Chapitre 36: Fugitifs

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- Sortir? couine Tess en se plaquant les mains sur les joues. Tu veux dire, aller à la surface?

Alex hoche la tête et déclare:

- Exactement. Après tout ce que vous avez fait, demeurer dans la cité serait un acte de suicide. Un peu plus de la moitié des habitants de cette ville veulent présentement la mort de Jenn: ils ne comprennent pas réellement la prophétie, et...

- Là n'est pas le problème, persifle Fabien en le coupant dans ses explications. Ça fait sept mois que je suis ici, dans le noir, coupé du monde extérieur, alors tu crois quand ça m'enchante que tu nous ordonnes de sortir?

- Il fait nuit, réplique Alex. Il fait cinq degré Celsuis dehors et il n'y a qu'une faible accumulation de neige; les Alterans sont très résistants au froid, donc vous serez parfaitement à l'aise.

- Et au lever du jour? lance Amé avec impatience. Qu'est-ce que nous allons faire?

- Il va falloir vous adapter.

Fabien s'approche lentement d'Alex, l'air menaçant.

- "Nous adapter"? grogne-t-il en le fusillant du regard. Es-tu vraiment en train de te permettre de me donner des ordres, l'Étamien?

- Je ne fais qu'assurer votre survie, se défend Alex en ne bronchant pas devant les tentatives de Fabien pour l'intimider.

- On n'a pas besoin d'un crétin comme toi pour "assurer notre survie".

Je lève les yeux au ciel, dépassée par leur attitude enfantine. Amé et moi avons un contacte visuel: elle est aussi excédée que moi. Faute de patience, elle lance aux deux garçons:

- Les mecs, si nous voulons nous tirer vivant de toute cette histoire, il faudrait se bouger.

- Si vous n'arrêtez pas de vous disputer, ça ne mènera à rien, gémit Tess.

Les deux garçons se toisent du regard quelques instants avant de se séparer. Amé soupire longuement, visiblement satisfaite que sa remarque ait fait effet.

- Maintenant, je dis qu'on se tire d'ici avant que des policiers cinglés ne nous sautent dessus, propose-t-elle en faisant craquer ses jointures.

- ... ce qui implique que nous devons absolument sortir, renchéris-je en jetant un regard noir à Fabien. (Je me retourne vers les quatre autres.) Les grilles ne l'arche ne sont pas encore closes, à cette heure: nous devrions pouvoir sortir facilement d'ici. Dépêchons-nous avant qu'il ne soit trop tard!

Personne ne réplique, et nous nous mettons tous en route. Je prends une grande inspiration et réajuste mon sac à dos sur mes épaules. On dirait bien que ce sera moi, la leader, dans ce groupe. Lorsque je propose quelque chose, les autres l'acceptent et me suivent. Le problème, c'est que je n'ai pas la tête d'un chef. Je dois un peu me botter le derrière pour me décider à me prononcer ou à élever la voix. Je vais devoir m'y faire. C'est ça, mon rôle, à présent.

Nous déboulons rapidement les escaliers et les passerelles, bousculant des gens au passage. J'espère que personne ne me reconnaîtra ou se lancera à notre poursuite. Avec un peu de chance, nous passerons l'arche et sortirons d'ici sans le moindre problème.

Alex, qui court en arrière de moi, me lance:

- Jenn, quelle heure est-il?

Je soulève la manche de mon manteau noir, question de pouvoir consulter ma montre. Je sens le rythme de mes battements cardiaques accélérer: il est dix-neuf heures quarante-cinq! Plus que quinze minutes avant la fermeture de la grille! S'il n'en était qu'à moi, je piquerais un sprint jusqu'à l'arche et y arriverait en moins de deux minutes; seulement, je ne peux pas me permettre d'abandonner mes amis, ou d'aller les attendre là-bas. S'ils se faisaient attaquer? S'ils se faisaient prendre par les autorités? Je dois être là pour les défendre. Je me sens comme s'ils étaient sous ma responsabilité.

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