Livre n°16

5.4K 611 36
                                    

Je me rends compte avec les jours qui passent que mon comportement vis-à-vis d'Hugo et de tout le mystère qui l'enveloppe, telle la marmotte enveloppant le chocolat dans l'alu, est loin d'être professionnel ou bien même celui d'un adulte. Je veux dire par là que je réagis assez facilement à la moindre de ses provocations, que je saisis chaque bâton qu'il me tend pour me faire battre et qu'au final j'ai les réactions d'un adolescent de 14 ans et non d'un jeune homme de 23 ans. Je suis loin d'avoir la maturité qu'il me faudrait avoir dans ce genre de situation et je présume que c'est ce qui l'amuse tant chez moi : ces réactions impulsives et le fait que je sois constamment sur mes gardes. Dans de rares moments de folies, je me dis que je devrais jouer le jeu, me laisser porter par le courant, me plier comme un roseau et voir alors quelle tête il ferait, mais ça ne me ressemble pas. Je ne sais pas mentir ou brièvement et je suis un bien piètre acteur. Je ne sais pas "jouer le jeu" et quelque part, je regrette.

- Tu fais une de ces têtes, ça me fait presque mal de te voir comme ça. On devrait aller boire une bière pour te remonter le moral !

- Georges, rappelle-moi comment ça s'est terminé la dernière fois qu'on a été boire ?

- Hmm...Ton oncle est venu te chercher, non ?

- Mon... ? Ah oui, oui. Mon "oncle".

Hugo s'est fait passer pour un proche, expliquant ainsi sa présence aussi bien dans mon carnet d'adresses que dans les parages, prompts à me récupérer, moi le ramassis alcoolisé que j'étais. Jusqu'à lors j'ai préservé son secret qui doit être, je crois, le secret du monde édiotiral le mieux gardé. Des millions de gens, notamment de femmes, rêveraient sans doute de savoir qui est H-Ley, mais quand cela se saura, avec son charisme, son physique, ses yeux, son sourire, son...

Non. Je ne veux même pas penser au reste.

- J'attends toujours ma photo, tu sais !

- On en a déjà parlé. Tu sais que je ne peux pas le faire. Et puis ça ferait bizarre. Je veux dire, pourquoi tu veux une photo de cette auteure ?

Parce que pour le monde entier H-Ley est une femme. Ça me fait doucement rire. Comment peut-on identifier un sexe en fonction de la façon d'écrire ? C'est trompeur. Mensonger. N'importe qui peut se faire passer pour ce qu'il n'est pas. La preuve, Hugo en est l'exemple le plus vivant que je connaisse !

- Tu travailles peut-être pour l'auteure la plus demandée en ce bas monde, mon petit Léon, mais sache que j'ai trouvé ma petite place dans un petit journal fort sympathique. Avoir cette photo me vaudrait toutes les récompenses du monde.

- Rêve alors ! Je ne vais pas mettre ma fin d'études en péril pour que tu puisses mieux réussir la tienne.

- Hé, t'es vache de me sortir ça. Qui te filais toujours les réponses aux contrôles de maths au lycée ?

- Ce sont deux choses totalement différentes Georges. Je ne te donnerais pas une photo de ma patronne, point final. D'ailleurs, dépêche toi de finir ton hamburger, tu reprends bientôt, non ?

- Oh merde ! Oui dans vingt minutes. Et toi alors ? Tu ne bosses pas cette aprem ?

En principe. Je suis censé bosser.

- Disons que j'ai ma journée. Je fais tellement du bon travail.

Ce qui est totalement faux. Je ne sais pas ce que je fais. Personne ne me dit rien. On me donne des ordres, on me dit quoi faire, mais je n'ai pas une once d'idées quant aux résultats. Hugo s'en carre l'oignon et Lucas est plutôt du genre réservé sur le sujet alors autant ne pas le questionner. Le connaissant, il me dira sûrement d'être reconnaissant pour déjà avoir eu ce stage alors que c'est une place qui vaut de l'or et m'enverrait paître ensuite.

En sortant du fast-food, sur le trottoir d'en face, j'aperçois alors cette femme, Justine. Par réflexe, je me cache derrière un panneau publicitaire en espérant qu'elle ne m'est pas remarquée.

- Qu'est-ce que tu fais ?

- Chut ! Viens là !

J'attire Georges vers moi et lui montre la jeune femme de l'autre côté de la rue.

- Canon ! C'est qui ?

- La...La maîtresse de mon oncle. Si elle me voit, elle va certainement lui dire que je ne fais rien et tu vois, mon oncle est quelqu'un...d'un peu spécial. Je ne tiens pas à ce qu'il sache que...

- Je croyais que tu avais ton après-midi. Léon, qu'est-ce que tu me caches ? On est potes, tu sais que tu peux tout me dire. Tu t'es pas fourré dans les ennuis au moins ?

- Mais non ! Loin de là. Tu sais bien que je fuis toutes les situations qui me paraissent bien trop compliquées à gérer.

Et pourtant, me voilà caché derrière un panneau publicitaire, fuyant le regard d'une femme que je ne connais pas, tentant de me mêler d'une de ces situations que je déteste tant. Il n'y a vraiment plus rien qui va avec moi.

- Bon, je dois aller au boulot, mais appelle-moi quand tu auras finis de jouer à cache-cache et puis si c'est la maîtresse de ton oncle...T'as qu'à la suivre.

- La quoi ?

- Tu sais, faire comme dans les films. Mettre un grand imperméable marron, de grandes lunettes de soleil et te planquer derrière un journal en épiant ta cible.

- Je dois la suivre ou me prendre pour Colombo ?

- J'aurai plutôt dit l'inspecteur Gadget moi, mais bon. Chacun sa référence. Bref, suis-la.

- T'es fou ! Ça fait psychopathe.

- Je crois que le terme approprié de nos jours c'est "stalker". Bonne chance Léon ! Appelle-moi si t'es au poste ce soir. Je viendrais te chercher.

Quel ami de qualité.

Je regarde alors Georges s'éloigner de moi progressivement jusqu'à disparaître au coin de la rue, tandis que je me penche à nouveau pour retrouver Justine du regard.

- Mince ! Je l'ai perdue.

- Vous cherchez quelqu'un ?

Un cri de détresse suivi d'un sursaut m'échappe tandis que je la vois, tout sourire, se tenant derrière moi, là où était mon ami quelques minutes plutôt.

Je me suis fait griller avant même d'avoir commencé à jouer. Je suis mort.

- Tu es Léon, n'est-ce pas ? Tu as cinq minutes à m'accorder ?

Non ?

Sous ta plume (BxB)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant