Chapitre 30: Mettre de l'huile sur le feu

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  - Mademoiselle Akson? Le temps est écoulé. Veuillez rejoindre vos camarades au test.

  C'est le surveillant qui m'appelle de l'autre côté de la porte. Je devrais peut être l'écouter, mais je fais la sourde oreille et poursuis ce que je suis en train de faire: écrire. J'ai trouvé dans cette pièce - qui s'avérerait à être en fait un vieux bureau - des feuilles de papier et des crayons. Et ça m'a donné une idée. Débile et insensée, peut être, mais la seule qui m'ait venue à l'esprit.

  Le surveillant cogne lourdement dans la porte et répète, plus durement cette fois-ci:

  - Mademoiselle Akson, sortez! Sinon, nous allons avoir à venir vous chercher.

  Je griffonne le plus vite possible. Ce que je suis en train d'écrire est très important, et j'en suis plus que consciente. Je compose la dernière phrase avant de laisser tomber le crayon avec lequel j'écrivais, toute haletante. Je ne sais vraiment pas si ce plan est sage, mais il est trop tard pour faire marche arrière. Ou plutôt, je ne veux tout simplement pas renoncer. Je prends une grande inspiration, essuie une dernière fois les larmes qui coulent toujours sur mes joues, saisis la feuille de papier et vais rejoindre le surveillant en dehors de la salle. Celui-ci bouille d'agacement.

  - Non seulement on se permet de faire attendre un de ses supérieurs, mais en plus, on vole du matériel à l'établissement? fulmine-t-il en fixant la feuille que j'ai entre les mains.

  - Elle m'appartient, mens-je. Je n'ai rien d'une voleuse.

  - Petite menteuse.

  Il tente de me dérober la feuille des mains, mais étant beaucoup plus rapide et agile que lui, je lui en empêche. L'homme me considère avec un mélange de surprise et d'énervement.

  - Je n'ai rien volé à ce local, insisté-je avec exaspération.

  Je n'ai pas envie d'argumenter avec ce vieil homme grincheux qui prend tout au pied de la lettre. Je l'admets, j'ai volé une feuille de papier (quel crime!) et j'ai écris dessus (double crime!), mais il n'y a pas de quoi en faire un plat. Et puis, depuis quelques minutes, je me sens toute chamboulée, j'ai l'impression que rien ne se passe comme je l'avais prévu. Si cet homme savait ce que je viens de vivre... Je soupire. Je ne sais même plus si ce que je fais est bon ou non, ou si je fais ce que je devrais faire. La rencontre que je viens d'avoir avec Alicia m'a bouleversée très profondément, contrairement à ce que je tente de faire paraître. Bref, je n'ai pas l'énergie pour des histoires de kidnapping de feuilles de papier.

  Après cet étrange épisode, le surveillant me reconduit parmi les autres Nouveaux. Ces derniers sont tous en train d'observer Béatrice - la fille avec qui je me suis entraînée à l'épée - faire son test. Elle exhibe avec une pointe de vanité ses talents d'escrime. Elle semble très douée, à faire des figures et des poses toute seule, mais je parie qu'elle aurait l'air ridicule si je me battais contre elle. Cette pensé fais naître en moins une pointe de jalousie. Si seulement c'était aussi simple pour moi que de simplement montrer tout ce dont je suis capable au Conseil...! C'était pourtant mon plan de départ pour qu'Amé puisse me filmer et tout, mais Alicia est venue tout chambouler. Pour le meilleur ou pour le pire: je ne le sais pas pour l'instant.

  Puis, après le petit numéro de Béatrice, quatre autres Nouveaux passent leur test - Kaëlle, Fabien, Dannis et Valentine - avant que ne vienne mon tour. Je repasse mon plan dans ma tête. J'espère sincèrement que c'est la bonne chose à faire...

  - Jennifer Akson, c'est votre tour, m'appelle un des membres du Conseil dont je ne connais pas le nom dans son microphone.

  Le Conseil est installé derrière un long bureau de bois, tel un jury. Le coeur battant à la chamade, je grimpe les escaliers pour me rendre sur l'estrade, qui se trouve au centre d'un demi-cercle formé par nos chaises. Je tente de camoufler ma nervosité sous une expression neutre. Je sors la feuille de papier de ma poche et la plie une fois, deux fois, trois fois, quatre fois, lentement et minutieusement, avant de la déposer à mes pieds. Je me tiens droite et en silence quelques instants. Puis je vais reprendre ma place parmi les autres Nouveaux. Tous semblent extrêmement confus, et on m'interroge du regard. Je feins l'indifférence.

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