mes sœurs.

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3. mes sœurs.

Le reste du trajet s'est fait dans le plus grand des silences, moi tourné le plus possible vers la vitre écoutant d'une oreille irritée le sifflement rythmé de mon père sur toutes les chansons qui sortaient de cet insupportable autoradio. Les secondes étaient passées avec une lenteur insoutenable mais alors que nous nous garons devant la maison de mon père, je me dis que j'aurais aimé que cet enfer dure un peu plus longtemps.

Je sors en même temps que mon père de la voiture et au lieu d'aller chercher ma valise, je détaille cette maison. Je ne suis plus cet enfant que j'étais la dernière fois que je suis venu. Je ne suis plus cet innocent gamin qui pensait qu'il y avait un fantôme caché dans le grenier qui sortait la nuit à cause des bruits que j'entendais dans les escaliers. Je ne suis plus ce stupide garçon qui aimait passer ses journées d'été à l'arrière de la maison à jouer avec les filles.

Je ne suis plus tout ça mais la maison, elle, n'a pas changé. Elle est toujours aussi belle et bien entretenue. Le bâtiment principal aux briques marron et gris est face à moi. La glycine qui encadrait la porte d'entrée blanche a bien poussé et forme une belle alcôve à présent. Sur la droite de cette dernière, la fenêtre de la cuisine et à gauche celle du salon qui faisait toute la profondeur de la maison.

Au premier étage, les combles avaient été réaménagés à l'arrivée de mon père et George ici. Ils y avaient installé leur suite parentale avec une salle de bain, un dressing pour George et un bureau pour que mon père puisse faire ses corrections de copies. Ce n'était pas un endroit interdit mais je n'avais jamais aimé entrer dans leur univers. J'avais à l'époque toujours l'impression d'entrer dans un univers qui ne me concernait pas et aujourd'hui, alors que je suis dehors, dans l'allée, à observer les deux fenêtres qui ont été installées au niveau du toit, j'ai toujours cette même sensation.

Sur ma gauche, le second bâtiment se dresse fièrement alors qu'il n'est constitué que du rez-de-chaussée et qu'il n'est qu'une pièce rapportée dans cette maison. Ajouté dans les années soixante-dix ou quatre-vingt. Maintenant que j'y pense, c'est peut-être pour ça que les chambres des enfants se trouvent ici... La mienne était tout au bout et une fenêtre donnait sur la maison des voisins. J'adorais ouvrir la fenêtre et pouvoir discuter avec Elliott, chacun installé sur notre fenêtre.

Je tends un peu le cou pour essayer d'apercevoir cette maison mais un grand arbre me gêne à présent. Je suis un peu déçu de cette découverte, sans réellement savoir pourquoi. Je sursaute légèrement quand je sens la pression très légère de la main de mon père sur mon épaule. Je me tourne vers lui, il a ma valise à la main et me fait signe d'entrer de l'autre. Je secoue la tête et m'exécute aussitôt. Stupidement, je me penche un peu en passant l'alcôve naturelle alors qu'avec un ridicule mètre soixante-dix, je suis plus que large !

Dès que je mets un pied dans la maison, mon regard fait un tour circulaire de l'endroit et je suis comme rassuré de voir que rien n'a réellement changé. A droite, la cuisine dans les tons beiges est vide. Seule une cocotte-minute fait un léger bruit sur les plaques. En prolongement, de l'autre côté du comptoir, la salle à manger est impeccable ou presque... Quelques miettes en bout de table avec un verre à moitié vide de jus trônent.

Sur la gauche, les deux salons se tournent le dos. Le premier, le plus proche de moi, sert à la lecture et à la musique, puisque c'est ici que le piano de George a été mis. Le second sert plus de salle de cinéma avec ses deux canapés et son fauteuil assorti en face d'une immense télévision. Cette dernière est coincée entre l'arche qui mène à nos chambres et notre salle de bain et l'escalier qui va jusqu'à l'univers de mon père et son mari.

J'entre dans la partie salon et laisse ma main redécouvrir la pièce, glissant sur le piano, sur le cuir des fauteuils, sur des livres en tout genre. Je pose mon sac à dos à côté d'une petite table, seule nouveauté de la maison à première vue et attrape un livre en braille. Je l'ouvre et pose mes doigts sur la première page que je trouve. Je souris malgré moi, j'ai toujours aimé faire ça quand j'aidais Ali.

problem child. - idy 2Where stories live. Discover now