Livre n°2

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Je présume qu'il existe des premières rencontres qui se déroulent beaucoup mieux que la mienne. J'imagine déjà deux inconnus se faire la bise ou se serrer la main, s'échangeant les politesses d'usages et s'interrogeant certainement sur la vie de l'autre. Vous savez, les questions de base quoi ! Du style "Hé ! Je suis content de faire ta connaissance, alors comme ça, ton rêve c'est de devenir éditeur ?" Ouais, c'est mon rêve trou du cul, mais il faut croire que les rêves sont parfois très loin de la réalité.

- T'attends quoi pour envoyer les mails que je t'ai demandé ? Ça fait déjà 10 minutes que j'attends !

- Vous savez que, je suis un être humain au moins ? Pas une machine ou un androïde dernier cri, non. UN HUMAIN !

- J'ai demandé un nouvel ordinateur et voilà qu'on me file un stagiaire plus lent que ma grand-mère. Seigneur...Ce monde ne tourne vraiment plus rond.

- Ouais, bah moi j'ai signé une convention de stage, pas un contrat de chair humaine, ok ?

- Et tu oses me répondre ?

- Oui, d'ailleurs, ça me fait perdre mon temps. Avec votre présence dans ma bulle et mon espace de travail, je perds toute mon efficacité, donc si vous voulez tant ces mails, soit vous les tapez vous-mêmes, soit vous me foutez la paix !

J'ai bien compris qu'être tout gentil tout mignon avec cet homme ne servait à rien. Quand bien même ce serait un fichu monstre dans son domaine. "H-Ley" est connu et reconnu mondialement et si le commun des mortels le prends pour une femme, je meurs d'envie de faire un tweet à son sujet et balancer l'info aux restes des requins du monde littéraire en leur disant "Tenez c'est cadeau", le tout accompagné du petit émoji malicieux.

- Voilà ! Vos mails sont partis.

- Parfait, maintenant contact le service-presse de ma maison d'édition et dit-leur d'aller se faire foutre.

- Pardon ?

- Ils me cassent les burnes depuis deux semaines avec cette interview exclusive pour l'émission de Lorena là...

- Et vous ne pouvez pas les envoyer chier vous même ?

- Si, mais ça sera plus drôle à voir quand ils te passeront dessus. Après tout, tu es là pour ça non ?

En gros, je suis son larbin et en plus, je fais son sale boulot. Sérieusement, ce gars n'a rien d'enviable, pas même son étincelante personnalité.

Je prends donc le téléphone en main, inspire profondément et me lance.

- Oui allô ? Pourrais-je parler à Monsieur...Tourmand

Rien que son nom de famille en dit long.

- Allô ? Tourmand à l'appareil ? H' c'est toi ?

- Oui bonjour, je suis le stagiaire de Monsieur Leyton...

- Hein ? Jamais entendu parler. Passe-le-moi

- C'est qu'il est occupé et il m'a dit de vous transmettre le message suivant : "Je ne viendrais pas faire l'interview"

- QUOI ? ÇA FAIT DES SEMAINES QU'ON PRÉPARE ÇA ! FILE-LUI LE TÉLÉPHONE ! TOUT DE SUITE !

Il n'y en a donc pas un pour rattraper l'autre ? Un peu d'amabilité, c'est trop demander ?

Je regarde Hugo Leyton, bâillant mollement dans son grand fauteuil de cuir, tandis que ce dernier hoche un "non" de la tête. Bien sûr, il ne m'aidera pas. Il ne veut pas avoir à faire à ces gens, c'est évident, sinon, il s'en serait occupé lui-même.

- Il est...Il n'est pas disponible, je le crains.

- Il est à côté c'est ça ?

Totalement.

À côté et avec un léger sourire sournois et pervers à la fois. Il prend du plaisir à me voir me faire maltraiter au téléphone.

Ah ouais ? Tu veux vraiment jouer à ça avec moi ?

- Non. Monsieur Leyton est aux toilettes...Diarrhée.

Faisant un bond de son fauteuil, je le vois s'approcher de moi à vive allure tandis que Monsieur Tourmand continue à me beugler dans les oreilles

- Je dois y aller. Bonne journée à vous Monsieur.

- Hé ! Attends !"

Je raccroche et me fais la malle à l'autre bout de la pièce avant que ce dernier n'ait eu le temps de m'attraper.

- Je peux savoir ce qui t'a pris à l'instant ?

- Simple improvisation de ma part. Ce n'est pas comme si vous m'aviez donné une directive claire, nette et précise. Je devais juste leur dire "non" pour l'interview et pour se faire, tous les moyens étaient bons, n'est-ce pas ?

- Pas celui-là non.

- Alors dans ce cas, il va falloir que vous songiez à être plus précis, je le crains.

- Tu veux que je sois précis ? Hein ? C'est ça que tu veux ?

Il m'accule jusqu'à la porte du bureau, me plaque contre cette dernière, la ferme à clé et me dévisage avec son regard de braise. Sur le moment, j'ai bien cru voir un feu dans ses yeux. Des flammes dansantes, ardentes.

- Tu n'as pas idée dans quoi tu t'es embarqué. Si j'étais toi, j'irais me trouver un autre maître de stage.

En fait, si, je crois que je commence. Je me sens comme le petit Chaperon Rouge faisant face au Grand Méchant Loup.

Et tout le monde sait comment finit l'histoire, n'est-ce pas ?

Sous ta plume (BxB)Where stories live. Discover now