Chapitre 23: Un meurtre discret

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- Maman? couiné-je.

Je m'approche très lentement de la cuisine, toute effrayée. J'entends ma mère pleurer. Mon père jurer. Pleins de gens parler. Les sirènes de la police hurler à m'en déchirer les tympans. J'ai le temps d'entendre les chiens du voisins aboyer de frayeur et les jacassements frénétiques des journalistes dehors tandis que plusieurs membres de famille se glissent de la porte d'entrée pour faire irruption dans ma maison.

Tremblotante, les joues baignées de larmes, je rappelle ma mère plus fort:

- Maman! Maman, qu'est-ce qui se passe?

J'arrive dans la cuisine. Les adultes semblent se chamailler entre eux. Ils s'impatientent, pleurent, crient. Personne ne semble se soucier de moi. Je les écoute parler quelques secondes sans que personne ne porte attention à moi.

- Avoue-le, Daniel! hurle grand-père Christophe. Tu es la cause de sa disparition!

- Je ne suis pas impliqué dans cette histoire, réplique oncle Daniel. Comment oses-tu m'accuser capable de commettre une chose pareille, père?

- Voyons voir... Tu es étrange, distant, on entend pratiquement jamais parler de toi. Si tu veux mon avis, tu n'es même pas humain!

Daniel frappe durement du poing sur le comptoir, faisant taire soudainement grand-père. Il y a une telle rage dans le regard de Daniel, un telle colère...

- Je ne lui ai rien fait, à cette fille, persifle-t-il. Je vous le jure. Et si je mène le genre de vie que je vis présentement, eh bien, sachez que... Ce n'est pas qu'une question de choix.

Lourd moment de silence. Oncle Daniel et grand-père se défient du regard, et les autres membres de ma famille accourent dans tous les sens. Personne ne remarque ma présence. Décidée à ne pas rester plus longtemps plantée là, je me mets à trotter un peu partout dans la maison, cherchant des réponses.

Il est deux heures du matin. Je dormais, moi, avant que tout ce beau monde arrive chez moi au beau milieu de la nuit. J'exige un peu d'attention, et quelques explications. Je suis grande, non? C'était ma fête de sept ans, il y a trois jours! Même Alicia m'a donné un cadeau de grande: un bracelet.

Alicia. Puisque aucun adulte ne veut m'éclaircir sur la situation, eh bien, Alicia le fera. Je grimpe les escaliers quatre à quatre et file vers la chambre de ma grande soeur. Je ne prends même pas le soin de cogner à la porte. Je l'ouvre à la volée, allume les lumières et hurle:

- Alal! Alal, vient voir se qui se passe en-bas! La police est là, toute la famille aussi!

C'est alors que je réalise qu'elle n'est pas dans sa chambre. Hébétée, je referme sa porte et éteins sa lumière avant de redescendre en-bas. Je fouille dans toute la maison: la cuisine, le salon, la salle de bain. Rien. Aucune trace d'elle. Elle semble s'être... envolée.

Je sors de la maison. Il y a des voitures de polices partout, leurs phares m'aveuglant de leurs lueurs bleutées et rougeâtres. Des hommes en uniforme sont en sérieuse conversation avec des membres de ma famille. En ce soir frais de mai, quelque chose de grave semble s'être produit. Mais quoi, je me le demande bien. Où donc est Alicia? Je voudrais tant qu'elle soit là, à m'expliquer la situation! Elle est grande, très grande, elle. Elle comprend les choses d'adulte.

- Alicia! m'époumoné-je dans la nuit. Alal!

Puis - enfin - mon père accoure à moi. Ses yeux sont rouges de larmes, son front est plissé d'inquiétude. Je suis de plus en plus terrifiée. C'est la première fois que je vois papa pleurer.

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