IX. Lueur d'espoir

12 2 1
                                    

6 juillet 2019

Pdv Cole

En une simple fraction de seconde, elle se retrouve à quelques centimètres de moi et, sans aucun contact physique, m’envoie voler jusqu’au mur que je venait de quitter. Projeté jusqu’à lui avec une force inhumaine, le choc me coupe le souffle quelques secondes. Sonné, la vue brouillée et la tête qui tourne, ma respiration se fait difficile pendant que je regarde la démone sourire, satisfaite de son attaque. Au bout de quelques secondes, retrouvant quelques sensations, je sens un liquide chaud couler le long de ma nuque, accompagné d’un douleur aiguë résonnant dans mon crâne, tout de même atténuée par l’adrénaline. Fermant les yeux un instant, le temps de retrouver mes esprits, je les rouvre face au visage déformé par un sourire cruel et dément d’Antoine.

-Toute cette défiance pour que ça se finisse si vite ? Je suis déçue… Quoique, je m’y attendait peut-être un peu, en y repensant tu ne l’as pas été tant que ça, défiant je veux dire. Je suppose que ce serait la moindre des choses que de t’achever vite, dans ce cas là. Tu me remerciera plus tard, tu verras. Ah mais non, suis-je bête, tu ne seras plus en capacité de le faire !

Sur ces mots, elle recule lentement, comme dans l’espoir d’une dernière riposte de ma part. Une fois à quelques mètres, elle s’immobilise, ses yeux noirs comme la nuit plantés dans les miens. Elle marque une pose de quelques secondes, toujours dans l’espoir d’un mouvement, même minime. Voyant que je reste figé sur place, les yeux désormais écarquillés face à la mort qui m’attend, elle soupire.

-J’aurais espéré mieux de ta part, tu me donnais l’impression d’avoir de très puissants pouvoirs. Quel dommage.

C’est en disant ça qu’elle prend son élan pour me tuer une bonne fois pour toutes.

Complètement pétrifié par la peur, je ferme les yeux, attendant le choc. À l’idée de vivre là mes dernières secondes, mes pensées partent alors vagabonder là où elles n’ont encore jamais osé. Ou peut-être est-ce toujours le même endroit ? Peut-être est-il légèrement différent. Mais pourquoi le serait-il ? Quoique je fasse, il a toujours été le même. Et puis, pourquoi mes pensées s’aventureraient t-elles là où elles n’ont jamais osé ? Elles ne l’ont jamais fait avant. Peut-être avaient-elles peur ? Peur de ce qu’elles allaient y découvrir ? Mais peur de quoi ? Peut-être… que ce n’était pas elles qui avaient peur… mais moi ? Peut-être était-ce moi qui n’osait pas m’aventurer autre part. L’idée de mourir n’a jamais été pour moi qu’un sentiment familier et chaleureux, c’était un désir lointain et inaccessible, échappatoire d’un enfer qui durait depuis tant d’années. Peut-être que ces pensées dont j’avais peur, étaient celles de vivre. Vivre longtemps, pendant des années, des années qui seraient toujours les mêmes. Des années de douleur et d’apathie, des années mornes. J’avais peur de vivre et envie de mourir, aucun goût pour la vie, de l’anxiété, du stress, le corps parcouru de fleurs bleues électriques sur une peau crayeuse, toujours en noir,tentant de se faire oublier, disparaissant aux yeux du commun des mortels comme un fantôme,un mystère étrange et dangereux. Si je devait décrire mon esprit, je vous dirait que c’est un gouffre sans fond dans lequel je me perdait, je me noyait comme dans des eaux sombres et douloureuses. J’étais dépressif, et cela depuis tant d’années.

Mais qu’en est-il de maintenant ? Je ne sais pas, je ne me suis pas posé la question. Tiens ? C’est vrai que je n’y ait pas pensé depuis quelques temps. Combien de temps d’ailleurs ? Peut-être plusieurs semaines. Oh. Peut-être à partir du moment où j’ai commencé à m’intéresser à ce manoir, toujours attendant les vendredis avec impatience, pour passer des heures à déambuler dans les couloirs. Mais je n’était pas heureux pour autant, j’aurais accepté la mort sans rechigner. La dépression est un parasite qui s’accroche plus facilement qu’il ne s’enlève, laissant toujours sa marque, lui permettant de revenir à la moindre faiblesse. Pourtant, cette mort que j’ai tant attendue ne me fais plus envie. Après malgré tout bien peu de changements récents dans ma vie. Seulement un nouvel objectif, et une nouvelle personne. Un objectif est une bonne raison de continuer à vivre, mais pas nécessairement de le vouloir. Alors une nouvelle personne ? Quelqu'un de nouveau qui décide de vous tendre la main ? C'est une bonne raison d'avoir envie de vivre, ça. Passer du temps avec la personne, apprendre à la connaître, elle et sa personnalité, ses mimiques, ses qualités et ses défauts. Une personne est une mine d'or de mystères, parfois de plus en plus profonds. Alors peut-être est-ce grâce à Antoine ? La première personne à me parler de choses diverses et variées, sans obligations et de son plein gré, celui qui se rapproche désormais le plus d’un ami, bien que je ne le connaisse que depuis hier. Peut-être mon esprit s’est-il déjà désespérément accroché à lui, petite bouée de sauvetage dans ce monde effrayant. Cela expliquerait mes larmes, prêtes à couler depuis plusieurs minutes déjà. La peur de perdre cet être qui semble éloigné de tout, profondément gentil et bienveillant, et qui malgré une rencontre impromptue et étrange n'a pas fuit à toutes jambes. Si c’est cela, je suis condamné, mon esprit ne supporterais pas de le voir disparaître. Autant mourir. Encore. Mais je n’en ai plus envie, je ne veux plus, une lumière d’espoir s’allume enfin et je doit lui jeter une bassine d’eau froide dessus ? Il n’en est pas question. Ce n’est pas dans ce manoir et de la main de cet homme que je mourrais. Ni maintenant, ni jamais. Même si je dois m’en briser tous les os du corps, je m’accrocherais, j’arracherais de son esprit cette ignoble créature et le sauverais. Je gagnerais, pour la première fois depuis si longtemps, je veux vivre, je veux aider et me soucier de quelqu’un. Je veux sortir de ce gouffre sans fond. Je veux m’en sortir.

Le Mystère de MilénaDär berättelser lever. Upptäck nu