Livre n°44

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- Flashback Léon : Partie 1 -

Mon regard est resté fixe jusqu'à ce que la petite aiguille atteigne le 6. Je l'ai regardé arriver progressivement. Lentement. Les deux dernières heures de la journée sont, à mon sens, les plus longues, car on sait que celle-ci se termine et on a qu'une hâte, pouvoir partir. Pouvoir quitter ses chaises en bois qui nous usent les fesses tellement on s'assoit dessus.

- Et n'oubliez pas votre devoir maison à me rendre pour la semaine prochaine. Je n'accepterais aucune excuse, ni aucun retard d'ailleurs.

J'ai attrapé mon sac par terre, rangé mes affaires à la hâte et me suis précipité vers la sortie. Ce n'est pas tant le lycée que je fuis, à dire vrai, je m'y plais assez, j'ai des potes cool, je passe de bons moments et je ne suis pas le dernier des glands quand il s'agit des contrôles ou des devoirs en règle générale. Non, ce que je fuis est pire.

- Léon ? Tu pars déjà ? Je venais voir si tu voulais qu'on rentre ensemble.

- Ah. Audrey.

Voilà ce que je fuis. Audrey. Une fille. En temps normal, je ne fuirais pas une fille, surtout pas une fille comme Audrey. Elle est intelligente, assez jolie et un caractère assez fort, ce qui me plait pas mal, mais...là c'est différent. Je fuis Audrey parce que je sors avec. Du moins, j'essaye. C'est horrible de se dire ça, d'y penser même. "Essayer de sortir avec quelqu'un" ça ne fait pas de sens, mais rien n'a de sens quand nos sentiments eux-mêmes sont changeants. Je ne saurais pas expliquer mon comportement ni même mon attitude vis-à-vis d'elle. Tout ce dont je suis certain, c'est que plus cela continue, moins je suis à l'aise. Je la vois venir elle et ses propositions pour rester dormir chez elle, ses tentatives de s'habiller "sexy" pour attiser ne serait-ce qu'une petite flammèche en moi. Mais il n'y a rien. Rien du tout. Pas l'ombre d'un désir sexuel pour elle. Pourtant, je l'aime non ? Je tiens à Audrey, je veux qu'elle soit heureuse, mais...Le lâche que je suis n'arrive pas à mettre des mots sur ça parce que j'ai peur de sa réaction. J'ai peur de...

- J'ai un entraînement ce soir, désolé.

Et voilà. Elle me fait son regard de chaton. Je le vois bien que ça la blesse qu'on ne passe pas de temps ensemble en dehors des cours.

- Mais si tu veux ce week-end on se fait un ciné ?

- D'accord !

Et voilà que cette même tristesse s'évanouit brutalement pour un large et splendide sourire.

- Bon entraînement alors ! Je te laisse.

- Merci.

Je n'aime pas lui mentir, mais ai-je le choix ? Autre que celui de lui avouer la stricte vérité qui serait "Je t'aime...mais pas d'un amour charnel" ? Est-ce que ça lui conviendrait ? J'en doute. Et puis ce n'est pas comme si je ne savais pas qu'elle racontait tout à ses copines à la cantine le midi. Je ne suis dupe et j'entends étrangement bien, même lorsque je mange à la table opposée.

Me précipitant alors au terrain de foot à 50 mètres des bâtiments principaux du lycée, je remarque que certains gars de l'équipe sont déjà là, en train de faire des échauffements.

- Oh ! Voilà le capitaine les gars ! Alors ? On est en retard parce qu'on faisait un petit bisou à sa copine, hein ?

- Ce que vous êtes cons. Quand vous aurez fini, vous pourrez peut-être aller vous changer ? Où est l'entraîneur ?

- Il discute avec un nouveau venu. Tu sais, il en a parlé la semaine dernière. Nouvel élève et nouveau joueur dans l'équipe. Un défenseur.

- Cool. Bon bah je vais me préparer pendant qu'ils terminent.

Je me dirige vers les vestiaires quand je surprends alors l'entraîneur avec un garçon, de dos, ayant presque une position militaire tant il se tient droit, les mains croisées dans le dos.

- Ah bah tient quand on parle du loup ! Léon, tu tombes bien.

- Bonsoir...

- Je vais te présenter votre nouveau coéquipier. J'attends de toi que tu l'intègres convenablement dans l'équipe hein !

- Ça va, on ne va pas le manger non plus.

C'est quand il se retourne, au moment même où nos yeux se sont croisés, ou plutôt posés l'un sur l'autre que j'ai su...que j'ai immédiatement compris que c'est moi qui allais être mangé.

Pour la première fois de ma vie en 17 ans d'existence, mon coeur a raté un battement et s'est retrouvé tout affolé.

- Salut, je m'appelle Chris.

- Euh Léon. Enchanté. Bienvenue dans l'équipe du coup.

Chris.

Je ne sais pas combien de temps je suis resté comme un idiot à le fixer, parce que je ne suis sorti de mes pensées que quand j'ai remarqué son visage à quelques mètres seulement du bien, légèrement penché sur le côté comme si quelque chose clochait.

- Pardon ! J'ai...Après une journée pareille, j'ai souvent l'esprit ailleurs. Oui, donc...Je te présente aux membres de l'équipe et puis, si tu as des questions n'hésite pas. Je suis à ton entière disponibilité.

- C'est vraiment sympa de ta part, merci.

A ce moment-là, j'étais loin d'imaginer que ce moment où nos mains se sont touchées, où l'on a échangé les banalités et politesses d'accueil, Christopher allait prendre une si grande ampleur dans ma vie. Plus que Christopher, je ne pensais pas un seul instant qu'un garçon deviendrait soudainement...Tout ce que j'ai de plus important et pour qui j'aurai et j'ai effectivement tout risqué et tout perdu.

Musset a écrit "On ne badine pas avec l'amour" et c'est assez vrai. On ne joue pas avec le feu brûlant et ardent que sont les sentiments. Parce qu'à titre d'expérience personnelle, à ce petit jeu-là, il n'y a jamais personne pour gagner, bien au contraire.

- Donc...Léon, c'est ça ? T'es des environs ?

- Je suis né dans une ville à côté ouais, mais je suis venu habité ici il y a trois ans maintenant et toi ?

- Plutôt du nord.

- Ah...Carrément nouveau. Dans tous les sens du terme. Bah écoute si tu veux, ce week-end, je peux te faire visiter la ville...Enfin si ça te branche.

- Ouais carrément !

Et là, je viens de me souvenir que j'ai dit à Audrey qu'on se ferait un ciné elle et moi. Mais est-ce que la venue de Chris ne serait pas un excellent prétexte pour dire à Audrey que je ne peux pas, car l'entraîneur m'a demandé de prendre soin de notre nouvelle recrue ? Carrément.

Connard attitude +1000 mais c'est "marche ou crève" avec elle.

- En tout cas, je suis content d'être tombé ici. Ça a l'air cool comme endroit.

- Si ce n'est pas trop indiscret, tu es là pour... ?

- Oh ma famille ! Ma soeur étudie dans une fac pas loin, enfin, elle a bientôt terminé, mais voilà. Mes parents ont trouvé un boulot dans les environs. Ils avaient envie de changement.

- T'as une soeur du coup...

- Ouais ! On est que deux dans la famille alors on se serre les coudes. Et toi ?

- Enfant unique ! J'ai été le chouchou de tout le monde depuis ces 17 dernières années.

- Chanceux !

On a discuté beaucoup et joué un peu. Ce ne fut pas ce que j'appelle une séance d'entraînement épuisante, mais pour moi, elle eut un petit côté hyper instructif et je ne saurais dire pourquoi. Peut-être parce que j'ai appris à connaître Chris ou du moins quelques petites choses par-ci par-là et tout ça m'a amené à vouloir en savoir plus.

Toujours plus. Et je vais clairement profiter de ce week-end pour avoir toutes les informations que je veux. Je suis plutôt tenace comme garçon.

Sous ta plume (BxB)Where stories live. Discover now