Livre n°1

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- À poil, m'ordonne-t-il

Ce n'est pas vraiment la première chose que vous espérez entendre lors d'une première rencontre.

Les gens échangent d'habitude une poignée de main assez ferme, se présentent, disent ce qu'ils font dans la vie et autre commodité. Mais apparemment, ce n'est pas le cas de tout le monde ou alors c'est moi qui ai un sérieux problème d'audition.

- Je vous demande pardon?

Parce que vous voyez, j'ai peur d'avoir mal compris et peut-être que mon cerveau me joue des tours. Avec les cours à la fac et les examens, il est sous pression donc qu'il comprenne un mot de travers ne me choquerait même pas.

- J'ai dit : À poil.

Ah bah non. J'ai parfaitement entendu du premier coup.

Pour le coup, je reste sous le coup de l'ordre direct que je viens de me prendre en pleine poire, attendant un éclat de rire ou ne serait-ce qu'un petit rictus. Ouais, je m'attends même à ce qu'il me dise que c'est un bizutage juste pour se payer ma tronche ou je ne sais quoi, mais il a l'air totalement sérieux et ça, ça me fait peur.

- C'est que...je...

- Je ne demande quand même pas la lune! J'ai besoin d'un modèle masculin et on m'envoie un éphèbe...Je vous jure...T'es pas là pour ça ?

Bah, indirectement, si quand même. Non pas que je veuille jouer sur les mots, mais...vous voulez voir mes fesses donc théoriquement, ça revient à dire que vous voulez voir la lune.

Terriblement gêné et embarrassé, je ne peux m'empêcher de couvrir mon torse de mes deux bras en continuant d'affronter son regard autoritaire.

- Lucas !

Un cri s'échappe du salon tandis qu'une silhouette réplique en quatrième vitesse dans la pièce. On se dévisage un long moment avant qu'il ne se prenne une gomme en pleine figure.

- Qu'est-ce que c'est que ça? S'écrie-t-il en me pointant du doigt.

Et si par "ça", il entend moi, j'estime qu'il y a d'autres façons de s'adresser aux gens.

- Ton stagiaire. Rappelle-toi, je t'en ai parlé la semaine dernière.

- Quand la semaine dernière ?

- Vendredi, au bar. Tu m'as même dit que ça serait une bonne idée.

- Mais j'étais bourré ! Putain, je pensais que tu disais ça pour me charrier, pourquoi je prendrais un stagiaire ? Regarde-moi ce jeunot ! On lui presse le nez que le lait maternel en sort. Renvoie-le.

- Hors de question.

- Pourquoi pas ?

- Tu as signé le contrat acceptant ainsi d'être son tuteur de stage.

- Tu as profité de mon état d'ébriété !

C'est comme assister à une scène de ménage d'un vieux couple, sauf que le sujet de la discorde, c'est moi et je suis en plein milieu des deux.

Je serais bien intervenu pour défendre ma croûte, mais j'ai l'impression que ça ne va faire qu'empirer la situation et qu'au final, tout me tombera dessus. Forcément, ce bon vieux Léon est toujours le fautif. Dans absolument tout.

Son ex petit copain le largue ? C'est de sa faute.

Son loyer pour son logement étudiant est en retard ? C'est de sa faute.

- Bon, du coup, on en fait quoi de...de ce truc-là?

En plus, il se permet de me pointer du doigt comme s'il parlait d'une vieille chaussette sale qu'on laisserait traîner dans un coin de la chambre.

- Tu t'es engagé, tu te démerdes.

- Lucas !

- Pas mon problème ! Soit un adulte responsable pour une fois Hugo ! Ça t'apprendra.

Parce que ce n'est que mon premier jour et je viens de comprendre le H de "H-Ley".

Hugo, donc ?

C'est joli. J'aime bien ce prénom.

- Monsieur Hugo...

- T'es encore là toi?

Je ne me voyais pas quitter la pièce en ratant tout ça, surtout en sachant que ça parlait de moi et qu'ils m'ont tous les deux ignorer royalement. Même la commode dans le coin de la pièce à certainement plus d'importance et de valeur à ses yeux que moi. C'est triste.

Il se passe une longue main sur le visage, se tirant tout les traits du visage par la même occasion, lâchant un soupir qui en disait long. Visiblement, ma présence le faisait chier et il ne s'en cachait même pas. Franchement, si ce type était pas mon seul espoir d'avoir un pied dans le milieu, j'aurai pris mes clics et mes clacs et je me serais tiré d'ici en criant sur tous les toits qu'H-Ley est un homme.

Un homme d'une trentaine d'année, aigri au possible et pas un brin romantique, ni passionné...Et encore moins soigné. Mattez-moi cette barbe ! Depuis quand ne s'est-il pas rasé ? Est-ce qu'il sait au moins que le rasoir existe ou pas ? Et puis ce vieux peignoir de chambre il a été lavé quand pour la dernière fois ?

Doux jésus...Cet homme est un tue l'amour à lui seul alors comment peut-il en écrire ?

- C'est Monsieur Leyton.

- Pardon ?

- Tu m'appelleras Monsieur Leyton.

- Leyton...Genre comme le professeur ?

Voyant qu'il ne comprends pas la référence, je continue de creuser un peu plus ma tombe.

- Mais oui le fameux jeu vidéo ! Non ? Ça ne vous dit rien ? Vous sortez de temps en temps ou...?

- Dis-moi petit con, tu veux ce stage ou pas ?

- C'est Monsieur de Petit Con, Duc de l'emmerdement.

- T'aimes avoir le dernier mot toi.

- Pas spécialement, c'est juste qu'une fois lancé, j'ai du mal à m'arrêter de parler.

- Ouais bah ici t'apprendras à te taire. Crois-moi. Lucas n'est pas mon premier agent et tu peux lui demander, il faut des nerfs d'acier pour travailler avec quelqu'un comme moi.

Ah bon ? On se demande bien pourquoi.

- Pourquoi ? Parce que vous êtes chiant?

Sinon Léon, ça ne t'arrives jamais de la fermer de temps à autre avant de perdre toute chance et tout espoir de réaliser un jour ton rêve de gosse ? Dis-moi.

Sous ta plume (BxB)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant