mon silence.

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8. mon silence.

Allongé à même le sol de ma chambre, j'essaie de me vider la tête. Je suis très fort pour ça en temps normal, j'ai passé tellement d'heures à m'entraîner, il faut dire, mais pas aujourd'hui. Aujourd'hui, je suis incapable de me retirer les dizaines de souvenirs, les centaines de gestes intimes que je n'avais pas faits depuis une éternité et tout ça, en moins de vingt-quatre heures.

Ces câlins avec les filles ou ma grand-mère. Cette main tenue d'Elliott. Ces sourires. Rien que les mots qui sont sortis de ma bouche sont en fait une exception dans ma vie de tous les jours. Je ne parlais plus ou si peu. Je n'avais plus rien à dire, à échanger avec les gens qui m'entouraient. Aucun n'aurait pu me comprendre. Aucun n'aurait pu m'aider à faire évanouir cette haine que j'ai pour mon père, ma mère mais surtout pour moi-même.

Alors qu'à Londres, j'étais anesthésié de tout. Ici, à Barnard Castle, je revis et je déteste ça parce que vivre est synonyme de sentiments, de ressentis, de pertes, d'abandons, de déceptions, de mensonges. Je suis trop faible pour faire face à tout ça. Beaucoup trop faible.

Je veux partir d'ici. Je ne veux pas rester. Je ne peux pas.

Je ferme avec force mes paupières et soupire, aux bords des larmes. Depuis trois jours, je ne fais que ça. Pleurer. Encore et encore. A mesure que les images du petit-déjeuner me reviennent. Je repense à tout. A Elliott et mon père faisant des footings ensemble. A Elliott tenant Ali dans ses bras pour la danse du dimanche. A Elliott qui a discuté de longues minutes avec Noah. A Elliott mangeant un cupcake avec cette famille qui n'est pas la sienne.

A cet instant, je me sens comme coupé en deux. Avec d'un côté, mon puissant moi distant qui ne rêve que d'une chose : partir d'ici le jour de mes dix-huit ans. Et d'un autre, il y a cette jalousie qui s'empare lentement de moi, même si elle ne devrait pas être là. J'ai l'impression qu'Elliott m'a volé ma place auprès de mon père et des filles même si je sais au fond de moi qu'il ne m'a rien volé du tout. Il a juste pris la place que j'avais laissé vacante après tout.

J'entends au loin la sonnerie du téléphone s'élever mais elle s'arrête bien vite. Je ne sais pas depuis combien de temps j'ai quitté les bras de ma grand-mère et que je me suis réfugié dans ma chambre sans un mot pour le reste de la famille ou Elliott. Je ne pouvais rien leur dire. J'aurais été beaucoup trop exposé devant eux. Mais je suppose que cela doit faire une éternité.

En tout cas, quand des coups sont portés contre ma porte et que je me redresse, je remarque aussitôt que j'ai mal au dos d'être resté trop longtemps sur le sol. Je grimace en me passant une main au niveau du creux de mes reins. Je fronce les sourcils quand je vois mon père entrer dans ma chambre sans avoir attendu que je lui réponde mais il ne me laisse pas non plus le temps de me plaindre :

— Tu as un appel...

Je ricane parce que c'est impossible que quelqu'un m'appelle. Je n'ai personne en dehors des personnes qui se trouvent dans cette maison.

— C'est ta mère.

Je bascule la tête en arrière, abasourdi que ça puisse être ma mère. Du coin de l'œil, je vois mon père me tendre le combiné tout en restant à moitié hors de ma chambre. Il pense sûrement que s'il a encore un pied à l'extérieur, je penserai qu'il n'envahit pas mon environnement et le plus étonnant... C'est que ça marche un peu.

Je grogne, hésitant. Je ne veux pas lui parler mais je sens bien que mon père ne me laisse pas réellement le choix vu qu'il reste là, immobile, attendant. Je râle et attrape le téléphone et dans la seconde, il disparaît derrière la porte qu'il referme doucement.

problem child. - idy 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant