Livre n°42

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Assis l'un à côté de l'autre à hauteur du comptoir du bar, mon regard ne quitte ni le calepin posé devant le pichet de bière, ni même le téléphone allumé sur l'enregistreur vocal. Je ne comprends toujours pas comment j'ai pu me laisser convaincre pas Georges de le rejoindre ce soir en sachant pertinemment qu'il allait forcément me poser des questions sur Hugo. C'était couru d'avance, mais j'ai eu une once d'espoir.

- Je me demande lequel est le plus important pour toi : notre amitié ou ta recherche d'informations, fis-je en le fustigeant du regard

- Allons Léon ne fait pas cette tête. Dis-toi que c'est comme une petite piqûre. Au début on la redoute, mais une fois que s'est passé...On oublie.

- Tu sais que je ne te dirais rien ? Je veux dire...J'ai gardé le secret pendant des semaines entières et ce n'est pas maintenant que je vais craquer et balancer je ne sais quoi comme informations.

- Tu me le dois bien, hein ! Quand je pense que tu t'es joué de moi et que j'ai osé être impliqué dans vos dramas...D'ailleurs, on peut savoir quelle genre de relation vous avez au juste tous les deux ?

- Là tu vois, j'aimerais sincèrement répondre à cette question.

Je veux dire, on a bel et bien couché ensemble, deux fois qui plus est. On s'est embrassé, on s'est dit respectivement qu'on s'aimait, mais je suis bien incapable de mettre des mots sur notre relation. Le faut-il absolument ? Pour l'instant Hugo et moi sommes tous les deux satisfaits de ce que nous vivons ensemble. Tout compte fait, c'est peut-être ça "être adulte" : arrêter de se poser des questions sur tout et n'importe quoi et être capable d'accepter certains faits. Si, au début, je voulais absolument savoir ce qu'il allait advenir de moi, de nous, avec les jours qui ont passé, j'ai plus ou moins accepté le fait d'être "heureux". Je veux dire, Hugo ne me promet pas la Lune, mais ça me convient.

- Au fait, je vais faire l'oiseau de mauvais augure, mais j'ai quelque chose à te dire.

Je finis ma gorgée et me détourne légèrement vers Georges pour le regarder, me préparant au pire.

- Chris est de retour en ville. Je l'ai croisé pas plus tard qu'hier et il m'a dit qu'il voulait te voir.

La simple mention de son prénom suffit à faire remonter en moi une multitude de souvenirs pas forcément agréable. Chris. Même si ça fait 4 ans maintenant, je n'arrive pas...je ne peux pas me résoudre à oublier. À l'oublier.

- Léon, je pense qu'il veut s'excuser.

- Est-ce là que je suis censé m'esclaffer en trouvant cela tout à fait hilarant ? Parce que ce n'est pas le cas. Il ne suffit pas de se repointer comme une fleur en disant "Pardon".

- Mais tu sais ce que l'on dit ? "Pardonner n'est pas forcément oublier".

- Écoute, tu sais aussi bien que moi que Chris...Chris a été...la pelle creusant le trou de ma propre tombe. Il m'y a même poussé en me regardant chuter. Je n'ai pas envie de le voir.

- Très bien. C'est toi qui vois, moi je ne suis que le messager.

- Eh bien Edwige, tu transmettras la réponse.

Ce genre de nouvelle a le don de vous gâcher la soirée.

Après avoir fini au bar, Georges et moi sommes restés un moment assis sur un banc dans le parc près de chez moi, sans rien dire. Au fond, je me suis juste mis à repenser tout bêtement à Chris et à chaque fois ça me fait un mal de chien. Mais un mal qui fait du bien, c'est bizarre. Chris est...était...ce que l'on pourrait rapprocher le plus d'un centre de tout un univers pour moi et même s'il m'a jeter au plus profond d'un trou boueux, je pensais vraiment qu'une fois sorti de là, j'aurais au moins laissé mes sentiments pour lui derrière. Encore maintenant il est là, dans un coin de ma tête pourtant il ne mérite pas autant d'importance.

Sous ta plume (BxB)Tempat cerita menjadi hidup. Temukan sekarang