Livre n°12

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Quand j'étais petit, j'étais plein de rêves. J'en avais pour tous les goûts et de toutes les couleurs. Je me voyais petit rat à l'Opéra, astronaute, pompier, véto et même star de cinéma. Donc forcément, plus je grandissais et plus ces derniers étaient amenés à évoluer avec moi : Chaque année, je rajoutais un rêve à ma "boîte à rêves" et chaque année, je l'ouvre à nouveau pour découvrir la centaine de petits bouts de papier sur lesquels j'ai écrit tout ce que je désire faire le temps de ma petite vie.

Travailler dans le milieu de l'édition, être auteur, ça m'a pris comme ça. D'un coup. J'ai toujours aimé lire et je me suis toujours demandé si un jour, je pouvais en faire mon métier, car à mon tour, je souhaitais créer tout un univers. À mon tour, je voulais faire quelque chose de ce qui se passe dans ma tête et si je ne pouvais pas le réaliser alors...Que ferais-je ? Je veux dire...C'est bien pour ça qu'on se lève le matin non ? Pour voir ce que l'on peut faire, ce que l'on est capable de faire le temps d'une journée.

On se lève pour réaliser ses rêves. Quelque part, je trouve ça beau. De voir qu'on lutte tous les jours pour quelque chose sans même s'en rendre réellement compte.

- Léon ? Est-ce que tu pourrais me passer le gros classeur vert sur ta droite, s'il te plaît ? me demande Lucas

- Le voilà.

- Merci. Et tu aurais vu le planing du mois prochain ? J'aurai juré l'avoir posé sur mon bureau.

- Hugo l'a pris tout à l'heure il me semble.

On se retourne tous les deux vers ce dernier, étalé de tout son long sur son bureau, les bras croisés, endormi. Je ne sais alors pas ce qui me fascine le plus chez cet homme : Qu'il soit la star que tout le monde pense qu'il est ou alors l'homme dormant le plus sur terre. C'est une sorte de "Koala" humain. A chaque fois, il tapote sur son clavier pendant une petite heure et estime qu'il est temps de faire une pause. Une pause qui finit en sieste de 4 heures et dont on a un mal fou à le réveiller. Il a un manuscrit à rendre, des délais à respecter, mais cela ne semble pas le préoccuper le moins du monde. Moi, je suis en panique dès que je m'aperçois que je suis à trois semaines de la date à laquelle je dois rendre ma dissertation.

Livre-moi ton secret !!! Comment tu fais ?

- Qu'est-ce que l'on fait ? demandé-je alors à Lucas soupirant et se passant une main sur le visage

- Je vais aller me chercher un truc à grignoter. Réveille-le toi.

- Moi ?

- Quoi ? Tu ne vas pas me dire que tu as peur qu'il te saute dessus ? Regarde-le, c'est un homme sans défense. Il ne te fera rien.

Et c'est pour ça que l'on a inventé le dicton "Se méfier de l'eau qui dort", hein ? Lucas, récupère sa veste, ses affaires et quitte le bureau tandis que je me retrouve tout seul, planté comme un piquet devant le bureau d'Hugo. Je ne sais pas quoi faire et j'avoue être légèrement en panique. Je n'ai peut-être pas appris grand-chose ces dernières semaines sur le milieu de l'édition, mais j'ai appris qu'Hugo était terrifiant. Non pas qu'il me fasse peur, mais je commence à comprendre comment il fonctionne.

- Hugo...Hugo, réveillez-vous.

Peut-être que si je chuchote son nom et que je continue à l'appeler ça va marcher.

- Hugo...

J'attrape alors la règle en plastique posée sur mon bureau et lui tapote l'épaule avec.

- Hugo, c'est l'heure de se réveiller.

Ne m'oblige pas à m'approcher, pitié.

Je continue de le tapoter avec la règle pendant quelques minutes et m'aperçois qu'inévitablement, ma technique d'approche est plus que mauvaise.

- Allez Léon, cesse donc d'être une poule mouillée. T'es un bonhomme, un vrai !

Jetant la règle sur le bureau, je m'approche à pas de loup vers l'écrivain endormi et pose ma main sur lui. Dès lors que le contact physique se fait, la main d'Hugo surgit sur la mienne et vient m'attraper, m'arrachant un sursaut tandis que dans un mouvement de recul, je me précipite contre la bibliothèque se trouvant derrière nous, manquant de chuter tandis qu'Hugo lui-même me retient tout juste dans ses bras telle une demoiselle que l'on aurait fougueusement embrassée.

Livres éparpillés au sol, souffle coupé par le moment, Hugo me tenant à bout de bras, Lucas revient au même moment et nous surprends. Il nous dévisage, les yeux écarquillés et l'air presque dubitatif.

- Je...Non, vous savez quoi ? Je ne veux rien savoir.

Il s'en retourne s'asseoir derrière son bureau, tandis que les yeux d'Hugo plongent alors dans les miens.

- Franchement, ce n'est pas si mal comme position.

- Auriez-vous l'amabilité de me relever s'il vous plait ?

- Pourquoi ? On est bien là, toi et moi, l'un dans les bras de l'autre. Je pourrais presque y prendre goût.

- Eh bien pas moi.

À son petit sourire satisfait qu'il porte mieux que cette outrageante chemise moulante, je devine alors que tout ceci n'est qu'un de ses nombreux plans machiavéliques en action. Il était très certainement réveillé depuis un bon bout de temps, faisant mine de dormir pour que je puisse m'approcher de lui. Comme d'habitude, j'ai été plus que naïf de croire que...Je n'aurai jamais dû baisser ma garde.

- Quand vous aurez fini de vous faire des câlins au lieu de travailler, Hugo, tu pourrais peut-être me dire où tu en es dans l'avancement de ton roman ? Et Léon pourra certainement retourner au travail également. Il y a encore de la comptabilité à faire par rapport aux frais du mois dernier

- Tu sais Lucas, parfois je me demande dans quel camp tu es.

- Dans celui qui permet au roman d'avancer, tout simplement.

Hugo me redresse et s'en retourne tout simplement s'asseoir, sans rien rajouter de plus tandis que je ramasse les livres tombés au sol à mes pieds.

- Laisse Léon. Hugo les ramassera tout à l'heure. C'est sa punition pour avoir procrastiné pendant que certains se tuent à faire de lui l'homme qu'il ne mérite pas d'être.

- Mon pauvre Lucas, tu sais que la bave du crapaud n'atteint pas la blanche colombe que je suis ?

- Si tu le dis.

Mon petit coeur, jusqu'alors agité, regagne un rythme presque normal tandis que je m'en retourne à mon tour à mes occupations, croisant de temps en temps le regard amusé d'Hugo, caché derrière son ordinateur.

Soudain, une notification d'un email reçu apparaît sur mon écran et en cliquant dessus, je m'aperçois qu'il s'agit d'un message de l'auteur assis en face de moi.

"Ce n'est que partie remise."

Parfois je me demande si je travail réellement avec un adulte ou si je n'ai pas en face de moi un enfant dès plus charmant. Je dois le reconnaître. Quand on le regarde, on s'aperçoit très vite qu'il n'y a pas que sa plume qui fait fureur. Hugo lui-même, tout son être, pourrait être un personnage de roman érotique. Il transpire les hormones et la sexualité. Laissant alors mon imagination faire le reste, une pensée me vient à l'esprit et je la chasse en secouant la tête lui répondant immédiatement

"Le chat n'est pas prêt d'attraper la petite souris."

Envoyé !

"Titi ou la petite souris, qu'importe. Un chasseur ne recule jamais."

En plus, il a envoyé une pièce jointe et en cliquant dessus, je vois une image de Gros Minet tenant Titi dans ses pattes.

- Oh mon dieu !

- Léon ? J'espère que tu travailles ?

- Oui. Pardon.

Hugo pouffe de rire et je me sens réellement comme un collégien échangeant des petits mots doux sous l'oeil attentif de son surveillant, tentant tant bien que mal de ne pas se faire prendre.

Ceci ne saurait durer plus longtemps.

Sous ta plume (BxB)Where stories live. Discover now