Livre n°41

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Certaines personnes ont un talent bien particulier : le chant, la danse, le dessin, la gymnastique et j'en passe tant la liste est longue. Moi, mon talent est visiblement de foirer toutes mes premières rencontres.

- Donc cette fois c'est ce garçon ? Ma foi, tous les goûts sont dans la nature et de toute façon, ce n'est pas comme si mon avis comptait pour toi.

Je sens le regard d'Eleonore se promener sur moi, allant jusqu'à me scanner de la tête aux pieds. Je déteste quand on vous dévisage d'une telle façon, comme si vous étiez la dernière curiosité du coin et visiblement, à l'intonation qu'elle a employée, elle ne semble pas se réjouir du bonheur de son fils.

- Maman...Ne commence pas s'il te plaît. On pourra en discuter à la maison si tu veux.

- Encore faudrait-il que tu t'y présentes. Tu n'es pas venu depuis un petit moment Hugo. Est-il la cause de ton absence ? Est-il responsable du fait que tu délaisses Daniel ? Tu avais pourtant promis, dois-je te le rappeler ?

- Et je n'ai pas oublié les mots que j'ai, mais je suis également un adulte responsable et il faut que tu comprennes que je ne peux malheureusement pas être disponible tous les jours. J'ai un travail et des obligations.

- Et de quel travail parlons-nous au juste ? De ce petit passe-temps que tu as décrire de telles choses ? Si je t'ai autorisé à arrêter tes études pour t'adonner à l'écriture, c'est parce que tu as promis que cela n'impacterait en rien ta vie privée. Mais voilà que tout le contraire se produit. As-tu pensé à Daniel ?

- Je ne cesse de penser à lui, crois-moi et cela ne m'enchante pas non plus de savoir que dorénavant mon visage est affiché partout, j'essaye néanmoins de contenir la crise.

- Tu as l'air de te donner tellement de mal pour ça...Mais bon...Ce n'est pas comme si je m'attendais à un miracle de ta part Hugo.

Les reproches semblent s'éterniser et personne n'ose interrompre l'échange virulent entre la mère et le fils. Ne devrait-on pas ? Soutenir Hugo, faire remarquer à sa mère que c'est un homme remarquable et que ce qu'il fait à longueur de journée est loin d'être facile. Écrire prend plus de temps, d'énergie et de courage qu'il n'y paraîtrait au premier regard, mais ça...c'est comme tout, n'est-ce pas ? Les gens extérieurs à une telle activité sont plus prompts à juger qu'à reconnaître ce que ça demande.

- Je venais seulement te rappeler tes obligations Hugo, rien de plus. A ton âge, tu devrais pourtant être capable de te gérer tout seul. Contrairement à ton frère, tu cesses d'être une déception. Sur ce...Bonne journée.

Le petit dans les bras Eleonore l'ouragan s'en va, nous laissant tous les quatre dans un silence aussi bien gênant qu'incompréhensible. A-t-il grandi avec une mère pareille ? Comment peut-on être aussi vindicative et froide avec son propre fils ?

- Bon, ce fut presque chaleureux ! Honnêtement, ça aurait pu être pire, intervient Justine

Lucas et moi nous nous retournons vivement vers elle tandis qu'Hugo s'en retourne à son bureau, allume son ordinateur et sort son casque audio de sa housse de protection. On le regarde ainsi s'isoler, la mine grave, mais sans une lueur de chagrin. Honnêtement, si ma mère m'avait parlé comme ça, je crois que je me serais mis à pleurer au bout d'un moment. Mais pas Hugo. Je suppose donc que ce n'est pas la première fois.

- Qu'est-ce que vous venez faire ici tous les deux ? nous demande alors Lucas

- Je passais dans le coin et je voulais m'arrêter faire coucou, puis j'ai aperçu Léon près de la porte.

- Tu es quand même la principale responsable de ce foutoir Justine alors arrête un peu de te foutre de notre gueule. Ça te fait plaisir de voir Hugo s'en prendre plein la gueule ? Ça t'amuse cette histoire ?

- Honnêtement Lucas, tu es mal placé pour me faire la moindre réflexion. Tu veux peut-être une petite piqûre de rappel ?

Et encore une fois, me voilà en position de témoin. J'ai vraiment parfois l'impression d'être de trop, d'être celui qui dérange ou ou alors celui qui assiste sans pour autant que l'on fasse attention à sa présence. Je pensais m'être fait à l'idée, non, d'avoir accepté le fait que tous ont un passif commun, mais néanmoins, ça ne me plait pas spécialement d'être la cinquième roue du carrosse. Personne n'aime être à l'écart dans une conversation.

- Si c'est pour vous battre, vous pouvez allez le faire dehors, lance Hugo en nous regardant tous les trois. Surtout vous, Justine et Lucas. Sortez.

- Attends, mais...

- Dehors, j'ai dit. J'ai besoin de calme et rien que le fait de vous entendre m'épuise.

Sans bouger de mon petit coin, sans moufeter, je les regarde attraper leurs affaires et quitter le bureau. Au moment même où je m'apprête également à en faire de même, j'entends alors Hugo dire

- Pas toi, Léon. Toi tu restes.

Je m'arrête dans mon mouvement et me retourne vers lui qui pose son casque sur le bureau et plonge ses yeux dans les miens. Honnêtement, j'aimerais trouver quelque chose à lui dire, mais j'ai toujours été nul pour réconforter les gens. Je ne sais jamais quoi dire pour faire sourire, pour détendre, pour remonter le moral.

- Je vois que ça te chagrine, tu veux en parler ? me demande-t-il alors en se levant de son bureau pour en faire le tour et s'appuyer sur ce dernier

- N'est-ce pas plutôt à moi de dire ça normalement ? Je veux dire...Ta mère, elle...

- Ma mère est ce qu'elle est. Elle a toujours été un peu froide. Cela ne s'est pas amélioré depuis le décès d'Éric.

- Ton frère est...décédé ?

- L'an dernier dans un accident de voiture avec Mélanie sa femme. Ils ont alors laissé Daniel. Étant les plus proches parents, la garde nous revenait et j'avais promis à mon frère que je veillerais toujours sur ce petit bout, mais hé...Regarde-moi, incapable de tenir une promesse.

- Arrête, ne dis pas ça.

- On sait très bien tous les deux que c'est vrai. Je ne sais pas m'occuper de Daniel, je ne sais pas comment te rendre heureux. Je te l'ai dit, je ne suis pas un mec bien.

Je m'approche de lui, lui prends les mains et soutiens son regard d'enfant perdu.

- C'est vrai. Tu n'es pas un mec bien, mais qui peut prétendre à l'être réellement ? Qui peut se regarder tous les matins dans un miroir en n'ayant rien à se reprocher ? Je ne connais personne dans ce cas de figure là. Nous ne sommes pas nés pour être des saints et nous sommes encore moins faits pour ne pas apprendre de nos erreurs. De plus, qui t'a dit que je n'étais pas heureux ? Qui te dit que ce petit gars n'a pas conscience de la chance qu'il a de t'avoir pour tonton ? Ce n'est pas vraiment "toi" Hugo, de penser comme ça.

- Tu serais étonné de savoir ce que je pense de moi-même Léon.

- Pense ce que tu veux, mais voilà ma vérité : tu es politiquement imparfait et c'est ce qui me plait. Ce côté à la fois sauvage, brut, profond. Tu es entier et je sais que si tu aimes, tu n'aimes pas à moitié.

- Qu'est-ce qui te fait dire ça ?

D'un léger sourire en coin pleinement satisfait, je lui sors alors

- Parce que je te connais.

Parce que j'ai appris. J'ai pris le temps d'apprendre. De t'apprendre toi.

- Des fois Léon, tu me surprends. Tu fais preuve d'une certaine...sagesse qui m'impressionne. J'ai toujours vu le petit gars effrayé, intimidé, mais là c'est différent.

- Je grandis, tout simplement.

Sous ta plume (BxB)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant