VIII. Petite boîte

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6 juillet 2019

Pdv Cole

Immobile, gelé sur une chaise que j'aurais voulut quitter, je suis forcé de regarder toute volonté propre disparaître chez Antoine, sous l'emprise de cette créature gigantesque. Maintenant à seulement quelques centimètres du miroir, il lève lentement sa main en direction de la créature. Pris d'une panique incontrôlée je me prend à hurler son prénom.

-ANTOINE!

D'un seul coup, son visage jusqu'alors inexpressif, s'illumine dans une expression de surprise mélangée à une certaine inquiétude, et tourne la tête dans ma direction. Ouvrant la bouche, comme pour me parler, sa main se remet d'un seul coup en mouvement, provoquant une panique partagée entre Antoine et moi. Il retourne la tête en direction de sa main, puis du miroir, cellant à nouveau son regard à celui de la créature. Sa main toujours en mouvement, une expression de dégoût prend place sur son visage. Au moment où elle traverse le miroir, entourée par les vaguelettes d'une eau en mouvement, ses yeux reprennent un aspect oscillant entre mort et vivant. Aspect qui ne dure que peu, vite remplacé par, au contact de leur main, des tremblements progressifs et de plus en plus violents, prenant petit à petit complet contrôle du corps d'Antoine. Et, c'est seulement quelques secondes plus tard, que son corps fit une chute au ralentit, et qu'il percuta le sol dans un souffle.

Hurlant alors son nom à pleins poumons, mon corps est soudainement libéré de l'emprise qui le maintenait immobile. Sans rien comprendre, je m'élance dans sa direction, me cassant la voix et les larmes aux yeux, me jetant a côté de son corps gisant sur le sol. Un seul regard vers le miroir me permit de comprendre la situation. Une situation si simple et si compliquée à la fois. La créature, jusqu'alors attirant tous les regards sur elle, a maintenant disparu du miroir. Elle a prit possession du corps d'Antoine, et est désormais libérée de ses chaînes, en dehors du miroir, son champ de possibilités devenu alors bien plus large. Et je serais étonné qu'elle soit là pour faire un don à l'Institut Pasteur.

Donc, pour faire très court, c'est la merde.

Comprenant cela, je décide de m'éloigner du corps d'Antoine, sentant que ce qui va suivre ne sera pas forcément le plus joyeux. Me retournant pour me diriger à l'autre bout de la pièce je remarque qu'il n'y a plus une seule silhouette, elles ont probablement toutes fuit le danger. Nova ne se trouve également plus dans la pièce, et supposant qu'elle est en sécurité quelque part dans le manoir, (tout le bâtiment étant un meilleur endroit pour elle que cet endroit de toute manière) je ne m'inquiète pas trop et me concentre à nouveau sur le corps maintenant plus très immobile d'Antoine.

La créature contrôlant son corps, il est désormais en train de flotter à quelques centimètres du sol, au milieu de la pièce, les yeux complètement noirs et la peau blanche comme la mort, ses cheveux flottants au dessus de sa tête et un sourire dément collé au visage. (terrifiant, je l'admet, mais un peu cliché quand même)

Reculant petit à petit jusqu'à toucher le mur, je tente de m'éloigner le plus possible de cette créature, sentant que sa première victime a de grandes chances d'être moi si je ne fais rien.

Observant le corps d'Antoine flotter de cette manière, il donne l'impression d'être... pendu. À cette idée, me vient la possibilité que le contrôle de son corps ai provoqué une forme de mort de son esprit. Sentant les larmes remonter, je prie pour que ce ne soit pas le cas et qu'il soit juste dans une sorte de sommeil, quelque part au fond de son esprit. Qu'il soit toujours là, bien vivant, attendant de pouvoir reprendre le contrôle de son corps. Pensant cela, me vient la détermination de le sauver, de le sortir de cette prison qu'est devenu son esprit, gardée par un geôlier peu commode.

Plongé dans mes pensées mais les yeux fixés sur chaque mouvement que fait la créature, un voix d'outre tombe commence à résonner dans la pièce, sans que les lèvres d'Antoine ne bougent.

-Je vois que tu es sur tes gardes.

Les yeux écarquillés d'un mélange de surprise et de peur, je ne fais que froncer les sourcils.

-Je vois que tu n'es pas décidé à me répondre. C'est normal, tu ne dois pas me faire confiance. Il faut avouer que c'est légitime.

Toujours sans répondre, je reste attentif à ses moindres mouvements.

-Tu dois te douter que tu ne devrais pas te mettre en travers de ma route. N'est-ce pas ?

Comme une réponse silencieuse, je me redresse et le regarde droit dans les yeux.

-Visiblement ce n'est pas ton intention. J'aurais préféré éviter mais je crois que je vais devoir me débarrasser de toi, un obstacle qui se dresse sur ma route. Tu ne m'en voudras pas ? Tu as un plan n'est-ce pas ? Un moyen de riposter ? Que je ne sois pas obligée de te tuer de sang-froid. Je ne serait pas satisfaite sinon. Et puis ça ne serait pas amusant.

-Satisfaite ? Et pas satisfait ?

-Je suis une femme je te signale ! Et parler seulement pour ça ? Je crois que tu oublie ton sens des priorités mon garçon. Tu juge sur l'apparence, c'est bien une chose qui m'enerve, tiens. Tu veux savoir quelque chose ? Avant de mourir. Et sur ce qui va te tuer aussi, accessoirement.

-...

-Ça y est, tu t'es à nouveau muré dans le silence ? Je prendrais ça pour un oui, dans ce cas. Pour être honnête, le mot n'est pas très adapté, mais on pourrait qualifier ce que je suis de démon. Démone, en l'occurence. Mais d'où est-ce que je sors, me demanderas tu ? Tu vois, ces âmes que tu as vu, tout à l'heure ? Comme elles paraissent pures, et sans vices. C'est normal. Elles le sont. Désormais, du moins. Parce-que tous leurs sentiments négatifs, je suis là pour les stocker, une petite boîte créée juste pour l'occasion. Alors tu dois te douter, toutes ces petites voix maléfiques qui résonnent dans tes oreilles en permanence, ça finit pas monter à la tête. Et voilà le résultat. Super, n'est-ce pas ?

-...

-Je vois. Même mon petit discours ne t'as pas délié les lèvres. Dans ce cas, étant donné que tu refuse de parler, je pense que ça ne sert à rien que je tente de discuter. Autant écourter les choses, ce sera plus simple. Bon, coppe je suis gentille, ironique n'estce pas, je te laisse une dernière chance pour avoir la vie sauve. À toi de voir.

Quelques mots prononcés, et je la regarde déjà avec un air de défi dans les yeux, m'avançant de plusieurs pas dans sa direction.

-Je crois que le message est clair.

Un sourire en coin, elle se pose sur le sol, relève la tête et fonce dans ma direction, à une vitesse halucinante.

Le Mystère de MilénaWhere stories live. Discover now