bien comment cela pouvait être possible, jamais il n'avait eu vent d'une telle prophétie où elle serait capable de détruire Aragon. Elena était censée représenter un nouvel espoir pour le peuple et empêcher Mendrac de réduire le royaume en esclavage, pas être l'arme de guerre de leur ennemi juré. C'était tout bonnement hors de question ; ils feraient en sorte de la sortir de là avant que le pire de la prophétie n'ait une chance de s'accomplir.

Le groupe à présent composé de Danaël, Atlas, Helder et Azilyn marchait déjà depuis une partie de la nuit et de la journée dans un silence pesant. Chacun devait sûrement ressasser la même chose, se dit Helder en jetant un coup d'œil derrière lui et en s'attardant particulièrement sur le visage fermé de la Lunae. Le jeune Marcheur de rêves ressentait toujours un étrange mélange de malaise et de stupéfaction en l'observant. Il avait été bercé de légendes sur les Lunae, comme quoi elles avaient été les premières à peupler à Aragon et qu'elles seraient sûrement les dernières. Certains disaient même qu'elles pouvaient voir l'âme de quelqu'un rien qu'en le regardant dans les yeux. Cette pensée lui envoya des frissons dans tout le corps. D'ailleurs, il se demandait comment Azilyn faisait pour avancer normalement malgré sa cécité. Après réflexion, il lui semblait avoir entendu dire que les Lunae parvenaient à « voir» la magie qui les entourait et pouvaient ainsi se déplacer sans trop de mal.

Finalement, il reporta son regard sur l'étroit chemin qu'ils empruntaient depuis maintenant des heures puis leva la tête et aperçut enfin le château de Mendrac se profiler à l'horizon. C'était à peine si ses nombreuses tours étaient visibles dans le soudain brouillard environnant. Construit sur les hauteurs d'une montagne de la même couleur que celle-ci, la forteresse était à l'image de son propriétaire : lugubre, dangereuse et austère. Tout était calculé pour rendre son accès limité : une seule route menait à l'entrée principale, scrupuleusement gardée vingt-quatre heures sur vingt-quatre, et ses hauts remparts pouvaient résister aux plus grands assauts. Y pénétrer relevait de l'impossible, mais c'était sans compter le passage secret dont Helder avait connaissance, creusé à même la roche partant des cachots et aboutissant au pied de la falaise, directement à l'orée de la forêt noire. C'était par là qu'il s'était échappé la première fois et il espérait que l'entrée n'avait pas été condamné. Néanmoins il en doutait, il n'était pas censé connaître son existence et pouvait s'avérer utile pour Mendrac s'il devait fuir face à une attaque imprévue.

Les autres finirent par apercevoir à leur tour la forteresse et Helder sentit la tension monter d'un cran. Elena n'était plus qu'à plusieurs mètres d'altitude, songea-t-il avec ironie.

- Nous approchons, déclara Danaël et sa voix retentit bizarrement après avoir été si longtemps silencieux. Helder, combien de temps nous reste-t-il avant d'arriver au passage secret ?

Ce dernier ralentit sans pour autant s'arrêter et regarda Danaël marchant juste derrière lui, une épée déjà matérialisée à la main. Malgré la fatigue, ses traits étaient figés en une expression déterminée qu'il lui avait rarement vu.

- Pas longtemps, dit Helder en se positionnant à ses côtés. Mais le plus dur sera de passer inaperçu, la garde de Mendrac surveille tout mouvement depuis les remparts. Et comme il ne fait pas encore nuit, ça va s'avérer un peu plus compliqué que prévu.