Livre n°48

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À l'époque, je n'avais aucun recul quand à ce que je ressentais ou ce que je devais faire. J'en avais pas la moindre idée. Et tu vois, c'est ce qui m'a un peu perdu, je crois. De ne rien savoir. Un jour on se sent comme le roi du monde pouvant conquérir monts et merveilles et le lendemain, on s'aperçoit qu'on est une sombre merde. Un pauvre type. Toute notre vie, tous nos projets, tous nos rêves, nos espoirs volent en éclats à cause d'une connerie. À cause d'un putain de mauvais choix.

"Si j'avais su..." c'est sans doute la phrase que je me suis répété le plus souvent. Si j'avais su...Oui, si j'avais su je ne me serais jamais approché de ce type. Si j'avais su, je ne me serais jamais accroché à lui et j'aurai essayé de résister à ce que je ressentais. Pourtant, c'était une première. La première fois que je ressentais ça. La première fois que je n'avais aucun contrôle sur mon corps, mes sentiments, mes humeurs. Mais si j'avais su, j'aurais fermé les yeux, j'aurai dû d'ailleurs ! Avant même que je ne m'en rende compte, j'étais déjà aveuglé par sa personne. Je buvais ses paroles, je croyais en ces mots qu'il me disait.

Je le pensais vrai. Sincère. Honnête.

Mais au final, tout ceci faisait partie d'un jeu beaucoup plus tordu. Un jeu dans lequel je n'ai été qu'un pion. Un jeu qui a abouti sur ma perte. Ma redécouverte. J'ai été en colère. J'en ai voulu au monde de ne pas m'avoir dit que c'était possible d'aimer un garçon. Que c'était normal. J'en ai voulu à ceux me regardant bizarrement. J'en ai voulu à ses bruits de couloirs qui me hantait. J'en ai voulu à ces mots que l'on me jetait à la figure et j'ai haï, ô oui j'ai haï la bêtise humaine. La connerie qu'est l'homme en règle général.

Les hommes sont des chiens. Ils aboient, mordent, remuent de la queue et marquent leurs territoires. Cela se résume à ça.

Je le résume à ça.

Aujourd'hui, c'est différent, parce qu'aujourd'hui, j'ai le recul nécessaire pour juger la situation. Aujourd'hui j'ai tiré un trait sur tout ça ou pour faire simple, j'ai fait la paix avec ce moi de 17 ans en colère. Je lui ai ouvert les yeux à nouveau, lui enlevant ces tristes œillères qu'on lui avait mises. Je lui ai fait comprendre que rien de tout ce qui s'est passé n'aurait pu être différent et que tout ce qu'il a vécu, il l'a vécu intensément. Je lui ai dit que l'amour était une belle et une bonne chose. Qu'au final, il a vécu, à sa façon, une aventure et que toutes les aventures n'avaient pas forcément une fin heureuse. C'était comme ça. C'était ce que l'on appelait "la vie". Sans tout ça, je ne serais pas celui que je suis aujourd'hui. Je n'aurai pas l'intelligence de regarder les situations avec suffisamment de maturité et je m'emballerais pour un rien. Sans cette expérience-là, je ne serais pas dans cette rue bondée de gens, tenant la main de l'homme que j'aime. Je ne peux même pas dire le "garçon", je ne peux dire que l'homme en le voyant.

J'ai de la chance. Tout ça, toute cette galère, toute cette misère m'a permis de me rendre compte que j'étais comme ça. Entier. J'aime entièrement et je vis pleinement. Je ressens les choses intensément et tant mieux ! J'en suis le plus heureux.

Heureux d'être capable de me dire que c'est derrière moi. Heureux d'être capable de me dire que je peux faire la paix avec cette partie là de ma vie. De toute façon, le lycée, ce n'est qu'une phase. Un moment a passé et tout le monde y connaît ses galères. C'est ce qui nous forge et fait de nous les adultes que nous sommes.

Je ne peux définitivement pas passer ma vie à être en colère contre Christopher parce qu'il ne le mérite pas. Il ne mérite ni ma colère, ni mon énergie, ni mon attention. Rien de tout ça, je ne saurais lui redonner encore. Il les a eus. Il a eu ça et bien plus encore. Donc je ne peux pas continuer à être ce garçon de 17 ans, voyant le mec qu'il aime dire à toute l'équipe qu'il est gay dans le vestiaire. Je ne peux pas continuer à être ce garçon, voyant sa "copine" le traiter de monstre ou de bizarre parce qu'il aime un autre garçon.

Je ne peux être que le moi de 24 ans, comprenant que le monde des adultes est encore bien plus fou et tordu que tout ce que j'avais alors imaginé. C'est ça ma réalité.

Ma réalité c'est d'être capable de regarder le Christopher de maintenant droit dans les yeux, sans avoir peur, ni même honte et de lui dire "Désolé, mais je ne suis pas intéressé". Je ne le suis plus.

Mon intérêt s'est porté sur quelqu'un de beaucoup plus...étrange. Quelqu'un un peu comme moi.

Peut-être même quelqu'un pire que moi.

Il existe des êtres sur terre comme Hugo Layton, qu'aucun adjectif et aucun mot ne semblent capables de définir.

Sous ta plume (BxB)Where stories live. Discover now