Livre n°29

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Me rapprochant du mini bar pour me servir, le silence est tel que j'entends jusqu'aux mouvements du corps d'Hugo dans les draps du lit. Il est sûrement en train de me regarder, je le sens. Il balade ses yeux sur moi comme s'il observait quelque chose, comme s'il attendait quelque chose. Malgré le fait que ce soit notre deuxième fois et que j'ai appris énormément sur lui en si peu de temps, je n'arrive toujours pas à m'enlever cette image que j'ai dans la tête. Celle du prédateur. Je le vois comme ça et il le sait sans doute. Son regard, cette façon si intense et profonde qu'il a de me regarder, quelque part, ça me mets mal à l'aise. Mal à l'aise, car je me sens comme un petit animal qui sait que son heure est venue. Je me sens au pied du mur. Pris au piège et incapable de lui résister s'il vient à faire le moindre mouvement.

- Quelque part, te regarder Léon, c'est comme regarder de l'art. C'est voir une de ces statues grecques ayant un corps d'éphèbe. Tu connais la statue d'Apollon que l'on appelle "l'Apollon du Belvédère" ? Ton corps aborde presque les mêmes formes. Je me suis déjà fait la réflexion la première fois que tu t'es baladé presque nu seulement enveloppé dans les draps de mon lit dans mon appartement.

- Je ne te savais pas amateur d'art.

- Comme tous les bons vivants, je suis amateur des bonnes et des belles choses.

- "Choses" ?

Je le reprends volontairement sur le terme, car Hugo a tendance à vouloir exercer sur moi une certaine autorité qui ne me plait pas. Il a un côté possessif qui fait de moi quelque chose qui lui "appartient" et c'est un statut qui est loin de me convenir à vrai dire. Je sais que je devrais lui en parler, mais j'ai peur que suite à cette conversation il m'échappe des mains. Il est tout à fait dans ce style-là. Le style à faire un pas en avant et trois en arrière.

- Je ne suis pas à toi. Je ne suis pas une chose et tu le sais ça, n'est-ce pas ?

N'est-ce pas ?

- Pourquoi tu ne prends pas les compliments comment ils viennent ? Dis juste "Merci" et c'est tout. Tu compliques tout.

- Non, je veux être clair sur un point. Hugo...

- Dis-moi Léon, est-ce que tu as la moindre idée de ce que c'est réellement que d'être en couple ou pas ?

- J'ai peut-être moins d'expériences que toi dans ce domaine-là, c'est certain, mais je pars du principe qu'un "couple" ça repose sur la confiance, la sincérité et l'amour.

- Trahirais-je une de ces trois qualités là selon toi ?

Disons que je ne suis pas vraiment certain de savoir qui est Hugo Layton. J'ai une petite idée de qui est "H-Ley", mais Hugo...Hugo est un mystère tellement grand. Dès que l'on pense en résoudre une partie, voilà qu'une autre partie se découvre et ne demande qu'à être découverte. C'est un jeu sans fin.

- À mon sens, ce n'est pas moi qui a du mal à faire la paix avec "Dame Sincérité", mais c'est toi. Je te l'ai dit, je suis ouvert aux questions et à la discussion si tu veux savoir quoique ce soit à mon sujet, par contre Léon...N'as-tu jamais pris un miroir ? Tu es une ombre également. Tu ne te livres pas facilement et honnêtement, je ne sais pas si c'est dû à un quelconque traumatisme ou si c'est parce que tu as une quelconque peur qui te retient. Pendant un temps, tu parlais d'écrire. Pourquoi ne le fais-tu pas ?

C'est vrai. Pendant un moment je lui ai fait part de cette idée, mais en y réfléchissant, je ne sais même pas si je serais capable de trouver les bons mots, même à l'écrit. Hugo c'est son métier d'écrire et je ne sais pas pourquoi, mais je me sens...inférieur. Pas dans ma cour. En fait, je me dis que si je viens à lui écrire quoi que ce soit, Hugo pourrait me "juger". C'est tout con, mais je crois que c'est ce qui me fait peur. Écrire, me planter, ne pas trouver les bons mots, ne pas réussir à décrire ce que je ressens ou ce que je pense exactement et...et le voir rire de moi.

- Comment veux-tu que j'écrive quoique ce soit pour quelqu'un qui ne fait que ça de ses journées ?

- As-tu peur que je me moque de ta façon d'écrire ? Léon, l'écrivain, l'auteur qui est en moi, que je suis, il faut que tu l'oublies un moment. Je ne suis pas que ça. Je suis aussi un homme et je sais que chacun à sa façon d'écrire, de penser. Certains arrivent à trouver les mots qu'il faut et d'autres non. Certains tournent autour du pot et d'autres vont droit au but...Tout le monde est différent quant il est question d'écriture. Et puis tu n'écriras pas un roman non plus ! Du moins, j'espère. Je t'aime pour ce que tu es, qui tu es et peu importe ce que tu m'écriras, je le lirais avec la même attention que je te porte quand tu me parles Léon. Rien ne changera cela, crois-moi.

- Alors peut-être devrais-je m'y mettre ?

- Non !

Il se lève pour me rejoindre et arrivant à ma taille, il me dit tout sourire en m'attrapant par les épaules.

- On va profiter de l'île aujourd'hui ! On va visiter les hauteurs. Enfile tes baskets.

Oh non. Je déteste marcher. Enfin, j'aime me promener en ville, mais me balader dans la pampa, loin de tout et où chaque obstacle naturel est un possible ennemi susceptible de me faire chuter à tout moment ? Non, non. J'étais déjà bien mauvais en course d'orientation au collège alors je ne vais pas remettre ça maintenant.

- Tu es sûr que ...

- Apparemment on a une vue imprenable sur une grande partie de l'île une fois tout en haut.

- J'espère que tu as raison.

J'espère vraiment, histoire que je n'ai pas enfilé mes superbes chaussures blanches pour rien. Enfin "blanches" c'était avant de commencer la grimpette. Heureusement que Hugo a demandé un guide au service de l'hôtel parce que si l'on avait été que tous les deux, je pense qu'au dernier tronc d'arbre, on aurait tourné à droite et non pas à gauche. Oui, oui, on serait allé là où il n'y a pas de chemin ! Et encore, jusque-là ça va, car le chemin est plus ou moins balisé donc on se repère plus ou moins facilement, mais plus ça va et plus les balises se font rares. Je n'en vois pas autant que plus bas et mes cuissots commencent aussi à me dire "Vas-y molo pépère, t'es pas sur ton terrain là. N'abuse pas."

Je découvre des zones de mes jambes qui me font souffrir alors que je ne savais même pas qu'il y avait des muscles à ces endroits-là.

- Ça va Léon ? Tu ne dis plus rien depuis un moment ? La vue est à couper le souffle n'est-ce pas ?

Ah ça pour avoir le souffle coupé...Je suis carrément scié. Je me dis que si un mot vient à quitter mon corps, ça serait une perte d'oxygène considérable. Je ne peux pas me permettre de gaspiller le moindre effort. Je perds déjà mes yeux qui se focalisent beaucoup trop sur les fesses d'Hugo devant moi au lieu de regarder où est-ce que je mets les pieds.

- Tu ne dis plus un mot, tu es sûr que ça va ?

- Niquel !

Je suis mort. Selon le guide, il nous faut encore grimper pendant une petite demie-heure pour arriver à destination....en sachant que ça fait déjà deux heures qu'il nous dit qu'il reste une demie-heure. Est-ce qu'il ne nous mentirait pas par hasard ?

Par contre, ce qui m'étonne, c'est la forme olympique dans laquelle est Hugo. Il grimpe cette pente comme si de rien n'était, les doigts dans le nez, pratiquement les mains dans les poches. Mais jusqu'où cet homme est-il parfait ?

- Voilà, nous sommes arrivés.

Après presque 3 heures de montée, on arrive enfin sur un point de vue qui n'est rien d'autre qu'une sorte de falaise avec un léger plateau et effectivement, la vue est...

- Wow...

D'ici, on peut voir les îlots au loin sur la mer. On peut voir des bateaux de plaisance sur l'eau également et je crois même apercevoir l'hôtel tout en bas. Tout parait si minuscule d'ici, c'est incroyable.

- Je vais prendre quelques photos !

De toute évidence, je ne referais jamais cette montée de toute ma vie. C'est un peu comme l'Arc de Triomphe ou la Tour Eiffel. On les monte une fois et on est contents. On ne le refait plus. Ou dans un an seulement, histoire de se remettre complètement de l'épreuve que c'est.

- Par contre faites attention, à cause des pluies récemment, les abords de la falaise sont glissants et je...

Je m'avance légèrement et avant même que je n'aie eu le temps de dégainer l'appareil en photo...

- Léon !

Sous ta plume (BxB)Where stories live. Discover now