ma mélodie.

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62. ma mélodie.

Je tire sur le bras d'Elliott, l'obligeant à me suivre dans le bâtiment. La dernière fois que nous y avons mis les pieds ensemble remonte à de nombreuses années. Cela date de ces vacances durant lesquelles George nous avait donné notre premier petit job. Peindre quelques murs de sa nouvelle école de musique avant son ouverture.

En m'arrêtant au milieu du hall, je me mets à sourire à tous les souvenirs qui d'un coup me reviennent à l'esprit. Nous étions tellement contents de faire ça alors que nous aurions pu passer nos journées dans le jardin de mes pères, à se baigner dans la piscine. J'ignore pourquoi. Peut-être juste le plaisir d'être que tous les deux. Finir nos journées tâchés de la tête aux pieds. Discuter de tout. De rien. Rire. Se regarder.

— Qu'est-ce qu'on vient faire là ? me demande Elliott au creux de mon oreille.

Il passe son bras que je tiens toujours, sur mes épaules et me rapproche légèrement de lui.

— J'ai... Une surprise pour toi, murmuré-je.

Je fais finalement un signe de la main à Jean, la secrétaire de l'école, pour lui indiquer que je suis bien arrivé. Comme chaque lundi. À l'heure de l'entraînement d'Elliott. Le weekend dernier, la saison de rugby s'est terminée pour laisser place aux révisions du Bac. Alors mon petit-ami est libre aujourd'hui et c'est pour ça que je l'ai embarqué avec moi.

Mais maintenant que nous nous dirigeons vers la salle que George a réussi à me libérer à ce nouvel horaire, j'ai la trouille. De ma main libre, je sors le trousseau de clés que mon papé m'a donné et ouvre la dernière porte du couloir du premier étage. En m'effaçant sur le côté, le bras d'Elliott retombe le long de son corps avant que je lui fasse signe d'entrer.

Pendant une seconde ou deux, il hésite puis se souvenant sûrement qu'il peut avoir confiance en moi, il fait un pas dans la pièce plongée dans le noir. Je le suis, appuie sur l'interrupteur et referme derrière moi. Pour ne perdre les clés, je coince la bonne dans la serrure et fais même un tour instinctivement, nous enfermant au passage.

Quand je refais face à Elliott, je le trouve en train d'examiner les objets présents dans la pièce. Un piano noir. Un banc assorti. Trois pupitres. Un tapis. Deux guitares acoustiques. Un triangle. Des livres répertoriant des dizaines de partitions. Et une basse. Il passe doucement ses doigts sur les cordes comme lorsqu'il caresse mon corps et j'ai un sourire à cette vue. Il n'est pas musicien mais il respecte les instruments.

— Tu as repris la musique cette fois ?

Sa question sonne plus comme une affirmation. Il se doute bien que si je l'ai emmené ici, ce n'est pas pour faire une partie de fléchettes. Je me contente d'un hochement de tête puis le rejoins. Mes lèvres trouvent immédiatement les siennes. Ma main glisse le long de son bras laissé nu par son tee-shirt et va se caler naturellement dans sa nuque. Depuis quelques temps, je ne peux m'en empêcher quand nous sommes seuls comme à cet instant mais avant que notre baiser n'aille plus loin, il y met fin. Penché encore vers moi, il me murmure :

— Joue pour moi...

Je fais un pas en arrière et m'empare de la basse. Tout en m'installant sur le banc du piano, je remarque qu'Elliott s'assoit à même le sol, le dos contre le mur et les bras croisés sur ses genoux. Quand il ne bouge plus, semblant prêt à m'écouter, je frôle les cordes, hésitant puis me lance finalement. Ce n'est pas une chanson connue. J'ai été incapable de suivre les notes des partitions. J'ai juste créé ma mélodie.

J'aimerais dire que c'est Elliott qui me l'a inspirée. Que je n'ai fait que penser à lui en alignant les blanches, les rondes, les croches, les doubles croches... Ça aurait été romantique mais ça serait mentir. Je crois que c'est mon père et surtout les sentiments que je lui porte qui m'ont fait composer cette courte musique.

problem child. - idy 2Место, где живут истории. Откройте их для себя