Livre n°47

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Flashback Léon : Partie 4

Je me suis toujours posé une multitude de questions sur l'amour. Genre avec un grand A. Celui que l'on est censé éprouvé, traversé, affronté le temps de notre adolescence. Tout le monde en parle comme s'il s'agissait d'un cap à franchir et que ça fait partie de la vie, mais je ne l'ai pas encore connu. Du moins, j'ai beau vérifier, je n'en ai jamais eu les symptômes. Oui, pour moi l'amour c'est une sorte de maladie, un truc qui s'attrape, contagieux à mort. Pas de papillons dans le ventre,même si je n'y tiens pas plus que ça, pas de bégaiement, pas de joues en feu, rien de tout ça. J'ai toujours été plus ou moins neutre sur mes émotions et je crois que c'est ce qui fait que je ne comprends pas Audrey. Parce qu'Audrey, elle a l'air de m'aimer, mais pas moi. Je ne l'aime pas. Du moins pas comme ça, comme tout le monde le sous-entends et apparemment, dans notre monde ça se dit pas de dire en face de la personne "Désolé, mais je ne t'aime pas". Pourtant, ce n'est pas comme si je n'éprouvais rien pour elle. Je suis satisfait si elle est heureuse, j'aime la voir sourire, mais...c'est tout.

Mon coeur ne s'est pas mis à battre soudainement pour elle.

Mais pour Chris c'était différent.

Je n'ai pas pu oublier ce baiser dans la ruelle malgré tous les efforts que j'employais pour et j'allais très loin dans le délire : Méditations, techniques de concentration, des heures d'internet pour essayer de penser à autre chose, mais rien n'y fait. J'y repense encore et encore et encore. Incapable d'oublier. Et honnêtement ça me fait chier, car Chris fait partie de ces mecs qui sont déjà pleinement conscients d'avoir le monde à leur pied à seulement 17 ans.

- Donc je disais que...Léon ? Tu m'écoutes ?

- Pardon ?

Je vois le regard d'Audrey et de ses deux copines sur moi et c'est le genre de moment où je ressens toute la pression du monde comme si j'avais raté LA chose la plus importante. J'avoue me perdre dans mes pensées régulièrement quand je suis avec les filles, mais à ce point-là...

- Je te trouve distrait depuis quelque temps. Distant même. Il y a quelque chose que tu ne me dis pas ?

J'ai embrassé un mec. Ou un mec m'a embrassé. Je ne sais pas comment je pourrais lui jeter ça à la figure.

- Non, t'inquiète. C'est juste que...J'ai beaucoup de trucs en tête c'est tout. Les matchs à gagner, les cours à gérer...La vie quoi.

- En plus, j'ai entendu que tu étais en charge du nouvel élève, c'est ça ? Une demande de votre entraîneur ?

- Plus ou moins.

- Il est comment ? Tu devrais me le présenter !

Je ne sais pas si je devrais m'inquiéter de son intérêt soudain pour celui qui monopolise mes pensées.

- Non.

Ça m'a échappé.

- Non, mais tu sais...Il doit être occupé lui aussi. Je veux dire, il vient d'arriver, il doit encore essayer de prendre ses marques et tout.

- Justement ! On pourrait l'aider. On devrait même lui organiser une genre de fête de bienvenue.

Ah oui, mais sans moi. Je me porterais pâle ce jour-là. Je ne tiens pas à croiser Chris plus que nécessaire entre le lycée et le terrain de foot.

- Vous avez un match ce week-end, non ? Ça serait l'occasion parfaite ! Je crois savoir dans quelle classe il est, je vais lui demander s'il est d'accord.

Seigneur.

- Je ne suis pas certain que...

- Roh ! Laisse-moi m'en occuper veux-tu ? Toi concentre-toi sur ton rôle de capitaine.

Si seulement j'y arrivais. Il faut croire que j'ai un cerveau plus indiscipliné que ce que je ne pensais. C'est tellement le bordel dans ma tête que je fuis Chris dans les couloirs, dans la cour du lycée...Mais dans le vestiaire ça m'est impossible et ça, il l'a très bien compris. Il en profite. Ce petit moment quand nous sommes tous réunis, il en profite pour se changer devant moi, pour relever son tee-shirt avec une lenteur pas croyable et...

- Aaaah ! Je veux mourir. Qu'on m'enterre.

- Quoi ?

- Non, rien.

C'est évident que je ne pourrais jamais parler de ça avec Audrey, ni avec personne d'autre d'ailleurs. Comment expliquer ce qui se passe dans ma tête et dans mon corps quand moi-même je ne le comprends pas ? C'est horrible que de se sentir aussi largué sur quelque chose que tout le monde décrit comme super simple.

Au fond, c'est quoi l'amour ?

- Papa, je peux te poser une question ?

Il me regarde avec surprise tandis qu'il abaisse le livre qu'il était en train de lire, tranquillement installé dans son fauteuil en cuir dans un coin du salon.

- Je t'écoute, qu'est-ce qu'il y a ?

- Comment tu as su que tu aimais maman ? Je veux dire...Que c'était la bonne ?

Quelque part, la relation qu'entretiennent mes parents m'a toujours fasciné. Les petits jeux de regards, les petits sourires en coin, les petites attentions. Ma mère m'a souvent répété que l'amour est un jeu perpétuel et éternel, que, quand on aime, on drague sans cesse la même personne pour lui plaire continuellement. Moi je dis que c'est épuisant et c'est pour ça que je ne peux pas lui poser la question à elle. Elle me donnerait une réponse bien trop fleur bleue. Une réponse de fille quoi. J'ai besoin d'un point de vue masculin sur la question et j'avoue avoir terriblement honte de demander ça à mon père, car lui et moi n'avons encore pas eu ce genre de conversation jusqu'à présent. J'ai tout fait depuis que j'ai l'âge de comprendre, pour fuir les sujets gênants avec mes parents et jusqu'à présent, c'est un franc succès.

- Comment j'ai su ? C'est difficile à t'expliquer.

- Essaye pour voir. Avec des mots simples.

Parce que sinon, je vais me perdre et crois-moi, je le suis déjà assez comme ça.

- Mais l'amour ne s'explique pas Léon. J'ai connu ta mère, nous étions tous les deux étudiants à la fac et c'était pour moi, la fille assise en face de moi à la bibliothèque. Rien de plus. Sauf qu'à chaque fois que j'y allais, elle y était aussi et très vite, je me suis surpris à relever le nez de mes bouquins, à la regarder travailler. Je me suis surpris à détailler les traits de son visage. C'était une jolie fille.

- C'était ?

Il me regarde en riant et continue alors son explication.

- C'est toujours le cas. Mais le temps la rend tout simplement splendide. Au bout d'un moment je présume que j'ai juste pris mon courage à deux mains et...je suis allé la voir. On a discuté. On a ri. J'étais bien avec elle. Je passais que de bons moments. Je suis tombé amoureux d'elle.

- Mais pourquoi elle plus qu'une autre fille ?

- Je n'en sais rien. J'ai écouté mon cœur. Il battait si vite et si fort à chaque fois qu'il était proche du sien. J'avais souvent peur qu'elle n'entende sur ça parfois d'ailleurs.

Écouter son cœur, hein ? En gros cela se résume à du culot, du courage et une once d'espoir en soi. J'ai beau fermer les yeux et essayer de distinguer les battements de mon cœur, je ne suis pas certain d'y arriver.

- Je présume que je devrais écouter le mien aussi.

Me rendant compte d'avoir dit ma phrase à ma voix haute, je vois le regard interloqué de mon père et son grand sourire me dévisager.

- Merci du conseil !

Je peux essayer, mais je ne suis pas certain d'être plus avancé que ça. Néanmoins, ne dit-on pas qui ne tente rien n'a rien ? J'ai envie de tenter...Pour voir. Oui, juste pour voir où est-ce que tout ça va me mener.

Sous ta plume (BxB)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant